Comment l’urbanisme permettait-il de se protéger du vent ?
L’étude de l’architecture et de l’urbanisme vernaculaire est une source d’apprentissage passionnante sur le bioclimatisme.
PP-ICON – LIFE09 | flickr.com
Bourdon des champs (Bombus pascuorum) butinant une fleur de fraxinelle (Dictamnus albus)
En matière de biodiversité tous les végétaux ne se valent pas. La qualité, la quantité et le calendrier de la disponibilité des ressources qu’il peuvent fournir aux insectes (dont les pollinisateurs) sont des clés pour préserver et renforcer la biodiversité à la ville comme à la campagne.
Le nutri-score de nos plantations n’existe pas encore, mais on y est presque tant le consensus scientifique1 se fait sur les éléments en jeu.
Face au deux défis devant nous — changement climatique et chute drastique de la biodiversité — une plantation classée A serait bien entendu résiliente, utile à nos besoins (bois, fruits, contrôles de l’eau, des ravageurs…) mais aussi à la Nature.
Le début de la notation, commencerait par l’offre en pollens pour les innombrables mangeurs de fleurs (pollinisateurs, auxiliaires, et mille vies qui attendent les pollens pour leurs protéines corporelles, y compris ceux des pollens tombés au sol où l’azote rare est si nécessaire aux détritivores pour boulotter le carbone et en faire de l’humus…).
Le pollen en serait le facteur n°1, car sa diversité qualitative est impérative : pour nous la règle c’est cinq fruits et légumes, pour les insectes, c’est trois pollens ! … seule façon d’avoir les acides aminés vitaux qu’aucune fleur seule n’est à même de fournir. La qualité nutritionnelle et la diversité de la nutrition pollinique peuvent façonner la santé des abeilles2 : il s’agirait notamment d’un facteur important concernant leur résistance aux parasites et leur survie hivernale.
Le nectar en serait le facteur n°2 : il fournit une source d’énergie (sucres, dont le glucose, le fructose et le saccharose) essentielle à de nombreux insectes. Il constitue également une source d’acides aminés3 qui peuvent contribuer au réseau d’interactions plante-insecte4, notamment en affectant la physiologie du système nerveux de l’insecte.
On constatera sur ces deux points, que tous les végétaux n’ont pas les mêmes apports5 (figure n°1).
L’assemblage planté dans nos paysages, jardins, haies (figure n°2), bosquets,.. est de même importance : l’offre se doit d’être continue pour éviter disettes et malbouffe en été et automne, lorsque les trous floraux s’élargissent avec le changement climatique. Elle doit aussi être assurée dans la douceur hivernale pour les sorties de plus en plus précoces d’insectes, bourdons en tête. La continuité impose une palette renouvelée.
Un travail de recherche empirique6, en quantifiant la visite des bourdons (Bombus sp.) et abeilles — parmis lesquelles cinq familles dominaient l’échantillon : Andrenidae, Apidae (dont Apis mellifera, l’abeille domestique), Colletidae, Halictidae, Megachilidae — sur 72 espèces de plantes ligneuses à fleurs dans 373 zones urbaines et périurbaines du Kentucky et du sud de l’Ohio (USA), a permis aux chercheurs d’identifier les assemblages d’espèces les plus attractives pour ces insectes (figure n°3).
Bilan, il faut planter des phénologiques florales complémentaires pour un calendrier sans trous ; avec arbres et arbustes anémophiles (beaucoup de pollen, tôt…), entomophiles (qualité des pollens et nectar), nouvelles arrivées, acclimatées du sud ou de plus loin (figure n°4) , pour des floraisons estivales ou improbables, sans oublier certaines créations horticoles.
Le nutri-score se dessine, pour éviter disette et malbouffe.
La recette est simple : des ingrédients de qualité (végétaux à pollens) + un assemblage en grande diversité (phénologie).
Face au climat qui vient, qui compacte les floraisons (on en a perdu presque un mois…) et dégrade, en quantité et qualité, leurs offres de ressources, un panachage de nos végétaux avec des essences aux phénologies plus adaptées et plus résilientes est nécessaire. Avis aux planteurs pour l’avenir.
Notes :
COMMENTAIRES
SUR LE MÊME THÈME
Pour l’invasivité ,qui ne concerne que très marginalement les pollinisateurs, il y a pléthore de listes et de papiers/ controverses faciles d’accès …;
Le plus utile est de commencer par ce qu’en a écrit l’Ethnobotaniste Pierre Lieutaghi dans :
-> Une ethnobotanique méditerranéenne : plantes, milieux végétaux et sociétés, des témoignages anciens au changement climatique, dernière edition de 2017 ;
-> et dans :Les plantes et l’effroi – Actes du séminaire 2011, musée de Salagon .
Pour l’exotisme, l’étude (https://www.frontiersin.org/journals/sustainable-food-systems/articles/10.3389/fsufs.2024.1411410/full ) souligne que « la teneur nutritionnelle du pollen des espèces végétales indigènes et introduites ne présente aucune différence significative …Cette continuité de la nutrition du pollen, quelle que soit l’endémie, démontre le potentiel remarquable d’adaptation des pollinisateurs aux ressources nouvelles et en constante évolution de leurs écosystèmes ».
Une autre étude menée sur les aménagements urbains incluant les Lagerstroemia , horticoles-exotiques ,apporte aussi une information : l’exotisme floral satisfait les pollinisateurs – y.c sauvages –
voir: https://bioone.org/journals/florida-entomologist/volume-99/issue-1/024.099.0108/Use-of-Crape-Myrtle-Lagerstroemia-Myrtales–Lythraceae-Cultivars-as/10.1653/024.099.0108.full
Cette étude renvoie sur d’autres du même thème …
On retiendra que La combinaison d’espèces végétales indigènes, d’exotiques et de variétés horticoles, revêt un gros potentiel, en cette phase de changement climatique rapide, pour assurer des ressources florales diverses et continues à tous les pollinisateurs.
Les arbres et arbustes que nous pouvons facilement utiliser sont déjà connus et pratiqués, visibles en parcs & arboretum, et n’ont démontré aucune nocivité contre la biodiversité (ni contre notre santé).
Bonjour,
Cet article est très intéressant, et utile pour orienter les choix de plantations! Planter n’est bien pas synonyme de biodiversité..! En revanche, l’article n’intègre pas du tout la dimension exotique et envahissante des essences. Qu’en est-il ? Quel arbitrage proposer?