Dans quelle mesure un PLU peut-il interdire l’accès à un terrain depuis la voie publique ?
Vous trouverez, ci-dessus, la carte des secteurs résidentiels du PLUi de Bordeaux Métropole soumis à l’interdiction généralisée de création de bandes d’accès et de servitudes de passage (en rouge), comparés aux autres secteurs résidentiels (en gris).
Cette interdiction grève quelques 70’000 terrains.
Or en application du régime applicable aux mesures de police administrative, les dispositions d’un PLU se doivent d’être proportionnées à la finalité poursuivie lors de l’édiction de la règle.
Nous vous faisions part, la semaine dernière, de la demande adressée par vv.love, la Direction de l’Impact Social de Villes Vivantes, à Bordeaux Métropole, de bien vouloir inscrire à l’ordre du jour du prochain conseil communautaire l’abrogation des dispositions du PLUi qui interdisent la création de bandes d’accès ou de servitudes de passage sur de nombreux terrains constructibles
:
- pour plusieurs
motifs d’illégalité
;
- parmi lesquels
le caractère disproportionné au regard de la finalité de cette mesure attentatoire au principe d’accès à la voie publique.
Selon les termes de Maître Olivier Chambord :
Le rapport de présentation du PLUi de Bordeaux Métropole évoque entre autres motifs des considérations tenant à la sécurité publique pour justifier l’interdiction des bandes d’accès et des servitudes de passage, sans pour autant donner des explications plus précises sur la dangerosité des voies publiques sur lesquelles de nouveaux accès seront interdits.
Cette absence de justification est d’autant plus problématique au regard du choix des auteurs du PLUi d’édiction de la règle la plus attentatoire aux droits des riverains au titre des aisances de voirie.
L’interdiction des bandes d’accès ou de servitudes de passage va à l’encontre de la jurisprudence administrative qui reconnaît aux riverains, dans une certaine mesure, un droit aux travaux nécessaires à l’octroi d’un droit d’accès au titre des aisances de voirie.
L’interdiction réglementaire des bandes d’accès et de servitudes de passage est trop générale et absolue pour être adaptée à la finalité de la règle poursuivant la sécurité publique.
Dans le cas du PLU de Bordeaux Métropole, l’interdiction de création de bandes d’accès et de servitudes de passage n’est pas proportionnée à la sécurité des usagers de la voie publique et des futurs occupants. Cette sécurité peut être assurée par des dispositions moins attentatoires au droit d’accès des riverains à la voie publique accessoire du droit de propriété.
La nécessité, l’adéquation et la proportionnalité de l’interdiction des bandes d’accès ou des servitudes de passage n’étant pas démontrées pour assurer la sécurité de la circulation publique dans le rapport de présentation, cette règle est illégale et doit être abrogée.
Ces règles sont illégales
Une ville est système complexe, un organisme vivant, et une partie de nos problèmes — dont la crise du logement — proviennent du fait que nous la considérons encore comme un objet trop simple, dans une approche fonctionnaliste et déterministe, qui ne fait que très peu de place aux initiatives et projets d’adaptation portés par les habitants eux-mêmes.
Le tissu urbain évolue au gré des besoins, des aspirations et des projets, de la capacité des habitants et des acteurs professionnels à les financer, à les porter, à les réaliser, dans les limites des règles d’urbanisme légitimes, c’est-à-dire, en premier lieu, légales.
Ce que nous voyons, sur ces cartes, en rouge, ce sont des dispositions de blocage délibérées, manifestement disproportionnées, et même contradictoires par rapport aux objectifs énoncés par les auteurs du PLUi de Bordeaux Métropole.
Le tissu urbain est exagérément figé par ces outils d’interdiction de création d’accès aux terrains qui sont complètement dévoyées de leur finalité telle que définie par le code de l’urbanisme.
Ces règles bloquent quelques 70’000 terrains constructibles au sein des secteurs résidentiels des 28 communes de la métropole. Elles sont, en l’occurrence, illégales, comme le révèle nos analyses, confirmées par celles de Maître Olivier Chambord.
Si ces règles ne sont pas nouvelles, elles ont été confirmées et parfois même renforcées à l’occasion de la 11e modification du PLUi de Bordeaux Métropole, approuvée en février 2024, alors même qu’elles sont particulièrement dommageables dans le contexte actuel de crise terrible du logement que connaît le territoire girondin.
Tout en permettant aux propriétaires les plus aisés de faire construire eux-mêmes, sur leur terrain – sans avoir à créer d’accès ou de bande d’accès – elles empêchent les plus modestes, qui ne peuvent pas financer eux-mêmes ces constructions, de faire évoluer leur bien dans le sens de leurs besoins en partageant leur terrain pour le céder à ceux qui sont à la recherche d’un logement bien situé, proche des transports et des zones d’emploi.
En empêchant la production simple de terrains à bâtir, adaptés aux surfaces correspondant aujourd’hui à la demande et aux enjeux d’efficacité foncière, ces règles privent donc les ménages modestes d’un accès au logement dans les secteurs bien situés et desservis du territoire — un potentiel de 2’000 logements/an — elles entraînent des effets de reports vers l’extérieur de la métropole, une augmentation de l’étalement urbain, des trajets domicile travail et des émissions de gaz à effet de serre induits par ces mobilités subies.
C’est pourquoi la direction de l’Impact Social de Villes Vivantes a demandé à Bordeaux Métropole de les abroger.
D’autres outils existent, qui permettront d’autoriser et de réguler une évolution fine et harmonieuse du tissu urbain, afin de l’adapter aux enjeux actuels et à venir, tout en lui permettant de répondre aux besoins en logements de la population.