La densification douce : mode d’emploi

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6 min de lecture  |  Publié le 11/03/2024 sur | Mis à jour le 05/04/24

Constructions sur-mesure et logements bien situés : le potentiel de la densification douce

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Lily Munson, Didier Mignery et David Miet | lagrandeconversation.com

2024, l’année où la densification douce va décoller ?

2024 semble être l’année de la densification douce :

  • En janvier, Villes Vivantes, l’OFCE et Sciences Po organisaient le colloque Organic Cities, invitant plus de 1000 chercheurs, étudiants et professionnels à débattre du potentiel des solutions “bottom up” pour construire, dans les années à venir, des territoires à la fois soutenables et abordables.
  • En février, le 1er Ministre, Gabriel Attal, et le Ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, annonçaient que la densification douce et la relance de la construction de maisons dans le jardin des particuliers, et à leur initiative, seront l’une des principales clés pour résoudre la crise du logement.
  • En mars, Villes Vivantes exposait les enseignements de 10 ans de R&D, avec des opérations pilotes de densification douce réalisées partout en France, dans un dossier spécial publié ce mercredi dans La Grande Conversation.

3 mois pour ancrer un nouveau projet de transformation des territoires, en réponse au double défi social et écologique.

3 articles pour démontrer ce que peut apporter ce changement de paradigme : la densification douce est prête à décoller, nous en détaillons les leviers !

L’auto-promotion au service de la densification douce

Dans le 1er article de la série, Lily Munson explique pourquoi la création de dispositifs supplémentaires n’est pas nécessaire pour réussir le passage à l’échelle de la densification douce, et en quoi il est urgent de réformer les règlements d’urbanisme abusives et les interdictions de fait qui verrouillent son potentiel.

“Force est de constater qu’il n’est pas aisé de concevoir des politiques publiques dont l’opérateur final est le particulier. Les petites parcelles sur lesquelles sont construites une maison pourront être harmonieusement densifiées grâce une conception sur mesure qui s’oppose, par définition, aux « normes », « critères » et « conditions » définis a priori, avec lesquels nous avons pris l’habitude de construire nos politiques publiques de soutien.”

“Or les projets de densification douce en gestation sont d’ores et déjà confrontés aux normes environnementales, au code de la construction, aux règles des plans locaux d’urbanisme, aux plans de prévention des risques, aux avis des ABF, au code civil, etc., censés garantir leur qualité et leur compatibilité avec l’intérêt général.”

Elle suggère un changement de méthode, en 5 points, pour concevoir des politiques publiques opérées par les particuliers : partir véritablement des besoins, des désirs et de la pratique des habitants.

1. Ne pas ajouter de complexité à la complexité existante : pas de nouveaux critères, pas de nouvelles conditions, pas de nouveau statut, pas de nouveau dispositif.

2. Contrôler de façon plus précise les règlements des Plans Locaux d’Urbanisme qui subissent d’immenses pressions des riverains et qui sont de moins en moins ouverts aux possibilités de construire en densification, malgré l’objectif du ZAN : de plus en plus, la densification douce est tout simplement interdite.

3. Permettre aux petits projets d’auto-promotion de déroger à certaines règles trop contraignantes du PLU.

4. Ajuster, alléger certaines procédures d’autorisation d’urbanisme dans le cas des projets d’ajout d’un logement supplémentaire sur un terrain déjà bâti.

5. Peut-être le point le plus fondamental : redonner un élan positif en faveur de la densification douce. Cela pourrait passer par une révision de la fiscalité locale en faveur des maires intensificateurs, afin de leur donner les moyens de mieux équiper et aménager leur territoire et donc d’accueillir les nouveaux arrivants dans de bonnes conditions, en améliorant la qualité de vie.

    Constructions sur-mesure et logements bien situés : la surélévation est une densification douce

    Dans le 2ème article de la série, Didier Mignery revient sur l’histoire de la surélévation mais aussi sur l’immense potentiel du foncier aérien pour une densification douce, verticale et acceptable au service de la rénovation patrimoniale et écologique des bâtiments existants.

    Parmi ses nombreux avantages, la surélévation :

    « permet la création de nouveaux mètres carrés au plus près des besoins (zones denses avec une proximité des transports et équipements), en favorisant le développement de la végétalisation et la protection de la biodiversité » ;

    « contribue au « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) des territoires, objectif inscrit dans la loi Climat et Résilience de 2021, en préservant les espaces naturels, agricoles et forestiers » ;

    permet « également, via la vente du droit à construire, de contribuer au financement des travaux de rénovation énergétique du bâtiment surélevé » ;

    parce que « systématiquement couplée à une rénovation de l’existant », elle permet de « requalifier des patrimoines voire des quartiers complets en favorisant le recours à des solutions hors-site et bas carbone ».

    Le potentiel de la surélévation en France est énorme :

    Depuis 2017, les équipes d’UpFactor, que préside Didier Mignery, ont analysé  « plus de 17 000 adresses et identifié plus de 3000 projets potentiels sur l’ensemble du territoire national, ce qui représente près de 35 000 logements à développer ».

    L’enjeu, désormais, est de passer « de l’expérimentation à la généralisation ».

    La densification douce, ou la miniaturisation de l’industrie immobilière à l’heure du ZAN

    Dans le 3ème article de la série, David Miet présente les conclusions et les perspectives ouvertes par 10 ans de pratique de terrain aux côtés de collectivités pionnières et de milliers d’habitants porteurs de projet de densification douce.

    “Permettre aux propriétaires de maisons de construire de nouveaux logements dans leur jardin est une idée simple, au potentiel extraordinaire. Être prêt pour la déployer à grande échelle aura nécessité dix années de recherche & développement.

    Après le coup manqué de la loi ALUR en 2014, trop précoce, 2024 pourrait être l’année du début de l’industrialisation de cette filière courte du renouvellement urbain, qui entend faire basculer l’urbanisme et l’immobilier dans le paradigme du sur mesure et de la miniaturisation des opérations.

    C’est ainsi, pensent les partisans de la densification douce, que nous redonnerons aux collectivités et aux habitants des marges de manœuvre importantes pour l’aménagement, vertueux, de leur territoire.”

    Il explique pourquoi et comment la miniaturisation de la production immobilière ouvre des options nouvelles, aux habitants comme aux collectivités, pour un aménagement plus vertueux des territoires.

    « Le regroupement géographique de l’activité humaine est une opportunité pour préserver la biodiversité​​ et protéger les terres agricoles, mais aussi pour réduire les distances parcourues au quotidien​​, notre bilan carbone​​ et notre dépendance aux énergies fossiles.

    Trouvons la formule qui rende ce regroupement géographique vertueux, désirable, faisable, scalable.

    L’une des options sur la table, qu’il est possible de déployer à grande échelle sans qu’il soit nécessaire de recourir au « quoi qu’il en coûte » budgétaire, c’est la densification douce. »

    Parmi les enseignements qu’il tire des 10 ans de R&D que ce travail aura nécessité, la densification douce n’est pas l’apanage des territoires tendus :

    « Si la densification douce pourrait être la clé pour rouvrir une voie d’abondance foncière et de possibilités d’accueillir dans les espaces en tension, elle a en outre le mérite de fonctionner aussi bien dans territoires ruraux, peu denses, dans les petites villes et villages qui connaissent, tout autant, des enjeux de transformation. »