La chute des naissances viendrait (pour moitié) du manque de logements

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Publié le 12/11/25
Mis à jour le 14/11/25
3min de lecture
La chute des naissances viendrait (pour moitié) du manque de logements

Graphiques parus dans l'article "Build, Baby, Build: How Housing Shapes Fertility" - Benjamin K. Couillard, Economics Department, University of Toronto

     La natalité baisse, donc il faut construire moins. 

    C’est devenu un réflexe de pensée dans le débat français Arrêtons d’écouter les « philosophes » qui nous parlent d’évidences Arrêtons d’écouter les « philosophes » qui nous parlent d’évidences , et même un mantra.

    Comme nous n’avons pas la solution à la crise qui sévit sous nos yeux (ces files d’attentes sur les trottoirs pour la moindre annonce de location …) nous rêvons que le problème se résolve… tout seul !

    Les Français font moins d’enfants, la population vieillit… nous aurons besoin de moins de logements à l’avenir : circulez, il n’y a rien à voir.

    Une étude récente suggère pourtant exactement l’inverse : c’est parce que nous ne construisons pas assez que la natalité s’effondre.

    C’est l’hypothèse testée par Benjamin Couillard (University of Toronto, 2025) et qu’il décrit dans un article qui vient tout juste de paraître. Robin Rivaton l’a relayée hier : je vous la repartage à nouveau car elle me semble fondamentale.

    L’auteur y développe un modèle structurel de décision conjointe logement–fertilité, qui cherche à représenter les mécanismes de décision individuels à partir de leurs fondements comportementaux et contraints, plutôt que de simples corrélations statistiques : les ménages arbitrent entre consommation, épargne et nombre d’enfants, sous contrainte budgétaire et spatiale.

    Le terme  conjointe  (du  modèle de décision conjointe ) signifie que plusieurs décisions interdépendantes sont prises simultanément : ici, le choix du logement et celui du nombre d’enfants.

    Ces deux décisions sont liées :

    • Avoir un enfant suppose souvent d’agrandir son logement.
    • Acheter ou louer un grand logement suppose d’anticiper la taille future de la famille.

    Les modèles classiques étudiaient souvent séparément le marché du logement et la fécondité.

    Un modèle de décision conjointe relie les deux : il analyse la causalité croisée entre logement et natalité Accès au logement et natalité : une relation causale démontrée au Brésil Accès au logement et natalité : une relation causale démontrée au Brésil .

    L’idée est simple, mais ses implications sont considérables : les enfants requièrent de l’espace, et cet espace a vu son coût exploser.

    Depuis trente ans, les loyers ont augmenté plus vite que les revenus, surtout dans les zones d’emploi dynamiques. En comprimant la surface accessible aux jeunes ménages, le marché du logement réduit la possibilité d’un deuxième ou d’un troisième enfant. Il ne s’agit pas d’un choix, mais d’une adaptation rationnelle à la rareté.

    En calibrant son modèle sur trois décennies de données américaines, Couillard montre que la hausse des loyers explique à elle seule environ 11% de naissances en moins, soit près de la moitié du déclin total de la fécondité entre 2000 et 2010.

    La contrainte logement est l’une des causes majeures de l’évolution démographique.

    Les simulations révèlent aussi que toutes les unités nouvelles n’ont pas le même impact sur la natalité : une politique ciblée sur les grands logements familiaux (3 chambres et plus) aurait 2,3 fois plus d’effet sur la fécondité qu’une augmentation indifférenciée de l’offre.

    C’est le manque de logements familiaux abordables qui pèse sur la natalité.

    Une vérité toute simple, compatible avec nos observations empiriques, et qui contredit le postulat selon lequel la baisse de la natalité réduirait les besoins en logements.

    Cette prophétie autoréalisatrice doit cesser : c’est précisément l’insuffisance de l’offre, en particulier celle des logements familiaux, qui alimente le déclin démographique.

    Il reste pourtant un paradoxe à résoudre : le parc de logements français comporte, dans la plupart des territoires, trop de logements familiaux… Je vous en parle dans l’article suivant !