Le tilleul oublié

Les Tilleuls (Tilia platiphyllos) ont commencé leur carrière dans nos paysages grâce à Sully, ministre d’Henri IV, qui en fit planter le long des routes et dans les villes. Pour lui, chaque place se devait de l’accueillir, comme  arbre à palabres  pour ressouder une société déchirée par les guerres de religion (figure n°1). Une idée qu’on se doit de perpétuer.

Les tilleuls sont faciles à vivre, et rendent d’indéniables services à la biodiversité Biodiversité en ville : le jardinier compte plus que la taille du jardin ! . Leurs feuilles tendres (figure n°2) servent à une foule d’insectes qui les découpent (figure n°3 & n°4), les piquent et pompent leur sève. Après leur chute automnale, elles nourrissent la vie du sol Jardins de Zurich : quand la densité urbaine impacte positivement la vie du sol qui les décomposent vite en humus. Ses fleurs odorantes, à bractées larges, fournissent nectar et pollen. Enfin, il est encore proposé en herboristerie comme une panacée.

En Provence, on s’en était fait une spécialité : le tilleul des Baronnies.

Là bas, s’éteint une tradition de récolte de fleurs de tilleuls particulièrement odorantes¹.

Y sont plantés des arbres sélectionnés, greffés, et dotés de caractéristiques améliorées pour le parfum et la taille des fleurs et bractées : des arbres qui tombent dans l’oubli, la tisane ne fait plus recette…

Ces arbres résultent d’une rare domestication paysanne pour des motifs non alimentaires². On ne sait pas dire si ce sont des cultivars³ à différences marquées, ou de simples lignées à morphologies divergentes, multipliées par greffage. Ces  variants  sont nommés avec affection et imagination comme l’ont été les fidèles animaux de ferme⁴. Sont cités le ‘Benivay’, le ‘Mondé’, le ‘Muscat’, le ‘Romegas’ et d’autres comme, le ‘Alphonsine’, le ‘Fin de cuve’, le ‘Vone’, et le ‘Verdale’. Le plus emblématique en est le ‘Benivay’, venant de Bénivay-Ollon dans la Drôme, avec sa bractée très odorante, de couleur ambrée, qui peut atteindre 20 centimètres et porter cinq à six fleurs, du plus bel effet…

Quitte à n’en planter qu’un, tentez ce ‘Benivay’ (figure n°5)…

Il vous faudra le greffer, (facile à faire), à partir de greffons qui eux sont à rechercher sur place (moins aisé).

Un souhait pour finir : que le Parc Naturel Régional des Baronnies Provençales, qui oeuvre à sa reconnaissance⁵, nous propose un jardin des simples montrant l’éventail des tilleuls du coin, lance un pépiniériste sur leur multiplication et teste le potentiel nectarifère du ‘Benivay’ : il semble bien qu’il existe une corrélation entre taille des fleurs et nectar Biodiversité : vers un nutri-score de nos plantations ? produit : les apiculteurs coréens l’ont vérifié pour leur beau Hovenia dulcis⁶, et créé des champions pour leurs abeilles.

De quoi conforter la qualité extraordinaire des miels des baronnies, et sortir de l’oubli ce tilleul paysan qui mérite bien une diffusion nationale.

www.saintsimon15.fr

Figure n°1 : L’un des plus beaux témoins des campagnes de plantations initiées par Sully est sans doute le tilleul de la place de l’église du village de Saint-Simon, situé dans le Cantal à quelques minutes de route au nord d’Aurillac.

Rüdiger Þór | flickr.com

Figure n°2 : Les feuilles de Tilia platiphyllos présentent une large surface foliaire, ce qui en fait un arbre de choix pour constituer une canopée urbaine apportant une ombre rafraîchissante (la célèbre avenue Unter den Linden de Berlin —  sous les tilleuls  — en est un exemple célèbre). Moins connus, les jeunes feuilles de tilleul sont comestibles et peuvent être ajoutées crues dans des salades ou cuites comme légume vert.

Graham Taylor | flickr.com

Figure n°3 : Mimas tiliae, communément appelé la Sphinx du tilleul, est un papillon de nuit de la famille des Sphingidae. D’une envergure de 60 à 80 mm. Ses ailes antérieures sont de couleur verte à brunâtre, avec des motifs complexes qui imitent l’écorce ou les feuilles, offrant un excellent camouflage. Les ailes postérieures sont plus claires, souvent rose pâle ou orangé.

Roger Wasley | flickr.com

Figure n° 4 : La chenille de Mimas tiliae se nourrit principalement des feuilles de tilleul. Pouvant mesurée jusqu’à 70 mm elle est reconnaissable à sa couleur verte ou bleu-vert, avec des lignes diagonales jaunes et une corne caractéristique à l’arrière de son corps.

Yves Darricau

Figure n°5 : Fin de floraison et début de fructification sur un tilleul à grande feuilles ‘Benivay’. La floraison odorante du tilleul à grande feuilles est reconnaissable à ses inflorescences organisées en cymes pendantes, composées de petites fleurs jaunâtres à cinq pétales, accompagnées d’une grande bractée foliacée (en forme de feuille allongée et membraneuse) soudée à la base du pédoncule floral, qui facilite la dispersion des fruits par le vent. La fleur est réputée pour ses propriétés médicinales : apaisantes, antispasmodiques et sudorifiques, souvent utilisée en infusion pour favoriser le sommeil et soulager les troubles nerveux.

Notes :