“Ingénieurs” et “solutions” : de quoi êtes-vous les noms ?

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3 min de lecture  |  Publié le 16/06/2022 sur | Mis à jour le 31/05/23

Plus le temps passe, plus ces mots tendent à désigner la source de nos difficultés actuelles, bien plus que la façon de les résoudre …

Les “ingénieurs” et leurs “solutions” subissent en effet un procès en “technosolutionnisme”.

Pourquoi ?

Derrière le procès fait au technosolutionnisme, un malentendu de philosophie des sciences

Vincent Le Biez : vos recherches qui tendent à faire dialoguer les “systèmes naturels” et la “philosophie politique” pointent je crois dans une direction pertinente pour expliquer, une partie au moins, du malentendu qui s’installe : un malentendu de philosophie des sciences !

Vous reprochez à ces jeunes leur “immodestie”. Quand d’autres reprochent aux ingénieurs leur inconscience.

Plus loin vous clamez : “chacun doit apporter sa pierre à l’édifice plutôt que de se rêver en grand architecte”.

Je retrouve là le cadre conceptuel qui m’a fait m’éloigner du monde des ingénieurs pour plonger dans les bras de l’architecture et de l’urbanisme, disciplines que je percevais, étudiant, comme moins limitée, moins simplistes, moins cadenassées, plus globales, plus créatives.

Je vous rejoins cependant sur un point : le syndrome du “grand architecte” est un “problème” aussi, si ce n’est plus important, que celui du cadre trop limité des “solutions” de l’ingénieur.

Pourquoi il ne faudrait pas séparer la pensée globale des solutions précises

Mais le point commun entre l’ingénieur qui veut apporter sa pierre à l’édifice et qui est prêt à s’en contenter, au point de fermer les yeux sur les usages, ou les conséquences au degré 2 de ses travaux, et l’architecte qui se rêve “grand architecte”, n’est-il pas une forme de simplification inadéquate des situations ?

Certes toutes les modélisations, toutes les approches sont des simplifications de la réalité. Mais certaines disciplines, et donc certains modèles, ne sont-ils pas plus aveugles et aveuglant que les autres, au regard des questions environnementales et écologiques notamment ?

La séparation du métier de l’architecte et de l’ingénieur n’est pas si ancienne. D’un côté les solutions, précises, qui fonctionnent, de l’autre l’inspiration et la créativité, la pensée globale.

Je crois que c’est cette séparation, qui a créé le monde moderne, son art et ses technologies, qui pose problème aujourd’hui.

Quelques exemples de réalisations architecturales qui dépassent cette séparation

Une séparation que l’on ne retrouve pas dans les métiers et les disciplines du développement logiciel par exemple, si l’on cherche une source d’inspiration.

En voici d’autres.

Notre Dame de Paris n’est pas une “solution”. Et ce n’est pas non plus l’oeuvre d’un “grand architecte”.

La ville de Paris non plus n’est pas une “solution” ni une “somme de solutions”, ni même un “système de solutions”, ni l’oeuvre d’un “grand architecte”.

Nos villages, nos bastides, nos villes de l’ère pré-moderne et pré-pétrole ne sont ni des “solutions” ni les oeuvres de génies individuels.

Elles relèvent d’un génie collectif, d’un ensemble de technologies et d’arts répartis en corps, professions et disciplines mis au service d’une vision politique. Il est peut-être temps de procéder à leur refondation.

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