L’industrialisation de notre vertu écologique, aux dépens des ménages les plus modestes ?

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3 min de lecture.  |  Publié le 16/04/2023 sur | Mis à jour le 16/05/23

Le Parlement européen a adopté le 14 mars 2023 une directive visant à rénover 40 millions de bâtiments d’ici à 2030.

Pour la France, en mettant hors circuit, dès 2025, 700 000 logements classés “G”, il va contribuer :

Pour la partie de ce parc qui ne sera pas rénovée :

À diminuer l’offre de logements, notamment locatifs, dont les ménages les plus modestes sont tributaires, en particulier lorsque leurs revenus sont trop faibles pour accéder au parc locatif social traditionnel ;

  • À conforter une inflation des prix d’achat et de location, alors que plus d’un tiers du budget des ménages est associé au logements ;
  • À faire baisser mécaniquement le capital des propriétaires occupants modestes, surreprésentés parmi les détenteurs des passoires énergétiques ;
  • À augmenter la vacance dans les cœurs de villes et de bourgs, là où l’absurdité d’une notation énergétique qui ne prend en compte ni les usages, ni les économies de déplacements associés à un habitat proche des services et des emplois, ni les caractéristiques des matériaux traditionnels, se combine avec des impératifs légitimes associés à la protection du patrimoine pour décourager les porteurs de projets potentiels, pénalisant ainsi les ménages pauvres qui ne peuvent assumer une mobilité automobile.

Pour la partie de ce parc qui sera rénovée :

  • À créer des effets rebond dont la réalité est documentée de toutes parts, en France, par des travaux auxquels j’ai pu prendre part personnellement, en Allemagne, aux Etats-Unis, annulant le bénéfice budgétaire pour les ménages et le bénéfice environnemental pour la collectivité ;
  • À favoriser des filières de la rénovation reposant sur des matériaux et des entreprises normés, au détriment du tissu du micro artisanat local du bâtiment.

La transition écologique pensée par des CSP+ ne peut pas se faire sur le dos de nos concitoyens les plus modestes.
Pour réussir la transition écologique, nous devons nous connecter à la réalité économique et aux aspirations de nos concitoyens les plus modestes, qui ne se limitent pas aux économies d’énergie et au confort énergétique.


Pour réussir la transition écologique, nous devrions :

  1. Coupler les politiques publiques de la rénovation aux politiques publiques de la construction et de l’accès au foncier ;
  2. Intégrer aux politiques publiques de la rénovation le sujet de la reconfiguration (éclairement, patrimoine, distribution, accès, sécurité) des logements anciens, afin qu’ils puissent répondre non seulement aux normes mais également à la demande contemporaine d’habitat.

L’avenir de nos transitions ne se situe pas dans la standardisation des approches “environnementales” et aveugles aux usages, mais dans la généralisation du sur mesure, dans la construction et le déploiement de compétences techniques de pointe qui permettront de faire de chaque amélioration environnementale une amélioration sociale, culturelle, urbaine.

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