La fleur et le ver de terre

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3 min de lecture.  |  Publié le 02/02/2025 sur | Mis à jour le 04/02/25

Elayne Sears | motherearthnews.com

On n’a retrouvé du manuscrit que le seul titre de cette fable de La Fontaine, des bribes, et sa morale préférée :

On a souvent besoin d’un plus petit que soi ,…
le ver de terre du pollen de la fleur, et nos sols, du ver de terre !.

La Fontaine serait ravi de connaître les travaux de Michal Filipiak, chercheur du groupe d’écologie des écosystèmes de l’Institut des sciences de l’environnement à la Jagiellonian University de Cracovie en Pologne1. Ils confortent son intuition : Le pollen ça nourrit bien sur les pollinisateurs qui fécondent les fleurs et vont le cueillir à sa source, mais ça circule beaucoup — grâce au vent — et ça fini en pluie de pollen par terre (des dizaines de kilos par hectare).2

Du coup, quantité de vies en mangent : bourdons, mouches, fourmis, acariens, araignées (qui les trouvent dans leurs toiles),… et, in fine, le monde des détritivores qui malaxent les litières pour les transformer en humus : bactéries, champignons, escargots… et vers de terre.3

Le chercheur polonais s’est plongé dans la digestion des litières et leur transformation et souligne l’importance des pollens comme ingrédient alimentaire fondamental pour rendre appétissantes et digestes les litières riches en carbone (C) et si pauvres en autres éléments dont l’azote (N), et autres potassium (K), phosphore (P),soufre (S), magnesium (Mg),… que les pollens apportent.

Parmis les annexes et sources citées par ce travail de recherche4, on découvre la longue liste des êtres vivants, notamment ceux qui constituent la biodiversité du sol, qui profitent de la manne des pollen qui finissent au sol :

Champignons et bactéries, collemboles (fig. n°1), araignées, opilions, acariens, coléoptères, dermaptères (la familles des perces-oreilles), névroptères (fig. n°2), hétéroptères (la famille des punaises), orthoptères (sauterelles, grillons et criquets), fourmis, syrphidées, guêpes, escargots, ….


Figure n°1 : Collemboles (Neelus murinus et Kalaphorura burmeisteri).
Source : Philippe Garcelon | flickr.com

Figure n°2 : Larve de nervoptères (Semidalis aleyrodiformis) qui se nourrit au stade larvaire en partie dans le sol.
Source : Philippe Garcelon | flickr.com

Bilan: sans les pollens, le cycle de transformation de la litière végétale serait très lent et les champignons et bactéries moins productifs en humus. Un brin renversant comme perspective !

C’est clair, les fleurs façonnent notre monde, du sous-sol au plafond, interfèrent dans les cycles de l’azote et du carbone, et imposent à la planète leur loi généreuse via leurs pollens (fig. n°3).

Là où il y a des fleurs, les vies se diversifient, les milieux s’enrichissent et la génération suivante a plus et mieux…pas de quoi changer la morale de la fable !


Figure n°3 : Abeilles européennes (Apis mellifera) collectant sur pollen sur des fleurs de noisetiers (Corylus avellana) en hiver. Le noisetiers est un grand producteur de pollen de la famille des bétulacées avec une production de plusieurs dizaines de kilos à l’hectare.
Source : Damien Hicks | besjournals.onlinelibrary5

Notes :

  1. Filipiak, M. (2016). Pollen stoichiometry may influence detrital terrestrial and aquatic food webs. Front Ecol Evol 4: 138. https://doi.org/10.3389/fevo.2016.00138
  2. Les fleurs de certaines plantes, comme celle de la famille des bétulacées (bouleaux, noisetiers, aulnes, charmes,…), peuvent produire jusqu’à 30 kg de pollen par hectares.
  3. Soil life in action – Wim van Egmond 2017
  4. Filipiak, M. (2016). Pollen stoichiometry may influence detrital terrestrial and aquatic food webs. Front Ecol Evol 4: 138. https://doi.org/10.3389/fevo.2016.00138 – Supplementary Table 1. Examples of microorganisms and invertebrates known to supplement their diets with pollen but that are not considered pollen-eaters. Species that belong to presented taxa and are known obligatory pollen-eaters were not taken into consideration
  5. HICKS, Damien. Biological Flora of Britain and Ireland: Corylus avellana: No. 302. Journal of Ecology, 2022, vol. 110, no 12, p. 3053-3089. https://doi.org/10.1111/1365-2745.14008

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