Servitude de plantation : peut-on contraindre l’acquéreur d’un terrain issus de division à conserver un arbre ?
Les arbres améliorent notre cadre de vie : des servitudes peuvent-elle être utile pour assurer leur conservation ?
Plan de l'article
Une servitude de droit privé représente à la fois une contrainte pour le fonds servant et un bénéfice pour le fonds dominant. Elle peut avoir différentes origines (acquise de plein droit ou par convention) et peut s’appliquer à diverses thématiques (le passage, la vue, les plantations…). Une même propriété peut être grevée de plusieurs servitudes et ce avec différentes propriétés immobilières.
Il faut garder à l’esprit qu’une servitude publiée par un notaire au service de la publicité foncière porte sur une propriété et non sur un propriétaire (elle ne s’éteint pas au décès du propriétaire) : le propriétaire d’un fonds devra faire en sorte de respecter la servitude relative à son terrain. Par ailleurs, elle est opposable aux tiers, c’est-à-dire qu’elle s’applique aux propriétaires signataires mais aussi aux futurs acquéreurs et héritiers des propriétés concernées.
Selon l’évolution de la situation et les projets envisagés sur chacun des terrains, un propriétaire peut vouloir défaire une servitude. La plupart d’entre elles sont créées pour être perpétuelles et il n’est donc pas toujours aisé d’y mettre fin. Par ailleurs, étant donné qu’une servitude représente des droits et des charges appliqués à une propriété, elle influence la valeur économique des fonds qu’elle concerne, mais aussi la qualité du cadre vie qu’ils offrent. De cette manière, mettre fin à une servitude n’est pas sans conséquence et doit être mûrement réfléchi.
Dès lors, dans quels cas et par quels moyens est il possible de mettre fin à une servitude ?
Le fonds dominant peut choisir de renoncer à la servitude dont il bénéficie.
Pour être opposable aux tiers, la renonciation doit être publiée par un notaire.
La renonciation peut être expresse ou tacite :
👉 Exemple :
CAS 1 : Le propriétaire du fonds dominant assiste à l’édification d’une construction en violation d’une servitude de non aedificandi et consent à accueillir la terre de remblais du chantier sur son terrain (Cass. Civ. 3ème, 16 juillet 1987, n°86-12.701).
CAS 2 : Le propriétaire du fonds dominant d’une servitude de passage acquise par destination du père de famille supprime le portail, signe apparent de la servitude, et le remplace par un mur (Cass. Civ. 3ème, 4 octobre 1995 n° 93-19.349).
→ Par ces actes, le propriétaire du fonds dominant consent sans équivoque à renoncer à la servitude, malgré l’absence d’acte notarié.
Attention, la renonciation ne se présume pas (V. en ce sens Cass. civ. 3 déc. 1929). L’abstention du propriétaire du terrain qui profite de la servitude (fonds dominant) ne vaut pas renonciation : si le propriétaire du fonds dominant fait preuve de passivité en n’établissant aucun acte contraire à l’exercice de la servitude, la jurisprudence ne considère pas ce cas comme une renonciation mais plutôt comme un non-usage.
👉 Exemple :
Une construction est édifiée en violation d’une servitude de non altius tollendi. Le propriétaire du fonds dominant, voisin de la construction nouvelle, n’occupe sa propriété que très ponctuellement et n’a donc pas assisté à l’édification de la construction. Dans ce cas, la non-opposition au projet de construction ne vaut pas renonciation tacite à son droit réel. Le propriétaire du fonds dominant peut faire appel à la justice afin que le propriétaire du fonds servant abaisse sa construction.
Par ailleurs, il est considéré que la construction rend inutilisable la servitude. Le non-usage doit courir sur au moins 30 ans avant qu’il conduise à l’extinction de la servitude. Passé le délai trentenaire, la servitude s’éteindra.
Attention, le caractère tacite de la renonciation relève uniquement de l’interprétation souveraine du juge.
Dans le cas d’une servitude réciproque – c’est-à-dire lorsque les fonds sont alternativement servants et dominants – la renonciation doit provenir des deux propriétaires, elle ne peut être unilatérale.
Aussi, on ne peut renoncer à une servitude légale, c’est-à-dire obtenue de droit par application du Code civil, car elle relève du régime ordinaire de la propriété (exemple : une servitude de passage consentie pour raison d’enclave). Une servitude légale est perpétuelle.
Une servitude qui n’est pas utilisée pendant au moins 30 ans s’éteint (Art. 706 du Code civil).
Le non-usage trentenaire concerne toutes les servitudes du fait de l’homme (quel que soit leur mode d’acquisition, qu’elles soient apparentes, non apparentes, continues ou discontinues). Les servitudes légales – définies par le Code civil – et naturelles – obtenues de droit de par la configuration des lieux – ne sont pas concernées.
En outre, le point de départ de la prescription n’est pas le même selon si la servitude est continue ou discontinue (Art. 707 du Code civil) :
Si le fonds dominant est indivis, la jouissance de l’un des indivisaires empêche la prescription également à l’égard des autres.
La prescription n’est pas un acte inéluctable, le délai trentenaire peut faire l’objet d’une suspension ou d’une interruption qui l’amènerait dans les faits au-delà du délais des 30 ans.
Lorsque les fonds sont réunis aux mains d’un seul et même plein propriétaire, la servitude prend fin.
Attention, si le propriétaire du fonds servant devient seul nu-propriétaire du fonds dominant, la servitude ne s’éteint pas.
👉 Exemple :
A la suite de la donation d’une partie de leur jardin à leur enfant, ce dernier y a construit sa résidence. Une servitude de passage a été établie afin de permettre le passage des parents sur la partie de la parcelle créée qui donne un accès à la voie publique à la parcelle donnée à l’enfant.
Lorsque l’enfant héritera de la maison de ses parents, les fonds seront réunis dans une seule main et la servitude s’éteindra.
Attention, si les parents donnent de leur vivant la nue propriété de leur maison à leur enfant, la servitude de passage perdurera jusqu’à l’obtention de la pleine propriété du fonds par l’enfant à la succession.
Une servitude s’éteint dès lors que celle-ci devient impossible à utiliser. Cette extinction peut être temporaire.
L’extinction de la servitude ne peut résulter de son inutilité (servitude de passage : Cass. 1ère civ., 7 déc. 1966). Toutefois la jurisprudence contemporaine laisse place à un débat doctrinal à ce sujet.
🤔 En quoi l’extinction de la servitude pour cause d’inutilité fait-elle débat ?
D’une part, un arrêt de la Cour de cassation du 9 juillet 2003 avait admis l’extinction d’une servitude conventionnelle en s’appuyant sur la disparition de son utilité. D’autre part, la Cour d’appel de Rioma a ensuite été sanctionnée le 12 mars 2012 par la Cour de cassation : l’arrêt n°11/00604 précise que l’impossibilité d’user est une cause d’extinction mais que son inutilité ne l’est pas.
L’extinction n’est pas envisageable dans les cas suivants :
💡 Droit réel versus droit personnel
🔸 Le droit réel porte sur une chose. Il s’agit du pouvoir direct d’une personne sur une chose. La servitude est un droit réel.
🔸 Le droit personnel porte sur une personne. C’est le droit d’un créancier (une personne), d’exiger une obligation détenue par un débiteur (une autre personne). L’obligation peut être de faire, ne pas faire ou de donner (le paiement d’une indemnité ou encore la taille d’un arbre…).
Si l’un des fonds disparaît, la servitude qui lui était grevée s’éteint. Par exemple, un fonds peut disparaître suite à son annexion au domaine public ou par destruction naturelle qui empêcherait sa remise en état (un terrain sous les eaux de manière définitive…).
En effet, dans un cas d’annexion au domaine public, le fonds fait l’objet d’une expropriation pour utilité publique. Et selon l’article L12-2 du Code de l’expropriation, les droits réels (tels que les servitudes) s’éteignent avec l’expropriation.
Certaines servitudes sont mises en place pour une durée déterminée. Dans ce cas, le contrat de création de la servitude fait mention de la durée. Au terme de date, la servitude prend fin d’elle-même, sans qu’un accord soit passé.
L’acte de création d’une servitude peut également prévoir une condition résolutoire. La réalisation de cette condition entraîne alors la cessation de la servitude.
La servitude de cour commune ne peut ni s’éteindre, ni se prescrire. En effet, elle est conclue pour l’utilité publique et pas seulement dans l’intérêt de la propriété qui en bénéficie. Elle a une incidence sur l’application des règles d’urbanisme, permet la délivrance d’une autorisation d’urbanisme et a alors une portée administrative.
La modification des règles d’urbanisme n’est pas une raison pour mettre fin à la servitude de cour commune. Ce sont les règles en vigueur au moment de l’établissement de la servitude qui sont prises en compte.
Les servitudes répondent au principe d’indivisibilité.
📕 Article 700 du Code civil : “Si l’héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée. Ainsi, par exemple, s’il s’agit d’un droit de passage, tous les copropriétaires seront obligés de l’exercer par le même endroit.”
Si un fonds servant, grevé d’une servitude de non aedificandi conventionnelle, a été divisé en plusieurs lots et qu’une construction a été édifiée il y a plus de trente ans sur l’un des terrains d’assiette de la servitude, la prescription dont bénéficie le terrain construit ne vaut pas pour les autres terrains grevés issus de la division (JCPN, 7 décembre 2001, p. 1778, note Denis Lochouarn).
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