Pour un exotisme repensé : les mahonias

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3 min de lecture.  |  Publié le 21/11/2024 sur | Mis à jour le 12/12/24

Bojana Matić | commons.wikimedia.org

Les mahonias sont des arbustes persistants étonnants : c’est lorsque l’hiver bat son plein et que tous les végétaux sont au repos qu’il est en pleine floraison avec ses grappes de fleurs jaunes au parfum de muguet qui se succèdent en continu de novembre à avril.

Les lierres ont maintenant tiré leur révérence, place au désert floral hivernal qui ne sera rompu que par la marée jaune des pissenlits, marqueurs de l’abondance retrouvée pour nos insectes.

Ce trou alimentaire hivernal devient grave alors que le réchauffement et la douceur maintiennent en activité abeilles et autres chercheurs de nectar et pollen soucieux d’augmenter leurs réserves corporelles pour passer le cap. Devenir plus gras pour hiverner ou hiberner !

Du coup, les mahonias deviennent stratégiques avec leurs floraisons lumineuses, longues et généreuses en nectar et pollen. Ces rustiques épineux, originaires d’ Asie ou d’Amérique résistent à – 10°C / – 15 °C, sont aptes au soleil, à la mi-ombre, et au sec une fois installés (peu exigeants quant au sol, sauf les trop mouillés).

Leur fructification est rapide ; en petites baies bleu-noir qui sont vite chipées par les oiseaux (figure n°1).

Leur intérêt mellifère est évident, tout comme leur pollinisation est originale : les étamines qui sont soudées aux pétales, se replient en une fraction de secondes sur l’insecte qui s’approche des nectaires pour pomper le nectar : le voleur se retrouve enfariné et, vexé, s’en va vite vers les fleurs voisines continuer sa récolte en y porter, à l’insu de son plein gré, le pollen dont il est largement saupoudré.

La mécanique est efficace. Elle épate les botanistes — qui parlent d’étamines irritables —, d’autant que les mahonias peuvent s’auto-polliniser et leur pose question : ils y voient une solution pour forcer à la fécondation croisée, efficace pour disséminer le pollen et gênante, sinon désagréable, pour les insectes les moins doués pour la pollinisation.1

Au bilan, les mahonias nous rappellent que des végétaux, disparus de notre Europe pour cause des glaciations, y reviennent et enrichissent nos peuplements végétaux, apportant services écosystémiques pour notre biodiversité et beauté paysagère. Le potentiel des mahonias doit beaucoup à l’horticulture ornementale (américaine en particulier) qui explore, sélectionne et hybride, et nous assure pour bientôt une gamme permettant des floraisons 9 mois sur 12 : en commençant avec Mahonia nitens cabaret (figure n°2) qui fleuri dès le mois d’août et jusqu’au début de l’hiver, on poursuit avec Mahonia x japonica (figure n°3) qui entre en scène au coeur de l’hiver avec une succession de fleurs de novembre à janvier et enfin finissons avec Mahonia aquifolium2 qui assure la transition avec le printemps avec sa floraison de février à avril (figure n°4).

De quoi combler les trous floraux hivernaux et estivaux…

Un exotisme renouvelé pour des floraisons quand il n’y en a plus !


Notes :

  1. Li DF, Han WL, Renner SS, Huang SQ.
    Touch-sensitive stamens enhance pollen dispersal by scaring away visitors. Elife. 2022 Oct 11;11:e81449. doi: 10.7554/eLife.81449. PMID: 36217820; PMCID: PMC9555859.
  2. Mahonia aquifolium est une espèce répandue au jardin et qui semble se naturaliser dans quelques stations en France et en Belgique.

Figure n°1: baies en grappes de Mahonia aquifolium : bleutées et d’aspect pruineuses, elles sont une ressource précieuse pour les oiseaux en période hivernale.

Figure n°2 : bosquet de Mahonia x japonica en fleur au mois de novembre à Birmingham (UK)

Figure n°3 : bosquet de Mahonia nitens ‘cabaret’ en fleur au mois de septembre à Braintree (IK). Son pollen et son nectar sont une ressource pour d’autres insectes que les pollinisateurs habituels (ici une guêpe)

Figure n°4 : Floraison de Mahonia aquifolium sous une neige tardive en avril à Munich.