Pensez “train d’abord” : pourquoi c’est un problème pour nos mobilités – et nos finances publiques ?

Décryptages
Publié le 22/05/25
Mis à jour le 22/05/25
3min de lecture
Pensez “train d’abord” : pourquoi c’est un problème pour nos mobilités – et nos finances publiques ?
Ecov

Graphique réalisé dans le cadre de l’étude “Mobilité : mettre en regard les flux physiques et les flux financiers"

Le système ferroviaire et le système routier n’ont rien à voir. Un chiffre, que nous avons calculé, en donne la mesure. Et il change tout.

Quand on parle de mobilité durable, revient toujours ce réflexe nostalgique :

 C’était mieux avant, quand on pouvait prendre le train. 

Et l’explication toute trouvée :

 Mais les petites lignes ont fermé, donc on ne peut plus le faire. 

C’est faux. Et surtout, c’est une représentation erronée.

Non, la voiture n’a pas pris la place du train. Elle a ajouté massivement de la distance1.

On n’a jamais autant voyagé en train qu’aujourd’hui. Mais dans le même temps, la voiture a fait exploser les distances parcourues. C’est une addition, pas un remplacement.

Et toute l’organisation de l’aménagement du territoire en a découlé.

Le rail et la route sont deux systèmes très différents. Et ils sont très peu substituables.

Prenons les trois unités fondamentales de la mobilité :

  • voy.km (personnes.km parcourues)
  • PKO (places.km offertes)
  • veh.km (véhicules.km)

Comparez rail et route :

Sur les voy.km :

  • 1/10 pour le ferroviaire
  • 9/10 pour le routier

Sur les PKO :

  • 1/10 pour le ferroviaire
  • 9/10 pour le routier

Jusque-là, c’est proportionnel.

On pourrait donc imaginer qu’en faisant x5 sur les capacités ferroviaires, on obtiendrait x5 sur les distances parcourues.

Et donc un report modal massif.

Mais…

Sur les veh.km :

  • 1/1000 pour le ferroviaire
  • 999/1000 pour le routier

Là, le rapport change d’échelle. Et ça dit tout.

Ce n’est pas juste une différence de performance. C’est une différence de structure :

  • Le ferroviaire concentre les flux : peu de véhicules, très capacitaires, très remplis.
  • Le routier diffuse les flux : des millions de véhicules, petits, très nombreux, peu remplis.

Concrètement ? On voit des voitures partout autour de nous. Elles sont là. Souvent vides.

Et on voit passer un train… de temps en temps. Quand on est bien situé. Les  opportunités de mobilité  n’ont rien à voir.

Ce que produit le routier, ce ne sont pas juste des km ou des sièges. Ce sont des millions d’opportunités de transport, éparpillées dans l’espace et dans le temps.

Alors… faut-il développer le ferroviaire ? Oui. Là où les flux sont massifs, ou massifiables. Dans ces cas, le train est imbattable en performance. Et il peut faire reculer l’usage de la voiture.

Mais… Est-ce suffisant ? Non. De très loin.

Parce que la grande majorité des mobilités ne sont pas massifiées. Et ne le seront jamais.

Penser  train d’abord  : est-ce un problème ? Oui. Parce que cela écarte du débat la réalité vécue par l’écrasante majorité des Français.

Ceux pour qui le train n’existe pas. N’existera jamais.

Ceux pour qui l’unique système accessible, c’est le routier.

Et ce système là, on ne le transforme pas en continuant à le mépriser.



Une version complète de la note est accessible à ce lien.


Notes :

  1. Ce sujet a été documenté dans un post précédent accessible ici
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