Pourquoi les grands ensembles, planifiés par l’État et des architectes de renom pour répondre à la crise du logement post-1945, sont-ils démolis à grands frais, alors que les lotissements illégaux
des années 1920, nés de la spéculation et de la débrouille, forment aujourd’hui des quartiers prisés ?
Si mille explications ont sans doute déjà été données… je voudrais porter à votre attention le sujet de la granularité.
Celle-ci désigne le nombre de logements que l’on trouve sur un terrain
Qu’est-ce qu’un tissu urbain à fine granularité ?
. Elle est de une pour une
maison individuelle
, et peut atteindre plusieurs centaines ou milliers d’unité dans un grand ensemble
.
La granularité a un impact non seulement sur la forme urbaine, mais également sur la capacité d’un tissu urbain à s’adapter, à évoluer, à encaisser les chocs : la granularité à un impact sur la fragilité ou l’antifragilité d’une ville
Antifragilité : éloge de la redondance
.
Dans le cas des grands ensemble
comme dans le cas des mal lotis
, l’Etat a mis les moyens pour revenir sur le dessin initial :
- pour démolir certains bâtiments et restructurer la forme urbaine (baisse des hauteurs,
résidentialisation
) dans un le 1er cas, - pour viabiliser, régulariser les lotissements privés et financer l’accession à la propriété des ménages modestes, dans le 2ème cas.
Aucune de ces deux histoires, qui ont marqué l’urbanisme francilien du 20ème siècle, n’est donc parfaite dès le départ.
Le sujet est donc moins de savoir quelle forme a été la mieux conçue initialement que de comprendre que l’une a de fortes capacités d’évolution (et est donc moins sensible aux erreurs initiales) quand l’autre est, finalement, assez rigide et fragile.
Les grands ensembles ont nécessité de vastes et parfois déchirantes démolitions. Les lotissements des mal lotis
se sont peuplés et améliorés progressivement, et continuent de se densifier parcelle par parcelle, projet par projet.
Alors que la tentation est grande de les geler
, ils présentent, encore aujourd’hui un potentiel d’évolution considérable
La mise sous cloche du tissu pavillonnaire n’est pas soutenable
Ile-de-France : les destins croisés des « mal lotis » et des « grands ensembles »
.
La fine granularité apporte l’autonomie, la liberté, la possibilité de décider à petite échelle de l’étape suivante sans être soumis à la synchronisation nécessaire avec les processus de décision des voisins.
Au début,
les constructions, très petites, sont faites de matériaux légers, les chemins de terre ne sont pas goudronnés, le quartier est en devenir
nous dit Annie Fourcaut.
Construire dans un lotissement c’est bénéficier d’un ensemble de libertés nouvelles. Avoir un chez soi, enraciner sa famille sur une parcelle de terrain, c’est être en sécurité après les bouleversements dus à la guerre, la dépréciation du franc et l’inflation. La liberté dans la gestion de l’espace est immédiate : à la maison s’ajoutent le jardin mais aussi un auvent, des appentis, des latrines, une buanderie, un poulailler, un clapier.