Il vaut mieux densifier que rénover

Par
4 min de lecture  |  Publié le 13/09/24

besopha | Wikimedia.org

En dépit d’une proportion importante de logements classés E, F ou G dans le parc parisien, note l’Insee, la dépense annuelle moyenne de chauffage par logement et par habitant est l’une des plus faibles de France.

La situation est pour le moins paradoxale : tel qu’évalué par le DPE, le parc de logements parisien est un des plus énergivores de France, alors que les habitants de la capitale sont parmi les plus vertueux d’entre nous en termes de consommation d’énergie.

En effet, selon les données de l’Ademe, relayées ici par l’Apur, et après prise en compte de l’arrêté du 25 mars 2024, 28% des logements parisiens diagnostiqués sont théoriquement des passoires thermiques — les catégories F et G du DPE — contre moins de 18% à l’échelle nationale. Ce résultat est principalement dû à l’ancienneté du parc — 98% des passoires thermiques parisiennes ont été construites avant 1975, c’est-à-dire avant les premières réglementations thermiques — et à la sur-représentation de logements de petite taille dans la capitale — 65% des passoires thermiques parisiennes affichent en effet une surface habitable inférieure ou égale à 40 m².

Et pourtant, selon l’Apur et l’Insee, les Parisiens ne consomment en moyenne que 5’400 kWh d’énergie finale par an au titre de leurs logements (chauffage, eau chaude, cuisson, éclairage, appareils consommant de l’électricité) contre, par exemple, 6’400 kWh pour les Franciliens. C’est un des chiffres les plus bas de France qui s’explique principalement par la faible consommation d’espace des habitants de la capitale : 32 m² par personne en moyenne contre 10 m² de plus à l’échelle nationale.

Autrement dit, la densité parisienne fait plus que compenser les faibles performances énergétiques intrinsèques des bâtiments : elle constitue un facteur déterminant de la réduction de la consommation énergétique des ménages, au point que la forte proportion de passoires énergétiques dans le parc parisien ne change rien à l’excellent classement des Parisiens. Ajoutons, pour être complets, que cette densité exceptionnelle de la capitale est aussi celle qui permet à ses habitants d’avoir la mobilité quotidienne la plus vertueuse du pays, avec des parts modales exceptionnellement élevées de la marche à pied et des transports en commun.

Habiter à Paris c’est donc, parce que Paris est dense — et non parce que les immeubles de Paris sont bien isolés ou bien chauffés — la garantie d’adopter un mode de vie quotidien parmi les moins émetteurs de CO2. Et pourtant, le marché immobilier le plus tendu de France, notamment en termes de locations non-touristiques, est aussi l’un des plus exposés à l’interdiction prochaine des passoires thermiques à la location ; en première analyse, les logements d’au moins 356’000 locataires seraient concernés.

Ce serait simplement cocasse si la France et l’Île-de-France ne connaissaient pas la terrible crise du logement que nous traversons, et si les enjeux de réduction des émissions réelles — et non pas théoriques — n’étaient pas à ce point cruciaux.

Si nous souhaitons vraiment réduire la consommation d’énergie des Français, et les émissions de CO2 qu’elle induit, c’est vers une densification progressive de nos espaces de vie qu’il faut tendre, plus que vers une rénovation forcée du parc de logements.

Pour ne pas répéter les mêmes erreurs de raisonnement, qui ont conduit les pouvoirs publics à mettre en place des politiques contre productives du point de vue de la disponibilité de l’offre de logement comme du point de vue de la réduction des consommations énergétiques des Français, nous devrions garder en tête deux principes fondamentaux :

  1. Ce ne sont pas les logements qui consomment de l’énergie mais leurs habitants. Dans certains territoires particulièrement attractifs, les ménages tendent à économiser cette ressource rare et très recherchée qu’est l’espace, ce qui les conduit à accepter de vivre dans des espaces moins grands et plus denses, ce qui se traduit mécaniquement par une moindre consommation d’énergie par personne. C’est cette densification qu’il faut favoriser en premier lieu, plus que l’amélioration des performances des bâtiments eux-mêmes.
  2. Nous ne faisons pas que résider et travailler en ville : c’est aussi dans cet espace que nous nous déplaçons, notamment pour nous rendre sur notre lieu de travail, faire nos courses, emmener nos enfants à l’école. Or, ce sont les milieux urbains denses qui réduisent les besoins de déplacement et permettent l’usage des modes doux que sont la marche, le vélo et les transports en commun.

Autrement dit et pour conclure : ce que ce paradoxe parisien démontre c’est qu’une politique exclusivement axée sur la rénovation énergétique de l’ancien, au détriment de la nécessaire densification de nos centres-villes, et donc de la construction de logement neufs dans des secteurs déjà bâtis, passe à côté de l’essentiel.

SUR LE MÊME THÈME