On entend parfois des arguments pour affirmer que les voiles d’ombrage dénaturent l’esthétique d’une rue ou sont complètement inadaptées aux zones patrimoniales.
Pourtant, les voiles d’ombrage faisaient bien partie du paysage des villes du sud de la France il y a quelques siècles : il s’agissait simplement d’un patrimoine discret qui n’a pas laissé beaucoup de traces.
On peut parfois en apercevoir en examinant des cartes postales ou des peintures si l’on souhaite des documents antérieurs à l’invention de la photographie.
Cette peinture de Pierre Grivolas (1823-1906)1, que l’on peut admirer au Musée Calvet à Avignon, montre le marché de la place Pie à Avignon et est datée de 1868.
C’est un témoignage unique d’utilisation d’une voile continue pour ombrager toute une rue : on peut y lire le système d’accroche des voiles sur des câbles tendus qui permettent de les replier rapidement.
Cette incroyable peinture illustre l’importance des voiles d’ombrages et leur place dans le paysage urbain des villes du Sud au milieu du XIXème siècle.
Rejeter ce type de solution pour des raisons patrimoniales revient à négliger ce patrimoine discret qui permettait d’améliorer le confort thermique des citadins avant le développement de la
climatisation.
Cela ne veut pas dire que l’installation de voiles d’ombrage ne représente pas un défi en zone patrimoniale, notamment en ce qui concerne l’accrochage sur des bâtiments anciens compte tenu de l’incertitude sur la composition de leur paroi.
C’est aussi un défi dans les zones exposées aux vents forts, même si des formes de voiles sont mieux adaptées que d’autres pour limiter la prise au vent.
Il importe de rappeler qu’une voile d’ombrage constitue une solution parfaitement réversible et peut être détachée en quelques secondes : cela permet aux pompiers d’accéder facilement aux façades en cas d’intervention.
L’adaptation des villes à la chaleur et le respect du patrimoine n’ont rien d’antagoniste, à condition de ne pas rejeter le patrimoine immatériel et discret de protection solaire comme les voiles d’ombrage ou les marquises
Qui a tué la marquise ?
, qui permettait à nos villes du début du XXème siècle d’être sans doute mieux protégée de la chaleur que nos villes actuelles.
Certaines villes, hors de France, nous montrent qu’il est encore aujourd’hui possible de redonner vie à ce petit patrimoine microclimatique2, comme Séville ou Cordoue
Cours intérieures : une technique traditionnelle de climatisation passive des villes… qui révèle les limites de nos modèles de simulation du climat urbain
, de quoi inspirer une renaissance dans nos villes à l’heure où nous devons faire face à des étés plus intenses ?


Notes :
- Le Marché de la place Pie, Pierre GRIVOLAS, 1968 à voir ici
- Voir à ce sujet l’étude :
Acclimatation(s) – Adapter la ville patrimoniale face au changement climatique
, Margaux Girerd, Antoine Basile, Clément Gaillard, Atelier Marē, Atelier Géminé, 2024