L’accession classique a encore de beaux jours devant elle

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3 min de lecture.  |  Publié le 19/04/2023 sur | Mis à jour le 19/05/23

La politique foncière, centre de gravité des propositions du groupe de travail “acte de bâtir” du CNR logement

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Lina Trabelsi | aefinfo-fr.cdn.ampproject.org

Je pense que l’idée selon laquelle l’accession classique serait « un modèle qui arrive à bout de souffle » est erronée. Elle est poussée par ceux qui prônent une financiarisation du logement et peut-être par ceux qui ne sont pas très à l’aise, par principe, avec la notion d’accession ou qui n’ont pas connaissance d’autres voies pour la rendre abordable, plus simple.

Tout commence par un diagnostic qui se concentre sur les symptômes plus que sur les causes, artificielles, de la hausse des prix du foncier :

  1. L’absence de reconnaissance, dans le débat public, du problème géographique qui se dresse devant nous (métropolisation, littoralisation) et ainsi notre manque de profondeur dans notre compréhension des besoins auxquels l’aménagement du territoire doit répondre en 2023 ;
  2. La déconstruction idéologique de la relation entre rareté et prix ; certains ont presque réussi à nous convaincre que des prix qui montent n’ont pas de lien avec la demande qui grandit plus rapidement que l’offre, et donc (i) qu’il serait vain de vouloir construire plus, (ii) que les prix élevés ne devraient pas être considérés comme des indices d’un déficit d’offre et (iii) que répondre la demande serait, finalement, non légitime ;
  3. La démocratie du sommeil : les personnes qui décident des droits à bâtir, artificiellement octroyés ou retirés aux fonciers, notamment ceux des espaces déjà bâtis, sont celles qui dorment sur place et non celles qui viennent chaque jour y travailler. C’est ce mécanisme trop partiellement démocratique qui rend la démocratie locale du droit à bâtir dysfonctionnelle et qui la pousse, aujourd’hui plus que jamais, à créer cette rareté artificielle qui est le point de blocage principal de l’écosystème immobilier.

En se concentrant sur les symptômes sans rechercher les causes réelles, on finit par trouver des remèdes pires que le mal.

L’accession classique à la vertu de reposer largement sur le modèle de la maison construite en auto-promotion (l’habitant est le maître d’ouvrage de son projet d’habitat) : elle est fondée sur un modèle de production du logement en filière courte qui présente, par ailleurs, l’avantage d’être abordable pour les raisons suivantes :

  • Absence de promotion, c’est-à-dire de maîtrise d’ouvrage déléguée 
  • Absence de risque et donc de la marge qui le rémunère 
  • Possibilité de réaliser une partie des travaux et des finitions soi-même ce qui, dans une conjoncture complexe des coûts des matériaux, devient décisif pour boucler un budget.

Or les « alternatives » à l’accession classiques sont toutes fondées sur des modèles d’opération avec promotion, plus sophistiqués, plus lourds, plus complexes, plus coûteux et plus financiarisés qui ne fonctionnent que parce que pour les mettre en œuvre on puise largement dans les fonds publics (défiscalisation, cession de fonciers à bas prix, financement public de déficits d’opération etc…) — lesquels, contrairement aux droits à bâtir que l’on peut inscrire dans un PLUi, sont limités.