L’avenir radieux des Châtaigniers

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Publié le 15/07/25
Mis à jour le 15/07/25
4min de lecture
L’avenir radieux des Châtaigniers
myu-myu | flickr.com

Châtaignier du Japon en fruits (Castanea crenata)

Parmi les gagnants au jeu du chamboule-tout climatique, le châtaignier (Castanea sativa) est en bonne place : facile à vivre, aimant le chaud et le sec, sur sol à pH acide, il voit s’ouvrir de nouveaux territoires (figure n°1), au Nord et à l’Est pour y proposer ses utilités forestières, fruitières et ses exceptionnels services écologiques.

Tour d’horizon des connaissances récentes sur ces arbres.


Mauri et al. 2022 | EU-Trees4F
Figure n°1 : Projection cartographique de la répartition de Castanea sativa en fonction des scénarios d’évolution des conditions climatiques sur les périodes 1991-2020, 2021-2050, 2051-2080 et 2081-21101

S’il a des caractéristiques d’un anémophile2 avec ses chatons blanc crème prêts à balancer leurs pollens au quatre vents, sa pollinisation est bien liée au passage d’insectes attirés par ses ressources… Et, ce ne sont pas les abeilles (malignes) qui font le job, réservant leurs emplettes aux seuls chatons mâles à gratification (figure n°2),mais bien divers coléoptères et mouches qui circulent (par manque de discernement!) sur les fleurs femelles (figure n°3) pourtant exemptes de tout intérêt nutritionnel.

La mécanique est complexe mais efficace3 : l’arbre fait tout pour en fournissant 10 milliards de grains de pollen (le haut du panier des arbres à fleurs) de qualité (16% de protéines) et assurant un rendement de 27 kilos de miel pour 100 arbres.

Ses fruits complètent le tableau : il fût l’arbre à pain de nos terroirs pauvres et reste une manne pour la faune (figure n°4).

De tels apports en font un champion (dernier arbre à fleurir de juin à juillet) qui ,selon l’INRAE, mérite le titre de  première espèce d’arbre entomophile en France, constituant ainsi un enjeu majeur pour la conservation des pollinisateurs sauvages 4.


Maja Dumat | flickr.com
Figure n°2 : Inflorescence mâle du châtaignier (étamines)

Gilles San Martin | flickr.com
Figure n°3 : Inflorescence femelle du châtaignier (pistils)

Slawek | unsplash.com
Figure n°4 : Fructification du châtaignier : la bogue, involucre vert épineux, enveloppe les fruits. À l’intérieur se trouvent les châtaignes, au nombre de 1 à 3

On en sait désormais aussi plus sur les cousins asiatiques, utilisés fin du XIXème pour hybrider et apporter leur résistance à nos châtaigniers attaqués par des maladies fongiques originaire d’Asie : une mission réussie qui a fourni hybrides et porte-greffes …

Les botanistes asiatiques ont affiné récemment les connaissances5 sur les châtaigniers d’Asie en analysant leur variations génétiques, morphologiques, la phénologie de leurs floraisons et fructifications, mais aussi sur leurs résistances aux maladies et aux conditions climatiques, acquises par le patient travail de sélection des hommes au cours de milliers d’années de culture6.

On citera la Chine avec Castanea mollissima7, Castanea henryi8 (figure n°5), et l’étrange Castanea seguinii9 qui fait rêver avec sa floraison en quasi-continue, le Japon et la Corée avec Castanea crenata10.


Paul W. Meyer | treesandshrubsonline.org
Figure n°5 : Castanea henryi en pleine floraison au Morris Arboretum, Université de Pennsylvanie (USA)

Enfin, de nouvelles utilités apparaissent : Les américains proposent des arbrisseaux, ou des cultivars de Castanea seguinii pour aménagements cynégétiques. Un avenir urbain se dessine (figures n°6 & n°7) et surtout un avenir champêtre, agro-écologique, pour le plus chaud et sec qui nous attend, pour la diversité fruitière et pour notre biodiversité.

L’avenir radieux du châtaignier au XXIème siècle est à portée de main.


Yves Darricau | treesandshrubsonline.org
Figure n°6 : Castanea crenata au Jardin de la Porte d’Auteuil, Paris

Yves Darricau | treesandshrubsonline.org
Figure n°7 : Castanea seguinii au Jardin de la Porte d’Auteuil, Paris

Notes :

  1. Mauri A., Girardello M., Strona G., Beck P. S. A., Forzieri G., Caudullo G., Manca F. & Cescatti A., 2022. EU-Trees4F, a dataset on the future distribution of European tree species. Scientific Data 9, 37. DOI :
    10.1038/s41597-022-01128-5
  2. Définition : se dit d’une plante dont la pollinisation (transfert du pollen des organes mâles vers les organes femelles) est assurée par le vent, plutôt que par des insectes, des animaux ou l’eau. Ces plantes produisent souvent un pollen léger et abondant, adapté à la dispersion aérienne. Les graminées (comme le blé ou le maïs), les pins ou les bouleaux sont anémophiles.
  3. Clément Larue, Eva Austruy, Gaëlle Basset, Rémy J. Petit. Revisiting pollination mode in chestnut ( Castanea spp.): an integrated approach. Botany Letters, 2021, pp.1-25. ⟨10.1080/23818107.2021.1872041⟩. ⟨hal-03148948
  4. Pollinisation du châtaignier : les travaux d’une équipe du Centre INRAE Nouvelle-Aquitaine Bordeaux primés, inrae.fr, 13 avril 2022
  5. Nie X, Zhang Y, Chu S, Yu W, Liu Y, Yan B, Zhao S, Gao W, Li C, Shi X, Zheng R, Fang K, Qin L, Xing Y. New insights into the evolution and local adaptation of the genus Castanea in east Asia. Hortic Res. 2024 May 28;11(7):uhae147. doi: 10.1093/hr/uhae147. PMID: 38988617; PMCID: PMC11233864.
  6. Voir : Rutter, P.h.i.l.i.p. .A., Miller, G. and Payne, J.e.r.r.y. .A. (1991). CHESTNUTS (CASTANEA). Acta Hortic. 290, 761-790; DOI: 10.17660/ActaHortic.1991.290.17; https://doi.org/10.17660/ActaHortic.1991.290.17
    et
    Sun Qi Bao and Cao Shang Yin. Varieties of Chinese Chestnut : Local Official Chinese Fruit Local Varieties of Disposition. Beijing : China Forestry Publishing House, 2018.
  7. Châtaignier de Chine, Castanea mollissima Blume
  8. Châtaignier de Henry, Castanea henryi (Skan) Rehd. & Wils.
  9. Châtaignier de Seguin, Castanea seguinii Dode
  10. Châtaignier du Japon, Castanea crenata. Sieb & Zucc.
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