Entre le goutte à goutte actuel, et le « choc de l’offre », il y a un monde… mais rien d’impossible.
Un choc d’offre foncière pour faire baisser le coût du logement neuf
Parmi les mesures susceptibles d’enrayer la crise du logement, l’ancien Ministre du logement Patrice Vergriete plaidait notamment, en novembre 2023, pour un « choc d’offre foncière ».
Les coûts de construction ayant peu de chance de baisser à l’avenir (coûts des matières premières, normes environnementales exigeantes), les taux d’intérêt ayant également très peu de chance de redescendre au niveau historiquement bas qu’ils ont connu ces dernières années, désamorcer la pénurie artificielle de foncier constructible pour faire baisser les prix du foncier est sans doute le seul levier structurant qui reste à notre disposition pour faire baisser le coût trop élevée du logement neuf.
L’avantage d’envisager le choc de l’offre au niveau du foncier, et non au niveau du logement neuf lui-même, c’est également de faire faire baisser considérablement le risque de produire une offre inadaptée dans des territoires qui n’en ont pas le besoin : augmenter substantiellement le volume de foncier constructible disponible pour les porteurs de projet et les opérateurs permet de désamorcer l’effet de concurrence négatif sur une masse foncière trop faible par rapport à la demande. Par définition, dans un choc d’offre foncière, le foncier constructible est trop abondant par rapport à la demande, comme il l’est aujourd’hui dans certains territoires dits « détendus », et c’est ainsi que l’on peut observer des prix du foncier constructible tout à fait abordables.
Créer un « choc d’offre foncière » serait donc une bonne chose dans les situations où il est compatible avec le ZAN et la préservation de l’environnement, à condition de réussir à éviter trois pièges, qui n’ont malheureusement pas été évités à ce stade :
- Se focaliser sur un allègement de la fiscalité sans envisager en même temps une augmentation substantielle des droits à bâtir (en intensification), positive pour les recettes de l’État et à plus fort effet de levier ;
- Exclure de la mesure fiscale (abattement de la taxe sur les plus-values de cessions de terrains) la seule filière dont un choc de l’offre est réaliste et pourrait contribuer à avoir un effet positif sur les prix : la maison ;
- Considérer qu’une simple augmentation de l’offre constitue un choc sans s’interroger sur l’équilibre avec la demande réelle qui va grandissante dans certains territoires.
Si les effets d’un choc de l’offre en logements sont discutés, ceux de la pénurie d’offre sont plus clairs aujourd’hui
Revenons sur le choc de l’offre :
- Il existe un débat dans le monde des urbanistes et de l’immobilier pour savoir si, en matière de logement, les prix sont influencés par l’équilibre offre-demande, comme pour les matières premières ou l’énergie par exemple.
- La thèse classique selon laquelle une augmentation de l’offre, ou un moindre retard de l’offre sur la demande, induit une dynamique positive (pour les demandeurs) de baisse des prix est soutenue par certains chercheurs, voir par exemple, Andrea Mense qui décrit les effets positifs en cascade de l’augmentation de l’offre sur le marché allemand.
- Certains soutiennent l’extrême inverse : « construire plus entrainerait plus de ‘spéculation’ et ferait monter les prix, comme on a pu l’observer dans les grandes métropoles françaises comme Lyon ces dernières années ». Mais ils ne formulent pas l’hypothèse suivante : la demande sur ces territoires n’a-t-elle pas grandit plus vite que l’offre ?
- On peut remercier la situation actuelle, particulièrement difficile, pour nous aider à clarifier au moins une chose : la baisse de l’offre dans les territoires recherchés provoque des tensions qui font monter les prix de la location, d’une part, et enraye la baisse des prix attendue dans l’ancien, d’autre part, quand bien même les taux d’intérêt ont considérablement augmenté. Autrement dit : si les effets de l’augmentation de l’offre ne font pas consensus, les effets d’une raréfaction de l’offre sont plus clairs. Mais le point subtil de la notion de choc de l’offre se situe aussi dans la nature de l’offre :
- Certains, comme Yann Gérard, montrent observations à l’appui qu’un choc de l’offre réalisé avec la seule promotion immobilière ne fait pas baisser les prix du logement. Pour qu’un choc d’offre puisse avoir une contribution positive à la résolution de la crise, il doit donc être significatif au regard de la demande et ne pas se focaliser uniquement sur la filière du collectif mais travailler aussi avec la maison.