Le potentiel des toits : s’aérer et jardiner, plutôt que de cuire ?

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4 min de lecture.  |  Publié le 12/11/24

Plutôt que de mourir de chaud sous les toits en zinc, ne pourrait-on pas les recouvrir par des plateformes en bois végétalisées qui protégeraient nos bâtiments, sans en modifier le dessin, tout en transformant les derniers étages parisiens en rooftop de rêve où l’on pourrait jardiner ou boire un verre au coucher du soleil ?

C’est la promesse que porte aujourd’hui Roofscapes, une société créée en 2020 qui a développé une terrasse qui se pose directement sur les toits, et dont les premiers prototypes sont en cours de déploiement à Paris. Il s’agit d’un système de plateforme en bois sur pilotis en métal qui viennent à travers le zinc pour se connecter directement aux points porteurs du bâtiment. Cela permet de créer un toit terrasse, par dessus le toit existant, même les toits inclinés traditionnels de Paris, accessible pour les habitants et support de nouveaux usages, notamment de végétalisation.

Mais il faut bien du courage pour tenter de s’attaquer à l’un des sujets majeurs de la transformation écologique de Paris : ses toits en zinc. Ces derniers, qui composent le grand paysage de la capitale, formant une véritable mer bleutée, participent activement à rendre les derniers étages des immeubles invivables en période estivale, avec des températures qui ne vont devenir que plus insoutenables dans les années à venir1.

Pour atténuer la chaleur accumulée en toiture (particulièrement lorsque celles-ci sont mal ou pas du tout isolées) et ne pas faire sombrer dans l’insalubrité une bonne partie des combles parisiens transformés progressivement en logements ces dernières décennies, plusieurs pistes ont été explorées.

Certains proposent de peindre ces surfaces en blanc, dans un geste simple et peu couteux, quand d’autres proposent de profiter de projets de surélévation pour transformer ce dernier niveau en toit terrasse. Ce qui est certain, c’est que le devenir des toits de Paris mérite réflexion car ils pourraient être, à l’avenir, le support de nombreuses adaptations tant pour atteindre nos objectifs de rafraîchissement que pour le développement de nouveaux usages.

Toutefois, aujourd’hui, tous se heurtent à deux freins majeurs :

  • les préservations patrimoniales, particulièrement à Paris, où quasiment l’ensemble des quartiers sont concernés par des cônes de vues ou des protections et où les ABF sont garants du grand paysage, c’est-à-dire, de la mer de zinc.
  • l’accord et le financement des copropriétés, nombreuses, mixtes dans leur composition et complexes dans leur fonctionnement.

Après de premières discussions avec les ABF parisiens, Roofscapes a finalement pu implanter son premier module sur le toit de l’Académie du Climat en mai 20242 avec des résultats plus que probants quant à l’efficacité du dispositif pour faire chuter les températures. Ainsi, cet été, alors que le bâtiment sous la toiture enregistre une température de 47°C en plein pic de chaleur, celle qui se trouve protégée par la terrasse affiche 29.7°C, soit 17°C d’écart entre les parties exposées au soleil et les parties ombragées.

La promesse de rafraîchissement est tenue. Mais qu’en est-il des points de blocages habituels ?

La question patrimoniale demeure, mais la Direction de l’Urbanisme de Paris, dans sa détermination à adapter la capitale au changement climatique, a permis de faciliter le processus d’autorisation, notamment en convenant que de tels modules, de part leur caractère réversibles, pouvaient faire l’objet d’une simple déclaration préalable.

Ensuite, l’intelligence de la solution réside dans le fait qu’elle traite non pas uniquement du confort d’été, mais aussi de la question des usages et l’accès au toit, suscitant un réel engouement des Parisiens, puisque, ce sont désormais 200 copropriétés qui ont sollicité l’entreprise pour lancer un projet. Les demandes affluent même désormais au rythme d’une par jour ! C’est d’autant plus intéressant que si le premier module expérimental a coûté, tout compris, aux alentours de 2’000€ / m2, la startup est d’ores et déjà en train de rationaliser une partie de ses coûts d’étude et de production et promet des installations prochaines à des prix plus abordables.

La solution ne manque pas, par ailleurs, de susciter de l’engouement au-delà du périphérique et même de la France, ayant été retenue dans le cadre d’un appel à projet européen. Il est vrai que de nombreuses villes européennes, tout aussi patrimoniales que Paris, telles que Venise ou Florence, ont vu fleurir sur leur toit, ce type de terrasses en surplomb depuis bien longtemps.

Reste à voir si Paris parviendra à contourner les complexités administratives françaises pour accélérer son adaptation au changement climatique tout en adoptant un nouveau style de dolce vita !


Notes :

  1. Sur demande de la Ville de Paris, le GREC a réalisé des simulations climatiques, qui démontrent qu’un dôme de chaleur avec des pics à 50°C, à l’instar de ce qui s’est produit au Canada à l’été 2021, est possible à Paris au XXIe siècle (bien que restant des épisodes rares).
  2. C. De La Guérivière, M. Dana, A. Dupont, E. Rassat, E. Brouillard, L. Bourgoin, Climat : symboles de Paris, les toits en zinc transforment les habitations en fournaises l’été.

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