L’auto-promotion encadrée est le seul levier pour capitaliser sur le potentiel de l’informel
La ville doit impérativement se trouver en harmonie avec son territoire. L’objectif de 30% d’espaces urbains végétalisés est une nécessité…
Des territoires connectés : autour des villes et entre villes / Source : les cartes présentées dans cet article ont été réalisées dans le cadre de l’étude Réforme territoriale : pour une démocratie locale à l’échelle des bassins de vie par Jean Coldefy et Jacques Lévy (avril 2024)
Jacques Levy, géographe lauréat du prix Vautrin-Lud, et Jean Coldefy, expert des mobilités, ont réalisé une étude pour l’Institut Terram, publiée en avril 2024, intitulée : “Réforme territoriale : pour une démocratie locale à l’échelle des bassins de vie.” Ils y formulent des propositions clés en faveur de la résolution des problèmes de démocratie locale, de l’économie de nos territoires, des politiques de logement et de mobilité, dont les principales sont présentées dans cet article de synthèse pour le guide des villes vivantes. L’ensemble de l’étude portée par l’Institut Terram est disponible ici.
Le questionnement récurrent sur la bonne organisation territoriale en France porte à la fois sur le nombre de niveaux de collectivités (et leurs liens) et sur la place de l’Etat.
Réfléchir à une telle réforme nécessite au préalable de placer le citoyen-habitant au centre du dispositif et de mettre en regard de la future organisation les grands défis collectifs qui sont les nôtres :
– la réduction des émissions de CO2 notamment celle des mobilités, la voiture pesant 18% des émissions de la France, dont la moitié sur les liens des agglomérations avec leur périurbain et entre elles ;
– l’augmentation de l’offre de logement alors que nous vivons une crise aiguë dans les grandes villes et leur périurbain, qui met les maires en première ligne, lesquels appellent l’État à la rescousse ;
– la question de l’occupation des sols avec l’objectif du zéro artificialisation nette
(ZAN) qui vise à limiter l’occupation des sols, qui suscite questionnements de la part des maires face à une politique qualifiée d’étatiste et d’indifférenciée alors que la situation des territoires est diverse.
Pour comprendre l’inadaptation de l’organisation territoriale actuelle, il faut revenir au début du XXème, quand nous parcourions 4 km par jour, soit le diamètre moyen des communes en France. Aujourd’hui nous en réalisons en moyenne 40 par jour. Le bassin de vie — là où l’on réside, où l’on travaille, où l’on se soigne, où l’on se divertit… — est ainsi devenu dix fois plus grand que la maille communale. Ce qui conduit à une incohérence majeure : le périmètre du quotidien n’est plus en adéquation avec le périmètre électoral communal.
La France a un morcellement communal unique à l’échelle mondiale. Comme la commune est de taille trop restreinte pour gérer l’aménagement, la mobilité, l’eau, les déchets et l’économie, la loi a institué des groupements de communes, les communautés de communes ou d’agglomération. Mais celles-ci sont encore trop petites pour gérer ces thématiques. En conséquence, des groupements de groupements de communes ont été mis en place : des syndicats de communautés de communes et d’agglomération.
Toutes ces structures intercommunales ne sont pas soumises au suffrage universel alors qu’elles portent les enjeux essentiels du quotidien. En 2022, la France comptait 46’225 communes et structures de coopération intercommunale. Les espaces de vie, c’est-à-dire là où on réside et où on travaille, ce que l’INSEE nomme les aires d’attraction des villes, sont au nombre de 700. Il y a donc soixante-quatre fois plus de structures communales que de bassins de vie.
Cette organisation complexe est illisible pour le citoyen, multiplie les lieux de pouvoir et alourdi par là même les processus de décision. Elle a par ailleurs généré de grands surcouts financés par une forte augmentation des impôts locaux. Les difficultés actuelles d’étalement urbain, de mobilités, de logement et d’affaiblissement du vivre ensemble par la spécialisation sociale, trouvent leurs origines dans cette gestion communale à un maille géographique trop petite et inadaptée aux enjeux qui sont les nôtres aujourd’hui.
L’éclatement communal a en effet conduit à l’émiettement urbain autour des grandes agglomérations avec une surconsommation de l’espace et la très grande difficulté à se déplacer autrement qu’en voiture. C’est aussi la faible taille des communes, donc leur nombre, qui a conduit à privilégier les résidents au détriment de la construction de logements. Les
maires bâtisseurs sont rarement réélus. Ces politiques malthusiennes conduisent à faire moins de logements et affaiblissent le vivre ensemble par une moindre mixité sociale, et une spécialisation sociale des communes.
Cette organisation pose par ailleurs des problèmes démocratiques, puisque le principe d’avoir a minima chaque commune représentée dans les conseils de métropole ou d’agglomération, conduit à ce qu’une coalition de petites communes ait un poids politique sans commune mesure avec son poids démographique. De nombreuses métropoles et communautés d’agglomérations sont dirigés par des maires de petites communes périphériques.
Pour en sortir, si l’on veut éviter que le passé paralyse le présent, il faut parler politique avec l’ampleur et l’ambition nécessaires. Trois principes sont à la base d’une gouvernance territoriale lisible, efficace, juste :
– la recherche d’une cohérence entre les espaces de vie des Français et les espaces politiques ;
– la responsabilité et donc l’autonomie financière des gouvernements locaux ;
– la solidarité entre habitants et entre espaces impliquant la prise en compte des impacts de ses décisions sur les espaces voisins et de privilégier les démarches coopératives avec les autres échelons.
En pratique nous proposons que les 700 bassins de vie quotidiens des Français, les aires d’attraction des villes regroupant 93% de la population, soient demain les communes. On ajouterait à ces 700 communes les 200 autres communes non polarisées économiquement sur les villes, sur la base des communautés de communes actuelles. Avec cette concordance entre espaces de vie et électoraux la France serait organisée en environ 900 territoires locaux, de taille variable.
À cette échelle se décideraient les politiques du quotidien :
– occupation des sols, en favorisant l’équilibre requis par la transition écologique sur les consommations d’espaces à une échelle bien plus vaste qu’actuellement et cohérente avec les besoins de nature qu’expriment les Français, mais aussi de logements et de développement économique ;
– mobilités, en intégrant non seulement les grands pôles urbains mais toutes leurs périphéries, avec une seule autorité pilotant les transports urbains et périurbains, avec une politique d’aménagement autour des pôles de transports publics ;
– logement, permettant de sortir du malthusianisme actuel qui génère la non-mixité sociale et la crise actuelle de l’offre de logement, en travaillant à développer une offre de logement pour tous et en favorisant la mixité sociale
L’échelle des aires d’attraction des villes est bien plus vaste que les communes actuelles et comporte des avantages évidents de cohérence, d’efficacité, de solidarité et de lisibilité. C’est à cette échelle que l’on peut piloter les grands enjeux territoriaux et sociaux. Elle comporte également des risques : celle du gigantisme et d’une bureaucratie. Pour éviter ce travers, il paraît nécessaire de distinguer le lieu de définition des politiques, qui à l’évidence doit être celui de l’aire urbaine, de celui de leur mise en œuvre, qui, si la taille de l’aire est importante, devrait être décentralisé.
Il est également nécessaire d’y adjoindre un échelon de proximité qui devrait être assuré par les communes actuelles qui deviendraient des arrondissements, avec des budgets de proximité dédiés pour gérer des projets d’intérêts purement locaux.
Le système électoral de ce nouveau gouvernement des villes remplacerait le dispositif actuel des élections municipales fragmentées et serait au suffrage universel direct, permettant l’élection légitime d’un maire pour la nouvelle collectivité locale à l’échelle de l’aire urbaine. L’ensemble assurerait à la fois la proximité avec les élus et une représentation plus juste démocratiquement puisque proportionnelle au poids démographique et non en fonction du nombre de communes.
Demain le maire sera plus puissant parce qu’il sera à la bonne échelle, celle des espaces de vie, au contraire d’une multitude d’autorités agissant à des échelles trop réduites. La transformation proposée se fera par des évolutions progressives, éclairées par des instances indépendantes et par des incitations de l’État. Déjà certains territoires en France ont compris l’enjeu et avancent, comme le Havre, Cherbourg, Reims qui ont fusionné les communautés d’agglomérations et de communes pour se mettre à l’échelle de l’aire urbaine. Il faut suivre la voie de ces pionniers et leur donner les moyens d’amplifier encore le chemin qu’ils tracent.
COMMENTAIRES
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On sait depuis très longtemps (50 ans?) que les gouvernances territoriales ne sont pas placées à l’échelle des besoins d’aménagement des territoires et peu représentatives car élues au 2eme degré.
Combien de temps faudra t il encore pour réformer sérieusement l’Etat et les collectivités à l ‘aune de ce constat??!!
Belle réflexion merci.
Je crois cependant encore aux communes échelons de base de la démocratie…et de la responsabilité territoriale.
Ces meta-communes éloigneraient encore le citoyen du pouvoir …
Dans les faits les maires n’ont plus grand chose comme pouvoir…
Je crois au maintien des petites communes et à l’éclatement des grandes métropoles en mairies de 20000 habitants environ avec des fonctions eco et aménagement à une autre échelle avec un renforcement de l’état régalien et accompagnateur…
le capillaire de la mobilisation et le froid de l’intérêt général …
Mais c’est devenu impossible
voir :
Rabin G., Gwiazdzinski L., 2010, La fin des maires, dernier inventaire avant disparition, FYP