Rénovation énergétique : sortir des « mono-gestes »… ou des politiques publiques « mono-objectif » ?
La rénovation aidée ne doit pas être un déversoir à argent public mal utilisé parce qu’employé sans compréhension de la nature des besoins.
« Le refus de promouvoir la sobriété continue de s’enraciner dans l’idée que celle-ci serait liberticide et punitive »
Dominique Méda | lemonde.fr
Le problème du mot “sobriété” c’est qu’il contient une dimension morale supplémentaire qui devient très rapidement contre productive dans la pratique.
Si vous appliquez le critère de “sufficiency” au logement, vous pouvez mettre quasiment tout le monde d’accord : il faut produire une offre “en quantité suffisante”, c’est-à-dire :
Si l’on applique le critère de “sobriété” en lieu et place du critère de “sufficiency” par contre, on en déduit que tout logement neuf est suspect. On entre dans un système moral ou “moins = bien” et ou “neuf = mal”.
Le rapport Soutenabilités ! Orchestrer et planifier l’action publique, publié par France Strategie, explique pourquoi, en France, “les 50 % les plus modestes devraient réduire leur empreinte carbone de 4 % contre 81 % pour les 10 % les plus riches”.
Promouvoir la “sobriété” dans le domaine du logement conduit à renforcer ce problème, et non à le résoudre : tous les efforts de “sobriété” dans des domaines qui sont en quasi pénurie, comme le logement en secteur tendu, seront en effet supportés par les plus modestes in fine.
Au final, la morale de la sobriété, qui légitime qu’on crée artificiellement la rareté foncière et immobilière dans les secteurs tendus, ne fait qu’augmenter les inégalités entre les 50% les plus modestes et les 10% les plus riches, les premiers étant amenés à devenir les éternels locataires des seconds.
Voilà pourquoi le mot “sobriété” cause beaucoup de torts dans le domaine du logement et pourquoi nous devrions trouver une autre traduction au mot “sufficiency”, ou garder le “en quantité suffisante”.
Le mot “sufficiency” implique qu’il faut augmenter ce qui est trop faible, qui n’est pas en quantité suffisante, et faire baisser ce qui relève du gaspillage ou du sur-confort. Quoi de plus logique ?
Le mot “sobriété”, quant à lui, fait du “moins” une vertu.
Lorsque qu’il devient un réflexe dans le domaine des politiques du logement, il fait régresser l’intelligence en faisant la promotion d’une solution toute faite, hors contexte, qui nie la réalité de la géographie : “tout est déjà là. Et à la fin, ce sont les ménages aux revenus modestes qui souffrent en premier des pénuries. »
Pour tout ce qui est “en trop” par rapport aux besoins, gardons les termes comme “gaspillage”, “surplus” qui sont beaucoup plus clairs et explicites que des termes aussi flous que “frugalité” ou “sobriété”.
Oui, nous devons lutter ardemment, et avec intelligence, contre les gaspillages et les surplus.
Non, la sobriété et la frugalité ne sont pas des vertus en soi.
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