Quels outils permettent de résorber la vacance du parc de logements ?

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6 min de lecture  |  Publié le 28/11/23

Les outils de lutte contre la vacance peuvent combiner un ou plusieurs angles d’approche en fonction des souhaits de la collectivité. Il faut distinguer des outils plutôt coercitifs qui concernent un nombre limité d’immeubles posant des problèmes importants, et des outils plutôt incitatifs qui concernent un plus grand nombre d’immeubles avec le souhait d’accueillir des ménages.

Les outils incitatifs qui s’adressent aux détenteurs de logements vacants

Lorsque les détenteurs de vacant sont porteurs d’un projet de réhabilitation

Les outils de type OPAH (Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat) ou OPAH-RU (OPAH de Renouvellement Urbain) permettent de financer des travaux de remise à niveau du logement. Ils peuvent être alors pertinents si cette remise à niveau à elle seule permettra de remettre le logement en usage. Ces outils débouchent exclusivement sur la création de logements locatifs conventionnés sociaux, qui peut être souhaitée par la collectivité publique en réponse aux besoins, mais qui peut aussi ne pas être souhaitée si le territoire concerné enregistre déjà une forte concentration de logements locatifs à occupation sociale.

Lorsque les détenteurs de vacant ne sont pas porteurs d’un projet de réhabilitation

La mise en place d’une taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV) peut être envisagée. Cette taxe est mise en place à l’échelle de la commune pour les logements vacants généralement de plus de 3 ans, avec une application progressive. Le retour d’expérience sur la THLV montre qu’une minorité de propriétaires se signalent à la collectivité et/ou aux services fiscaux pour contester la vacance de leur logement ou demander un dégrèvement au motif que les travaux à réaliser pour la remise en occupation sont trop importants (ces dégrèvements sont aisés à obtenir). La majorité des détenteurs de vacants se contentent de payer la THLV tout comme ils payaient jusqu’ici la taxe foncière sans pour autant bénéficier de recettes, le logement étant vacant. La THLV satisfait donc les collectivités qui souhaitent agir face à la vacance avec un moyen simple qui ne nécessite pas d’engagement financier et au contraire qui rapporte de l’argent. En revanche, si elle fait bien sortir quelques propriétaires du bois, il n’y a pas d’exemple de déclenchement massif de réoccupation suite à sa mise en place.

Lorsque le propriétaire d’un bien vacant a le projet de vendre

Certaines méthodes d’accompagnement (par exemple, le BUNTI) permettent de relancer le processus de vente grâce à des stratégies de vente en plusieurs lots, de mise en valeur du potentiel de réhabilitation et de transformation en fonction de la clientèle visée, de prix en fonction d’une analyse fine du marché immobilier, ou encore d’alignement entre indivis lorsque ces derniers ne sont pas d’accord sur le fait de vendre ou sur le prix de vente.

Les outils incitatifs qui s’adressent aux acquéreurs potentiels d’un logement vacant

Plusieurs collectivités proposent des primes pour des porteurs de projets qui viennent réoccuper un vacant dans un périmètre donné. Ces primes peuvent être différenciées entre des accédants à la propriété (acquisition-amélioration d’un logement vacant) et des investisseurs locatifs. Ces primes peuvent se combiner aux aides de l’ANAH sachant que le fait qu’un logement soit vacant avant travaux ne déclenche pas d’aides ANAH supplémentaires.

Dans le cadre des expérimentations BUNTI, un accompagnement des porteurs de projets à la recherche d’immeubles vacants à réoccuper peut être organisé, avec dans certains cas des visites collectives de logements vacants qui donnent lieu à une présentation de leur potentiel de transformation.

La mise en œuvre d’une stratégie de mise en location peut être proposée dans le cadre de suivi animation OPAH ou OPAH-RU ou au sein d’expérimentations BUNTI. En adaptant le type de prestations proposées et le loyer aux besoins des ménages dans le territoire, la remise en location est facilitée.

Les outils incitatifs qui s’attaquent aux causes structurelles de la vacance

Au travers d’une analyse des cadres de vie, il est possible d’identifier des configurations d’immeubles qui sont associées à la vacance des logements : exiguïté, défaut d’éclairement, absence d’espaces extérieurs, situation défavorable au droit d’une rue très passante, etc. Pour ces immeubles-là, un accompagnement à la conception d’un projet permettant de changer la nature des produits logements dans l’immeuble (BUNTI) est l’angle d’approche majeur.

La mise en place d’opérations BUNTI permet de s’attaquer aux causes structurelles de la vacance en articulation ou non avec des dispositifs classiques de type OPAH.

Les outils coercitifs de résorption ponctuelle des logements vacants

La déclaration d’utilité publique travaux suivie d’une opération de restauration immobilière (ORI) est une faculté pour des immeubles très dégradés, stratégiques par leur situation et/ou leur caractère patrimonial, notamment si une destination possible (produit logement attractif après opération et opérateur susceptible de prendre la main) est identifiée.

La collectivité impartit une liste de travaux obligatoires (déclaration d’utilité publique travaux) et peut exproprier si le propriétaire ne s’en acquitte pas. Après expropriation, elle cède le bien à un opérateur qui exécute les travaux prévus et gère l’immeuble ou le cède en direct, en VIR (vente d’immeuble à rénover) ou en DIIF (dispositif d’intervention immobilière et foncière). La déclaration d’utilité publique travaux (DUP travaux) pour un immeuble vacant correspond à un cadre dérogatoire. Elle doit donc être particulièrement argumentée. En effet, le cadre non dérogatoire est destiné à mettre fin à des situations de mal logement et concerne donc des logements occupés. Des contentieux peuvent surgir à plusieurs étapes du processus : contestation de l’utilité publique des travaux, contestation de la liste des travaux, contestation pour vice de forme, contestation sur le montant de l’indemnité d’expropriation, contestation sur les délais accordés pour réaliser les travaux. Il ne faut pas non plus oublier que la DUP travaux s’applique à la collectivité ou à son opérateur une fois que le bien a changé de mains. Il faut donc que le projet puisse effectivement être mis en œuvre après expropriation.

La procédure d’état d’abandon manifeste permet à la collectivité de faire reconnaître par un juge qu’un bien est en état d’abandon, c’est-à-dire qu’un propriétaire ne s’acquitte plus d’aucune de ses obligations. Le non-paiement durant plusieurs années de la taxe foncière et/ou de la taxe d’habitation locaux vacants est un argument de choix, mais aussi l’état du bien lui-même et la non-réponse du propriétaire aux sollicitations de la collectivité. La procédure nécessite une bonne organisation administrative de la collectivité et permet en l’espace de 2 ans d’exproprier le bien avec paiement d’une indemnité. En revanche, si l’état de déréliction du bien a motivé l’action de la collectivité, puisqu’elle en devient propriétaire, c’est elle à présent d’agir et d’engager une opération.

La procédure de bien vacant sans maître permet à la collectivité de faire reconnaître par un juge qu’un bien est vacant sans maître, c’est-à-dire que, suite à la carence d’un propriétaire ou à l’absence durable de résolution d’une succession, il n’existe plus d’interlocuteur ni de détenteur. La procédure nécessite une bonne organisation administrative de la collectivité et permet en l’espace de 2 ans une récupération du bien sans indemnité puisqu’il n’y a personne à qui la verser. En revanche, la procédure permet simplement à la collectivité de devenir propriétaire, et il lui reste à déclencher une opération permettant de réoccuper le logement après travaux.