Le monde a besoin de meilleurs urbanistes

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3 min de lecture.  |  Publié le 19/03/2024 sur | Mis à jour le 24/04/24

Villes Vivantes, l’urbanisme comme service à la personne

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Julien Meyrignac | caissedesdepots.fr

Le numéro de la Revue Urbanisme de Mars-Avril 2024 était intitulé “Le monde a besoin des urbanistes”, n’aurait-il pas fallu opter pour : “Le monde a besoin de meilleurs urbanistes” ?

Le logement : un abonnement invisible à un ensemble de services conçu par les urbanistes

Dans un article précédent, je fais remarquer qu’au sein du poste “logement”, il convient de bien distinguer la valeur du logement lui-même de celle de son emplacement, qui est la cause d’une part importante de l’évolution du poids du logement dans le budget des ménages, bien plus que les abonnements Netflix et autres écrans plats…

Tout se passe comme si, aujourd’hui, le choix de l’emplacement de son logement était l’équivalent d’une sorte d’abonnement à l’ensemble des opportunités du monde réel rassemblées, avec plus ou moins de bonheur par le travail des urbanistes, dans ce que nous appelons un bassin de vie, une ville, une métropole, un littoral… un cadre de vie.

Pourquoi un territoire est-il plus attractif qu’un autre ?

Habiter dans le coeur d’une grande ville signifie acheter, ou louer :

  1. une surface habitable ;
  2. un abonnement, un accès libre, aisé et rapide (à pied, en vélo, en transports en commun, en voiture) à des dizaines de milliers d’emplois potentiels, à une myriade d’opportunités sociales, culturelles, de services, d’équipements, de rencontres, dont beaucoup ont besoin, chaque jour.

La transposition du concept d’abonnement au cadre de vie physique permet de rendre concret ce qui se cache derrière la notion, plus vague, d’attractivité : le service réel rendu, aux personnes, par l’organisation de l’espace et l’aménagement du territoire.

Les Français ne s’entassent pas dans des logements exigus situés dans des métropoles saturées à cause des prouesses du marketing territorial : ils consentent à payer, trop cher sans doute parce que notre urbanisme est trop peu efficace, et au détriment d’autres dépenses comme l’alimentation, un abonnement physique à ce dont ils ont besoin, en plus des m2 habitables.

Quelles conséquences pour le métier d’urbaniste ?

De l’urbanisme de projet à un urbanisme plus « incrémental »

Les règles d’un PLU peuvent aujourd’hui être considérées comme l’équivalent du code d’un programme informatique : elles devraient concentrer aujourd’hui toute notre attention, et nos compétences les plus pointues.

A l’heure du renouvellement urbain généralisé, le paradigme de l’ « urbanisme de projet » ( « je veux, je dessine, je maîtrise le foncier, je réalise »), qui fonctionne très bien sur des terrains vierges en extension urbaine, ou sur de grandes friches, est en effet voué à laisser – largement – sa place à une approche plus incrémentale, complexe et organique de la fabrique du tissu urbain et de son organisation, fondée sur une coopération généralisée entre les collectivités et une multitude de porteurs de projet, au premier rang desquels les habitants eux-mêmes.

Une telle coopération nécessite :

  1. un travail pré-opérationnel avec, en particulier dans les secteurs tendus du territoire, l’écriture – et le test – de règles d’urbanisme intelligentes, non seulement du point de vue de la préservation du cadre de vie, mais également d’un point de vue de la création d’un volume suffisant de possibilités d’adapter et de densifier le tissu urbain existant, pour d’augmenter sa capacité d’accueil, réaliser le ZAN et améliorer ses qualités et sa viabilité intrinsèques ;
  2. un accompagnement technique global des porteurs de projet – à la fois architectural, urbanistique, écologique, patrimonial et immobilier -, reposant sur une compétence avancée en conception matricielle et un sens prononcé du service à la personne.

Un tel urbanisme miniaturisé, opéré maison par maison via un service à la personne, c’est-à-dire un service personnalisé, requiert un arsenal de compétences et de techniques complet, sophistiqué, approfondi. C’est tout l’objet des travaux de R&D menés par Villes Vivantes depuis 10 ans, grâce auxquels nous découvrons que le sur-mesure en urbanisme coûte, in fine, moins cher que le standard, mais qu’il nécessite aussi une plus grande intensité et disponibilité de compétences.