Rénovation énergétique : sortir des « mono-gestes »… ou des politiques publiques « mono-objectif » ?
La rénovation aidée ne doit pas être un déversoir à argent public mal utilisé parce qu’employé sans compréhension de la nature des besoins.
Ce que nous avons pris l’habitude de reconnaître comme une « ville », un « village », un « bourg », un « faubourg » résulte le plus souvent d’une histoire, d’un processus de croissance organique : le tissu urbain a évolué sur et en prolongement de lui-même, au gré des besoins et des projets, autour d’espaces publics, de voies, de lieux et d’équipements collectifs.
Puis vint le temps de l’énergie peu chère, de l’automobile, des infrastructures et des villes nouvelles : « grands ensembles », « lotissements », « quartiers sur dalle » puis « éco-quartiers », construits dans des champs, des forêts et aujourd’hui d’anciennes friches industrielles. D’une logique de tracés et d’évolutions incrémentales, nous sommes passés à une logique d’opérations nouvelles d’aménagement.
En France, contrairement aux époques précédentes, l’urbanisation du 20e siècle ne fut pas conçue comme évolutive, mais au contraire comme un système quasiment figé, dessiné puis réalisé en tant qu’objet urbain définitif : des parcelles furent viabilisées et découpées, des bâtiments édifiés, non pas pour être un jour surélevés, étendus, divisés, densifiés, prolongés… mais pour demeurer tels quels. Si bien que chacun s’habitua à cette idée.
Les Plans d’Occupation des Sols virent le jour en 1967, les Plans Locaux d’Urbanisme en 2000, selon un double principe — par des zones et des règles :
En 2021, l’objectif du Zéro Artificialisation Nette (ZAN) fait son apparition dans la loi Climat et Résilience. Pour l’essentiel, atteindre le ZAN en 2050 remet en cause, frontalement, le principe (2), c’est-à-dire l’ouverture de nouvelles zones à urbaniser pour répondre aux besoins.
Mais étonnamment, au moment où nous nous donnons pour règle de fermer progressivement les possibilités d’extension urbaine, d’étalement urbain et d’artificialisation de nouvelles terres, nous ne nous donnons pas la règle corolaire, qui correspondrait au renversement du principe (1) : à savoir ouvrir significativement, et intelligemment, les possibilités de construire en renouvellement urbain pour répondre aux besoins.
Si l’on ferme le robinet de l’extension sans ouvrir le robinet de l’intensification, nous créons de facto, par nos règles, de façon complètement artificielle, une situation de pénurie potentielle de fonciers constructibles.
Cette pénurie potentielle devient une pénurie réelle dans les territoires dans lesquels les besoins du pays sont importants.
La spéculation immobilière, qui fait grimper les prix jusqu’au ciel dans ces territoires, jusqu’à y bloquer la production de l’offre qui permettrait de répondre aux besoins, est le plus souvent le symptôme de cette pénurie artificielle, et non sa cause initiale.
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