Une étape italienne sur la route de la Soie : l’érable de Naples

Cadres de vie
Publié le 03/12/25
Mis à jour le 03/12/25
5min de lecture
Une étape italienne sur la route de la Soie : l’érable de Naples
Salomé Bielsa | flickr.com

Acer opalus à l’automne

    Pour notre territoire, pointe occidentale du continent euro-asiatique, l’Italie a été le déversoir des plantes utiles transitant par la Route de la Soie. Les céréales, arbres fruitiers, plantes horticoles, …tous les végétaux repérés et sélectionnés par nos ancêtres ont été intégrés dans nos champs, nos haies, nos forêts et nos jardins.

    Enfin, presque tous, car il y a eu des  oubliés, y compris des italiens !

    C’est le cas de l’érable à feuille d’obier, dit aussi érable de Naples (Acer Opalus)

    Originaire des Balkans et du sud italien, il est présent jusqu’en Espagne. Chez nous sa présence reste modeste, dans la frange Sud (Alpes du Sud et Jura), comme saupoudré ponctuellement (figure n°1).

    L’arbre reste modeste (10 à 13 m), occupe préférentiellement les sols calcaires, en situations chaudes et sèches. Sa principale caractéristique dans sa famille est de fleurir en corymbes1 pendants généreux, tôt, et avant apparition des feuilles : une boule spectaculaire, éclatante, jaune et très attractive pour les insectes, abeilles en tête, qui relancent leurs populations à la sortie de l’hiver (figure n°2). Une offre de nectar et pollen de grande générosité, précoce, indéniablement nécessaire pour le futur de notre biodiversité partout sur notre territoire.

    Certains arbres sont protandres2 (étamines matures avant le pistil) (figure n°3) et d’autres sont protogynes (stigmates réceptifs avant maturité des anthères) (figure n°4), un mode de reproduction comme pour rendre obligatoires les fécondations croisées, ce qui est compliqué pour des populations dispersées… Est-ce la cause de la grande parthénocarpie3 observée ?

    Sa reproduction en est bien pénalisée (figure n°5), ce qui pourrait expliquer qu’on lui ait préféré ses cousins (érable de Montpellier, plane, sycomore…) pour peupler nos bosquets, routes et rues, tout en négligeant ses apports en ressources florales, si peu valorisées dans nos choix.

    Nos critères de sélections restent encore trop oublieux des besoins de la biodiversité : l’érable de Naples en est un exemple mais c’est aussi le cas d’un autre italien, le frêne à fleurs (Fraxinus ornus), si peu utilisé à ce jour.

    Pour adapter nos paysages du futur, sa  migration assistée  doit être planifiée.

    On pourra retenir préférentiellement la variante Acer opalus subsp. obtusatum4, issue des territoires les plus chauds et secs (et dont la floraison est plus colorée que l’espèce type).

    On le verra isolé, en boule, dans la collection d’érables de la ville de Paris (en face de l’école du Breuil, côté Vincennes), et en bel arbre urbain, dans le jardin de la porte d’Auteuil, côté avenue Gordon Bennett. A aller voir en toute saison, notamment en automne, où il revêt une robe flamboyante spectaculaire (figure n°6).

    Cartographie des spécimens d’Acer opalus arbres relevant de la Ville de Paris (arbres d’alignement sur le domaine public, espaces verts et équipements publics municipaux). Source : https://opendata.paris.fr/explore/dataset/les-arbres

    Il est l’arbre type idéal du futur : résistant au chaud et au sec, à floraison stratégique, et beau !


    telabotanica.org
    Figure n°1 : Carte de répartition de l’érable de Naples sur le territoire Français en 2025 (Tela Botanica, à partir des sources BazNat-Flore, Flora data, SOPHY, IFN, Vigie Flore, PhotoFlora) Les carreaux indique les sources de données.

    Yves Darricau


    Yves Darricau
    Figure n°2 : Acer Opalus subsp. obtusatum en pleine floraison à l’arboretum de Paris à la mi-mars.

    Yves Darricau
    Figure n°3 : Corymbe de fleurs protandres d’Acer Opalus.

    Yves Darricau
    Figure n°4 : Corymbe de fleurs protogynes d’Acer Opalus subsp. obtusatum : récolte du pollen et buzz garanti en début printemps (mi-mars à l’arboretum de Paris).

    Cambridge University Botanic Garden
    Figure n°5 : Fructification de l’érable de Naples a la forme caractéristique disamare (deux samares soudées) pubescente à ailes droites ou légèrement convergentes.

    Pep Ferrer | flickr.com
    Figure n°6 : Couleur automnale des feuilles de l’érable de Naples (ici la sous-espèce granatense).

    Notes :

    1. Un corymbe est un type d’inflorescence indéfinie (racémeuse) de forme arrondie ou aplatie dans laquelle les fleurs sont portées par des pédoncules d’inégalité croissante du sommet vers la base de l’inflorescence. Cette différence de longueur des pédoncules fait que toutes les fleurs (ou presque) se retrouvent sensiblement au même niveau ou sur un plan légèrement bombé ou plat. l’axe principal est généralement ramifié (souvent plusieurs fois). La floraison est centripète : les fleurs les plus anciennes (donc ouvertes en premier) sont à la périphérie, les plus jeunes au centre. Parmisles plantes communes présentant une floraison en corymbes, on peux citer le sureau noir (Sambucus nigra), l’achillée millefeuille ou le poirier (Pyrus communis).
    2. La protandrie / protogynie est un mécanisme très efficace d’autogamie évitée (prévention de l’autofécondation) qui favorise la fécondation croisée (allogamie).
      Elle constitue l’une des deux grandes formes de dichogamie (décalage temporel entre la fonction mâle et la fonction femelle).
    3. La parthénocarpie est le développement d’un fruit sans fécondation de l’ovule et donc sans formation de graines fertiles (le fruit est généralement stérile ou contient des graines avortées ou vides).
    4. Caractères distinctifs rapides de la sous-espèce obtusatum par rapport à Acer opalus subsp. opalus : Les feuilles sont plus petites (4–8 cm), à 3–5 lobes très peu profonds et arrondis (souvent presque trilobées à lobe terminal très large). La face inférieure des feuilles est souvent pubescente (poilue) au moins sur les nervures. Fruits en deux samares soudées à ailes très écartées (presque à 180°, forme en « V » très ouvert). L’écorce est de couleur grisâtre, restant lisse longtemps.
      https://landscapeplants.oregonstate.edu/plants/acer-opalus-subsp-obtusatum
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