La route terrestre la plus mythique du monde est en état semi-comateux.
Les conflits s’y multiplient, tout y est dangereux et aléatoire, jusqu’au commerce .
Plus que d’une simple route, il s’agit d’un réseau1 où circulaient, bien avant la soie, marchandises, connaissances techniques (le papier !) et idées.
Au fil des siècles, l’impact de ces échanges a façonné nos vies.
Pour nos paysages, les apports furent immenses : vignes, rosiers, pommiers, noyers, oignons, pêchers, agrumes, figuiers,… autant de figures aujourd’hui communes dans nos paysages et qui sont l’illustration magistrale de ce qu’on a obtenu de migrations végétales2 bien conduites pour des utilités alimentaires, médicinales, esthétiques…
Mais on pourrait juger qu’après tout, la messe est dite : la vigne3 et le thé4 sont cultivés maintenant dans le Finistère, faire comme si on avait fait le tour des plantes utiles, et penser que ne nous viendront plus que des harpies invasives !
D’ailleurs, quantité de voix ne vantent-elles pas le végétal local
5, (un label OFB octroyé aux migrants d’avant 1492) comme solution face aux défis du temps, étrange obstination passéiste menant nos paysages et notre biodiversité dans une impasse !
Alors, après tout, il n’y a plus qu’à la fermer cette foutue route.
Ce serait oublier que le climat change, déplace isothermes6 et isohyètes7, et déstabilise les végétations en place. Oublier aussi que cette route de la Soie capitalise quatre centres de la biodiversité cultivée8 et des hot spots
de riches biodiversité sauvage9,…
Dans ce capital végétal sont nos solutions d’adaptation, par migration assistée
, là se trouvent des plantes oubliées.
On pense à des cultivars fruitiers : il suffit de consulter la liste prodigieuse des variétés fruitières et potagères10 qui constituent le patrimoine des pays traversés par les routes de la soie pour estimer son potentiel face au changement climatique.
Parmi ces essences à redécouvrir : les Cornouillers (Cornus mas) du Caucase, le Plaqueminier du Levant (Diospyros lotus) à goût de datte,… mais aussi des apporteurs de fleurs comme l’érable de Naples (Acer opalus), le saule d’Egypte (Salix aegyptica), le si étrange savonnier élégant (Koelreuteria bipinnata) ou encore l’abricotier du Japon (Prunus mume),…
Oui, il faut redécouvrir cette route, avec les yeux du futur, elle regorge de merveilles à récupérer pour le futur de nos paysages et de nos villes, en s’aidant des horticulteurs, jardiniers, apiculteurs et agronomes locaux.
Notes :
- La carte interactive des routes de la soie : https://en.unesco.org/silkroad/silkroad-interactive-map
- Françoise Aubaile, « Pathways of diffusion of some plants and animals between Asia and the Mediterranean region », Revue d’ethnoécologie, 1 | 2012, mis en ligne le 30 juin 2012; DOI :https://doi.org/10.4000/ethnoecologie.714
- Julie Reux, « L’incroyable renaissance du vignoble breton », La Revue du vin de France, 4 octobre 2021, https://www.larvf.com/l-incroyable-renaissance-du-vignoble-breton,4785915.asp/a>
- France 3 Bretagne, « Insolite : La production de thé a de l’avenir en Bretagne », France 3 Régions, 22 août 2023, https://france3-regions.franceinfo.fr/bretagne/morbihan/insolite-la-production-de-the-a-de-l-avenir-en-bretagne-2844806.html
- A l’origine de la création de ce label la date de 1492 était fixée comme référence pour la définition des végétaux exogènes archéophytes :
plantes aujourd’hui présentes sur un territoire donné en raison de leur introduction intentionnelle ou non par l’Homme avant la fin du XVème siècle (1492). En raison de l’ancienneté de leur introduction, les plantes archéophytes sont admises par les botanistes comme indigènes.
(voir : Référentiel technique de la marque collective simple végétal local – Fédération des conservatoires botaniques nationaux – Edition du 07/11/14))
Depuis Mars 2023, le règlement de la marque (https://www.vegetal-local.fr/la-marque) a été mis à jour et ne stipule plus expressément l’exclusion des végétaux arrivés dans nos régions après 1492. IL préfère les définitions suivantes :
* Région d’origine : région à l’intérieur de laquelle le matériel végétal est collecté,
correspondant à la région dans laquelle il devra être utilisé dans le cadre de la Marque
* Flore locale : ensemble des plantes naturellement présentes dans une Région d’origine. - Isotherme : Où la température moyenne de l’air est identique pour une période donnée.
- Isohyète : Où la pluviosité est la même. Une courbe isohyète ou, subst., une isohyète, courbe reliant sur une carte les points de la Terre où la hauteur des précipitations est la même pour une période donnée.
- Voir le projet Vavilov, dirigé par Aurore Raveneau, qui s’inspire des anciennes routes de la soie pour retracer les chemins historiques d’échanges de semences et de savoirs agricoles. Ces routes, qui reliaient l’Asie, l’Europe et l’Afrique, ont permis la diffusion de variétés végétales adaptées à divers climats, enrichissant la biodiversité cultivée. Le projet s’appuie sur ce modèle pour collecter des ressources génétiques lors d’expéditions dans des régions clés de ces anciennes routes, notamment en Asie centrale, afin de récupérer des variétés résistantes pour une agriculture durable face au changement climatique. Cette approche vise à recréer un réseau mondial d’échange et de préservation, tout comme les routes de la soie favorisaient autrefois la diversité agricole.
- Cartographie mondiale des points chauds de biodiversité : Michael Hoffman, Kellee Koenig, Gill Bunting, Jennifer Costanza, & Williams, Kristen J. (2016). Biodiversity Hotspots (version 2016.1) (2016.1) [Data set]. Zenodo. https://doi.org/10.5281/zenodo.3261807
- Base de données en ligne de la Slow Food Fondation for Biodiversity : https://www.fondazioneslowfood.com/en/ark-of-taste-slow-food/