Rénovation énergétique : sortir des « mono-gestes »… ou des politiques publiques « mono-objectif » ?
La rénovation aidée ne doit pas être un déversoir à argent public mal utilisé parce qu’employé sans compréhension de la nature des besoins.
« En République, on doit assurer le libre accès sur tout le territoire »
Nathalie Segaunes | lopinion.fr
À l’occasion de la publication de son dernier livre (voir en fin d’article), Gilles Savary nous alerte sur ce qu’il décrit comme un véritable risque de séparatisme territorial.
L’accès au cœur des grandes agglomérations, c’est-à-dire la faculté à s’y déplacer (via un système de mobilités performant) ou à s’y installer (via une offre quantitativement significative en logements abordables, y compris si l’on dispose d’un pouvoir d’achat modeste) est l’une des questions clés de l’aménagement du territoire pour les années à venir, à la fois du point de vue de la question de l’impact environnemental de nos modes de vie, que de la cohésion sociale à l’échelle de la nation.
Sur le point de la cohésion sociale, cette tribune de Gilles Savary a le mérite de la clarté :
« Il serait absolument insoutenable qu’il y ait, d’un côté, les urbains vivant dans une ville de qualité et, de l’autre, les ruraux dans l’enfer des bouchons. »
« La métropolisation de notre territoire ne découle pas d’une politique nationale systématique d’aménagement du territoire. C’est la conjonction, dans les années 1980, de la décentralisation économique et universitaire et d’équipes municipales très dynamiques qui ont magistralement requalifié nos agglomérations. »
« Les grandes villes de province sont devenues très attractives. Cette attractivité a créé une pression démographique qui a provoqué une augmentation des prix, laquelle a poussé une petite classe moyenne de travailleurs à s’installer en périphérie. Mais l’emploi et les fonctions supérieures (CHU, théâtres, administrations, universités, grandes écoles etc.) n’ont cessé de se concentrer dans l’espace urbain. »
« La métropolisation s’est donc accompagnée d’une explosion des déplacements péri-urbains. Aujourd’hui, la ville se ferme plus rapidement à l’accès automobile que l’on ne développe de solutions alternatives de déplacement pour ces populations. »
« Mon livre est un cri d’alarme : attention, nous vivons en République, il ne peut pas y avoir de territoires interdits, on ne peut pas instaurer un séparatisme territorial. On a bien vu, dans la symbolique géniale du gilet jaune, que ce sont les questions de mobilité, rattachées à l’arrivée d’un nouvel impôt sur les voitures, qui ont déclenché la crise des Gilets Jaunes. »
RÉFÉRENCES
SAVARY Gilles, La ville inaccessible, essai sur une fabrique des Gilets jaunes, Le bord de l’eau, 2023. Extrait :
« La révolte des gilets jaunes de novembre 2018 a révélé une France de la voiture inquiète de son avenir et en rupture profonde avec le discours urbain dominant.
« 5 ans après, force est de constater que ses conditions de déplacements essentiels n’ont cessé de se dégrader autour de nos grandes villes de Province sous l’effet d’une métropolisation essentiellement régie par l’augmentation du prix du logement. Si l’Etat, les Régions et nos collectivités locales n’ont pas ménagé leurs efforts en matière de financement des transports, notamment du rail qui y tient une place considérable, il apparaît que les grandes périphéries urbaines comme le monde rural constituent une quasi « zone blanche » de notre offre de solutions de transports publics.
« Cette situation hors de contrôle, qui n’offre d’autre alternative qu’un recours à la voiture individuelle est aujourd’hui exposée aux tensions sur le prix des carburants suscitées par la guerre en Ukraine. Elle constitue une profonde injustice sociale et économique et une impasse écologique qui menacent gravement la cohésion républicaine et se sont clairement exprimés dans le vote des Français aux élections d’avril et de juin 2022. »
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