Les Belles Exotiques Arbustives Utiles du Futur : le chèvrefeuille d’hiver

Recherches
Publié le 27/02/25
Mis à jour le 08/03/25
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Les Belles Exotiques Arbustives Utiles du Futur : le chèvrefeuille d’hiver
Zeynel Cebeci | commons.wikimedia.org

En cette fin février, la douceur qui a baigné l’Ouest du pays a permis aux abeilles de se dégourdir les ailes et de faire quelques pelotes de pollen. De nombreux insectes se sont aussi réveillés : des bourdons, moucherons et papillons, en recherche urgente de ressources faute de stocks tant dans leurs niches que dans leurs organismes.

La difficulté de cet exercice de survie et de relance des pontes se réduit à une question: les floraisons sont-elles là ?

A vrai dire, ça se complique tant les insectes sont précoces.

Une étude publiée en mars 20241 nous apprend que les populations de pollinisateurs sauvages, notamment les bourdons, sont impactées par la disponibilité des ressources florales, notamment lors du démarrage de la collecte de nectar et de pollen qui commence dès février pour les espèces précoce, comme le bourdon terrestre (Bombus terrestris),

Les chercheurs ont constaté que les pénuries précoces de ressources florales compromettent la survie des pollinisateurs : chez le bourdon terrestre, une pénurie de ressources florales de deux semaines en début de période de collecte divise ainsi par deux la production des reines, essentielles pour la fondation de nouvelles colonies.

Cette année, une évidence, sans la présence de quelques championnes précoces dans les jardins et dans les quelques rares haies des campagnes de l’Ouest, il y aurait eu disettes et manques.

La palme est à donner au chèvrefeuille d’hiver (Lonicera fragrantissima) (fig. n°1, 2, 3 & 4) : un chèvrefeuille arbustif, très parfumé, en floraison longue depuis Noël ,avec son pic en ces jours cruciaux.

Bilan : du nectar et pollen Biodiversité : vers un nutri-score de nos plantations ? Biodiversité : vers un nutri-score de nos plantations ? faciles à récolter (pas le cas de l’ajonc), très appréciés par beaucoup (pas le cas de la viorne-tin), et généreusement fournis (ce qui n’est pas encore le cas pour le cornouiller mâle qui démarre) …

Le timing et l’apport sont excellents, la plante robuste, facile à vivre, adaptée aux expositions variées (y compris à l’ombre des bâtiments ou des sous-bois), se reproduit seule et finalement s’intègre tant aux jardins qu’en milieu champêtre.

La famille botanique des Lonicera2, regroupent environ 180 espèces —principalement des arbustes ou des plantes grimpantes— . Leur diversité morphologique et leur grande tolérance aux conditions environnementales (nature des sols, exposition, disponibilité en eau) leur permet de s’adapter à une large gamme de milieux.

Leurs fleurs tubulaires assurent une production de nectar abondant —jusqu’à 0,5–1 mg par fleur chez certaines espèces, comme Lonicera periclymenum ((figure n°5)—, une ressource clé pour les abeilles, bourdons et papillons. L’étymologie du nom commun des Lonicera en anglais —honeysuckle— annonce la couleur : issu de la contraction des mots honey (miel) et suckle (sucer), elle reflète leur faculté à produire un nectar sucré abondant, facile à extraire en suçant la base de la corolle… une pratique qui éveillera peut-être chez certains des souvenirs d’enfance !

Leur facilité de culture, leur beauté, leur parfum en font des essences de choix au jardin Nature en ville : les jardiniers urbains au secours de la biodiversité ? Nature en ville : les jardiniers urbains au secours de la biodiversité ? .

Originaire des forêts de feuillus de l’Est de la Chine, Lonicera fragrantissima fut introduit en Angleterre en 1845 par Robert Fortune3, botaniste et voyageur écossais travaillant pour la Royal Horticultural Society. Il fut introduit dans le reste de l’Europe et quelques années plus tard aux Etats-Unis.

On pourrait créer avec lui et de semblables végétaux un nouveau label pour les Belles Exotiques Arbustives Utiles du Futur (ou B.E.A.U, on oubliera le F, question de phonétique ). Un label pour valoriser leur apports écosystémiques et mettre en exergue leur beauté, exotique ou non.

On en a besoin —et de plus en plus— pour renforcer les palettes locales stressées par nos mauvaises pratiques et par le changement climatique Planter ne suffit pas, il faut jardiner ! Planter ne suffit pas, il faut jardiner ! .


Figure n°1 : La floraison du chèvrefeuille d’hiver est dites préfoliaire : elle commence à s’épanouir avant le débourrage des feuilles ( dès décembre / janvier) et se prolonge jusqu’en avril.
Fredy Wyss | flickr.com

Figure n°2 : Les feuilles du chèvrefeuille d’hiver sont de forme elliptique et disposées de façon opposée sur les rameaux.
Sara Rall | flickr.com

Figure n°3 : Les fruits du chèvrefeuille d’hiver est une baie rouge à maturité. Elle est consommée par les oiseaux.
WWWeb.pix | commons.wikimedia.org

Figure n°4 : Le chèvrefeuille d’hiver présente un port buissonnant et atteint une hauteur maximale comprise entre 2 et 3 m.
Krzysztof Ziarnek, Kenraiz | commons.wikimedia.org

Figure n°5 : Le chèvrefeuille des bois (Lonicera periclymenum) est une liane arbustive commune dans les sous-bois de toute l’Europe occidentale. Cette espèce est reconnue pour sa production de nectar, jusqu’à 0,5–1 mg par fleur. Sa floraison intervient de la fin du mois de mai au début du mois d’août.
Agnieszka Kwiecień, Nova | commons.wikimedia.org

Notes :

  1. Becher, M.A., Twiston-Davies, G., Osborne, J.L. & Lander, T.A. (2024) Resource gaps pose the greatest threat for bumblebees during the colony establishment phase. Insect Conservation and Diversity, 17(4), 676–689.
    https://doi.org/10.1111/icad.12736
  2. Une présentation du genre Lonicera
  3. Une courte biographie de Robert Fortune