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Suréléver les logements, la solution qui séduit les élus
Plan de l'article
La surélévation désigne une pratique qui consiste à ajouter de nouveaux étages à des bâtiments existants. On construit sur ce qu’on appelle le “foncier aérien”.
D’après Géraldine Bouchet-Blancou, architecte et docteure en urbanisme1, la surélévation est une pratique qui est déjà très ancienne. Lors du colloque Organic Cities organisé le 18 et 19 janvier 2024 à Paris, elle s’est intéressée à l’efficacité des politiques urbaines dans trois villes européennes en matière de surélévation. « La plupart des villes européennes ont été bâties finalement avec et grâce à la surélévation. Un bâtiment sur cinq à Paris a déjà été surélevé. »
Dans son article “Développer la surélévation”, publié en 2020 dans la revue Constructif2, Didier Mignery montre même que la norme n’a pas toujours été celle de l’étalement urbain :
« Jusqu’à présent, on cherchait à construire toujours plus loin. […] Or, au regard de l’histoire des villes, la norme a longtemps été celle de la surélévation. Au Moyen Âge, les remparts et les murs qui les protégeaient empêchaient l’étalement urbain. Les villes se construisaient alors sur elles-mêmes avant d’aller chercher des terrains vierges plus loin. »
Pour autant, il ne faut pas sous-estimer la complexité de la mise en oeuvre opérationnelle des projets de surélévation. « Il y a une complexité opérationnelle, technique, structurelle, une forme d’incertitude, qui s’ajoute à un équilibre économique qui est parfois difficile à trouver », selon Géraldine Bouchet-Blancou. Une complexité à laquelle s’ajoutent des problématiques d’acceptation sociale (lorsqu’on bouche une vue par exemple) et ou patrimoniale.
C’est dans les années 2000 que la plupart des pays européens ont commencé à considérer le foncier aérien comme une ressource. Ces derniers faisaient en effet face à trois difficultés :
Parce qu’elle permet de répondre à ces trois problématiques de nature extrêmement différente, la surélévation a émergé comme une solution séduisante. A partir de là, pour Géraldine Bouchet-Blancou, la logique qui a guidé les politiques publiques a été la suivante : si la surélévation fonctionne à l’échelle du bâti, si elle permet de faire beaucoup de bonnes choses à l’échelle de l’architecture et du bâtiment, pourquoi ne pas regarder cette solution de manière plus vaste et la considérer à l’échelle urbaine ?
Les politiques publiques urbaines se sont alors donné les moyens d’encourager la surélévation des bâtiments de deux façons :
« De ce point de vue, la loi ALUR en 2014 a constitué un tournant pour la surélévation en France, en agissant sur la capacité de construire au sein des parcelles », explique Géraldine Bouchet-Blancou.
La loi ALUR a supprimé une règle d’urbanisme, le coefficient d’occupation des sols (COS), qui limitait la densité bâtie à la parcelle. « Du jour au lendemain, les bâtiments qui étaient plutôt établis sur la profondeur de la parcelle et relativement bas, ont eu un potentiel de surélévation ».
Valoriser les droits à bâtir aériens en construisant des logements supplémentaires au-dessus de certains immeubles, dont la hauteur est inférieure à celle autorisée par le règlement d’urbanisme en vigueur… et financer ainsi des travaux de rénovation de l’existant !
C’est l’ambition des entreprises et des collectivités qui explorent l’option consistant à créer des logements en surélévation :
« Au-delà de l’exemple de Lyon, nombre de métropoles françaises, en manque de foncier et soumises aux objectifs du « zéro artificialisation nette » (dont la réduction d’ici 2030 de 50 % du rythme de la consommation des espaces naturels), se tournent vers l’élévation.
Les grandes villes ne sont pas les seules à s’intéresser aux surélévations. L’Association nationale des maires des stations de montagne « incite les élus à les autoriser quand elles s’accompagnent de rénovations énergétiques, indique son président, Jean-Luc Boch. Dans les stations prisées, rajouter un ou deux étages peut aussi permettre de refaire les parties communes et de dégager un excédent ! »
Certains acteurs s’appliquent depuis plusieurs années à structurer une réelle filière de la surélévation, en donnant à voir les opportunités et en levant les freins techniques et opérationnels.
Ainsi de Didier MIGNERY et ses équipes d’UPFACTOR, qui ont mis au point un logiciel permettant de détecter les potentiels de surélévation, en collectant toutes les données de hauteur et en appliquant automatiquement les règles d’urbanisme. Avec cet outil, les équipes d’Upfactor sont capables d’analyser un territoire, une ville – comme à Nice pour laquelle elles viennent de réaliser un projet. A ce jour, elles ont détecté un peu plus de 5000 logements à réaliser, juste en application des règles d’urbanisme et en respectant les contraintes de risques sismiques ou de règles techniques.
Aujourd’hui quelques obstacles persistent face aux opportunités exceptionnelles que représentent la surélévation au sein des métropoles où l’offre de logement est insuffisante, parmi lesquels :
Comme l’explique Didier Mignery : « Il n’est pas si facile de trouver des promoteurs qui fassent à la fois de la rénovation et de la surélévation, et qui acceptent de travailler en milieu occupé ».
Pour Géraldine Bouchet-Blancou, la voie empruntée par certaines villes européennes en matière de surélévation est encourageante. La docteure en urbanisme pointe aussi les écueils à surmonter :
« Il ne faudrait pas seulement dépendre de la pression immobilière mais considérer la ressource de foncier aérien partout où elle existe. Sinon, la surélévation ne se réalisera que là où le marché la conduira. Elle restera aussi quantitativement marginale. »
La politique publique et la législation ne devraient-elles pas accompagner la production en ce sens ?
Effort des politiques publiques d’une part, et changement des mentalités de l’autre : pour Didier Mignery, « au-delà des freins administratifs et juridiques, il convient, pour faciliter l’acceptation du principe de la surélévation, de changer les représentations ».
En particulier en matière de densification, qui n’est selon le CEO de UpFactor, « pas synonyme de proximité, de compacité à tout prix ».
Et de conclure par une phrase qui aurait pu être la nôtre :
« Densifier n’est pas suroccuper, bétonner ou construire des immeubles de grande hauteur, mais optimiser l’espace qui est à notre portée. »
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