La note du CAE qui propose de ne plus laisser l’initiative de la rénovation aux ménages

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3 min de lecture  |  Publié le 28/06/2024 sur | Mis à jour le 28/06/24

Rénovation énergétique : constater les échecs… et persister.

Dans une note parue il y a quelques jours, le Conseil d’analyse économique (CAE) propose de ne plus « laisser l’initiative de la rénovation (énergétique) aux ménages » et d’engager la puissance publique dans une démarche de « ciblage actif » des propriétaires, éventuellement, à l’aide « d’outils d’intelligence artificielle ».

Que nous vaut cette proposition orwellienne ? Eh bien le CAE dispose d’un modèle d’évaluation de la « rentabilité privée » d’un geste (ou d’une combinaison de gestes) de rénovation et a constaté, à son grand désarroi, que les propriétaires ne se comportent pas comme prévu. Le modèle évalue les économies futures liées à une rénovation puis actualise ces gains afin d’identifier les projets qui présentent une valeur actuelle supérieure au coût des travaux. Si le différentiel est positif, nous dit-on, un propriétaire rationnel agissant dans un « marché parfait » devrait rénover — or, ça n’est manifestement pas le cas.

  1. Pour commencer, en 35 années passées sur le terrain, je peux confirmer que seule une infime poignée de propriétaires posent le problème en ces termes. En l’espèce, nous parlons de gens aisés qui disposent d’une solide culture financière et sont prêts à se lancer dans des travaux lourds dans le seul et unique objectif de réduire leur facture énergétique.
  2. Par ailleurs, une personne dotée d’une bonne culture financière sait que les économies futures qu’il actualise ne sont que des hypothèses hasardeuses sur un futur incertain (combien se vendra le kWh d’électricité dans 10 ans ?) et donc, que son projet d’investissement est par essence risqué.
  3. Enfin, le taux d’actualisation retenu (3.2%, à peu près le taux d’un emprunt d’État sur 10 ans) est considérablement trop bas : appliquer à des investissements risqués réalisés par des particuliers un taux préconisé pour évaluer des investissements publics n’a tout simplement aucun sens.

Bref, ce ne sont pas les propriétaires qui sont irrationnels ni le marché qui est imparfait : le problème, c’est le modèle. Lorsqu’un modèle ne décrit pas la réalité, ce n’est pas la réalité qui se trompe. Il faut une tournure d’esprit très particulière pour penser le contraire.

Dans la vraie vie, les ménages doivent composer avec l’ensemble de leurs besoins et des budgets contraints, on se lance rarement dans des projets de rénovation exclusivement énergétiques et, même sans être un financier aguerri, ont sait que les choses changent et que le futur ne nous est pas connu.

Dans un pays qui compte 9 millions de personnes pauvres et 1 million de mal logés, sanctuariser un flux annuel de 8 milliards d’euros d’argent public sur la seule base d’un modèle mal conçu ne suffisait manifestement pas : on veut maintenant forcer la réalité à se conformer au modèle.

Considérer l’utilité des rénovations au regard de la globalité des besoins et pas uniquement les gains énergétique théoriques serait un premier pas vers une alternative.


Crédit photo : Vivint Solar.