BUNTI, BIMBY : réussir la transformation de nos quartiers pavillonnaires en villages
Les outils BIMBY et BUNTI sont prêts à être déployés à grande échelle pour « Réussir la transformation de nos quartiers pavillonnaires en villages ».
Crédit : Patrick Lamson Hall
L’Afrique connaît une croissance urbaine sans précédent, et la manière dont nous gérons cette expansion déterminera l’avenir du continent. D’ici 2050, la population urbaine africaine augmentera de 800 millions de personnes, une grande partie de cette croissance se produisant dans des villes secondaires
en rapide expansion1. De nombreuses villes connaissent déjà une croissance exponentielle, leurs populations augmentant à mesure que les résidents ruraux recherchent de meilleures conditions de vie et de nouveaux moyens de subsistance.
Des recherches récentes indiquent que la superficie d’une ville typique d’Afrique subsaharienne a triplé entre 1990 et 2014, tandis que la population urbaine a doublé2. D’ici 2050, on prévoit le triplement de la population urbaine africaine3. Cette très forte croissance des espaces urbains, accompagnant l’augmentation de la population, présente d’énormes défis, mais aussi des opportunités considérables si celle-ci se trouve correctement planifiée.
La planification de l’extension urbaine pourrait être des leviers déterminants afin d’organiser de manière proactive les périphéries urbaines pour accueillir de futures populations, en garantissant l’accès aux infrastructures et en assurant la durabilité environnementale. Cette approche permettrait non seulement de contenir l’étalement urbain informel mais aussi de stimuler le développement économique, d’améliorer l’accès aux services et de réduire les inégalités.
La planification urbaine traditionnelle se concentre souvent sur des plans directeurs ambitieux et de grande envergure, coûteux, complexes et difficiles à mettre en œuvre, surtout dans des contextes de villes en développement. En revanche, la planification qui s’attache à l’accompagnement de l’expansion urbaine correspond à une solution beaucoup plus simple, évolutive et rentable, axée sur trois éléments clés : l’élargissement des limites de la ville, la viabilisation des terrains par un réseau de routes principales et la protection des espaces naturels sensibles. Cette stratégie s’inspire des expériences probantes de villes comme New York et Barcelone au XIXème siècle. À New York, le plan des commissaires de 1811 a multiplié par sept la superficie constructible de la ville, préparant le terrain pour son essor démographique et économique au cours des décennies suivantes4 .
Aujourd’hui, les mêmes principes peuvent être appliqués aux villes africaines en croissance rapide. Depuis 2013, la Urban Expansion Initiative, dirigée par une équipe de l’Université de New York, collabore avec des villes secondaires en Éthiopie et en Colombie, formant des responsables locaux et les aidant à mettre en œuvre des plans d’expansion urbaine sur le terrain. Cities Alliance a également adopté cette approche, soutenant plusieurs autres villes éthiopiennes ainsi que plusieurs villes en Ouganda et en Somalie.
Le travail commence par la réalisation d’une projection de la croissance démographique des 30 prochaines années et le calcul de la superficie supplémentaire nécessaire à l’absorption d’une telle croissance. L’accent est ensuite mis sur la planification d’un réseau de routes principales, infrastructure essentielle qui garantit que chaque futur ménage sera relié au système de transport et aux services publics. Enfin, la ville s’efforce de viabiliser et d’aménager les terrains destinés au réseau routier, tout en définissant les zones écologiquement sensibles à préserver.
Cette méthodologie est fondamentale pour assurer une croissance plus organisée et durable.
L’un des défis les plus importants dans les villes en urbanisation rapide est la multiplication des installations informelles dans les zones périphériques. Ces installations émergent sans aucune planification formelle et souffrent, la plupart du temps, du manque d’infrastructures de base et de reconnaissance juridique. Cela résulte en une expansion désorganisée, difficile et coûteuse à intégrer dans l’environnement urbain plus large, laissant les résidents déconnectés des services essentiels et des opportunités économiques.
La planification de l’expansion urbaine offre donc une solution à ce problème en veillant à ce que les terrains en périphérie urbaine soient correctement aménagés et reliés à la ville existante avant que de nouvelles installations informelles ne se développent. Dans certaines villes éthiopiennes comme Bahir Dar et Mekele, cette approche s’est révélée très efficace : en établissant un réseau de routes principales et en réservant des espaces pour les services publics, les villes peuvent orienter la croissance des quartiers périphériques de manière organisée, efficace et inclusive5.
Au cœur de la planification de l’expansion urbaine se trouve l’idée de créer des villes fonctionnelles pour le plus grand nombre. En se concentrant sur les infrastructures de base — routes, espaces publics et services essentiels — les villes peuvent poser les bases d’une croissance économique de long terme. Les villes planifiées sont plus accessibles, permettant aux résidents de se déplacer plus librement entre leur domicile, leur travail et les autres services nécessaires à leur quotidien. Cette mobilité est intimement liée à l’essor de marchés du travail métropolitains fonctionnels, cruciaux pour le développement économique.
En Éthiopie, les ménages dans les zones planifiées ont constaté des améliorations significatives de leur qualité de vie. Ils sont quatre fois plus susceptibles d’avoir accès à un titre foncier formel, à de l’eau potable courante et à l’électricité par rapport aux ménages des quartiers informels. De plus, leur accès au centre-ville s’est considérablement amélioré, avec des temps de trajet réduits d’un tiers et des coûts de transport réduits, eux, de près de 50%. Les revenus dans ces zones sont en moyenne supérieurs de 10% à 15%, pour un même niveau d’éducation et les facteurs socio-économiques similaires. Ces améliorations ne profitent pas seulement aux ménages individuels, elles créent également une économie urbaine plus dynamique et productive6.
En outre, la planification de l’expansion urbaine participe à l’augmentation des recettes pour les municipalités grâce à l’intégration de ces quartiers dans le système de fiscalité locale. Cela permet aux pouvoirs publics de réinvestir dans les infrastructures et les services, créant ainsi un cercle vertueux de croissance et de développement.
À mesure que les villes africaines se développent, elles sont confrontées à des pressions environnementales croissantes, allant de la déforestation à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Sans une planification adéquate, l’étalement urbain peut exacerber ces problèmes, entraînant des villes plus dépendantes de la voiture, des émissions accrues et une accélération de la dégradation environnementale. La planification de l’expansion urbaine aborde ces préoccupations en organisant des formes urbaines plus compactes et connectées qui encouragent le transport public, le vélo et la marche7.
Les réseaux routiers établis grâce à la planification de l’expansion urbaine garantissent qu’aucun ménage ne se trouve à plus de 500 mètres d’une route principale, facilitant l’utilisation des transports en commun au lieu des véhicules privés, ainsi que la congestion automobile. Cela réduit également les kilomètres parcourus en véhicule en favorisant une croissance compacte. Des études ont montré que les villes dotées de réseaux routiers bien planifiés peuvent réduire les kilomètres parcourus au quotidien et diminuer les émissions jusqu’à 17%.
De plus, la planification de l’expansion urbaine permet la protection des zones écologiquement sensibles, telles que les zones humides, les berges de rivières et les espaces plantés. En protégeant ces zones dès le début du processus de planification, les villes peuvent réduire les risques d’inondation, d’îlots de chaleur et intégrer ces défis environnementaux dans leur dessin même. La protection de ces espaces améliore également la qualité de vie, créant des espaces verts et naturels pouvant accueillir une diversité d’usages et de loisirs.
Les défis auxquels sont confrontées les villes africaines sont immenses, mais les opportunités le sont tout autant. Avec des populations urbaines qui devraient tripler d’ici 2050, les villes disposent d’une fenêtre de temps limitée pour planifier leur croissance future et s’assurer que leur expansion soit durable, inclusive et économiquement bénéfique pour le plus grand nombre. Le succès de la planification de l’expansion urbaine en Éthiopie montre qu’il est possible d’accompagner une urbanisation rapide, qui se fait au service des habitants dans leur diversité mais aussi de la préservation de l’environnement.
La planification de l’expansion urbaine n’est pas la panacée pour tous les défis de l’urbanisation, mais c’est un outil essentiel que les villes peuvent utiliser pour préparer un avenir prospère. En donnant la priorité à des solutions simples et évolutives comme les réseaux routiers et la protection des espaces naturels, les villes africaines peuvent croître de manière organisée et durable, améliorant la qualité de vie de tous les habitants. C’est maintenant qu’il faut agir – avant que la fenêtre d’opportunité ne se referme et que les dynamiques d’urbanisation ne deviennent trop coûteuses à infléchir.
Notes :
The State of African Cities 2018: The geography of African investment.(Wall R.S., Maseland J., Rochell K. and Spaliviero M). United Nations Human Settlements Programme (UN-Habitat).
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