Station Côte Pavée

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5 min de lecture.  |  Publié le 13/09/24

Luna Lyons | Wikimedia.org

À Toulouse, l’ouverture prochaine d’une station de métro crée un cadre idéal de mise en œuvre d’une opération de densification douce dans un contexte d’intensification stratégique.

C’est une des recommandations centrales du International Resource Panel (IRP) des Nations Unies quant à l’avenir de la mobilité dans nos grandes villes : elle doit se structurer autour d’une combinaison de réseaux de transport en commun, idéalement en site propre (train, métro, tram, BHNS…), et de modes actifs (marche à pied, vélo…). C’est à la fois un impératif économique — maximiser le nombre d’emplois accessibles aux habitants des villes — mais aussi une nécessité écologique : polluer moins, réduire nos émissions de gaz à effet de serre et reconquérir l’espace aujourd’hui alloué à l’usage dominant de la voiture individuelle.

La pertinence d’une ligne de métro, par exemple, se juge principalement sur la base de ce double objectif. D’un point de vue économique, la création d’une ligne coûte cher — notamment lorsqu’elle est essentiellement souterraine — et les opérations présentent également un coût élevé, d’autant plus qu’on souhaite offrir un haut niveau de service : une ligne de métro n’est donc économiquement pertinente que si elle est fréquentée. Il en va de même d’un point de vue écologique : la création d’une ligne a également un coût (énergie, émission de GES, matières premières…) auquel s’ajoute, en opérations, la consommation des rames et des stations qui est d’autant plus élevée que le service est attractif. Là encore, la pertinence du métro repose sur sa fréquentation et sa capacité à provoquer un report modal significatif.

Or cette fréquentation est directement liée à la zone de rabattement des stations du métro. On sait que ses dimensions sont limitées par les temps d’approche ce qui implique que le pouvoir d’attraction d’une station du réseau est principalement lié à la densité — en emplois ou en habitants — de ses abords immédiats. C’est ce que l’IRP appelle agglomération nodale et c’est un phénomène qui se produit de façon spontanée pour peu, bien sûr, qu’aucune contrainte exogène ne l’en empêche.

D’où la contradiction apparente entre la nécessité de favoriser les modes doux (dont le métro), d’une part, et l’idée selon laquelle il faudrait construire moins pour, notamment, renaturer nos centres-villes ou réoccuper les logements vides situées dans des endroits plus reculés du territoire.

À cette contradiction s’ajoute le délicat — et souvent brûlant — sujet de l’acceptabilité sociale de la densification, en lien avec ce syndrome que des sociologues ont appelé le NIMBY pour Not In My Back Yard, en l’occurrence, oui au métro et à ses conséquences en terme de densité, mais pas dans mon jardin.

L’ouverture prochaine d’une station de métro dans le quartier de la Côte Pavée, à Toulouse, en est une illustration parfaite. Selon un riverain, relayé par actu.fr :

Pour éviter les petits immeubles, j’ai déjà entendu dire que certaines personnes envisageaient de se regrouper et mettre un billet pour acheter la maison à vendre et éviter qu’elle ne tombe entre les mains d’un promoteur.

La Côte Pavée est un quartier peu dense, connu des Toulousains pour ses belles maisons Art Déco et son ambiance de village, qui va, dans les années qui viennent bénéficier de surcroît d’une connexion rapide et peu onéreuse à l’ensemble du réseau de transport toulousain via la nouvelle ligne C. L’ouverture est prévue pour 2028 mais, déjà, l’effet d’agglomération nodale est à l’œuvre ce qui n’est pas sans susciter l’inquiétude de nombre de riverains qui craignent que la densification du quartier dégrade leur cadre de vie.

Si la densification a une mauvaise image c’est évidemment pour plusieurs raisons entremêlées les unes aux autres. L’une d’elles, peut-être la plus importante, c’est que la densification est souvent associée, dans l’imaginaire des habitants mais aussi, il faut bien le dire, dans la réalité, à la construction d’immeubles dans le cadre de grandes opérations de promotion immobilière qui sont souvent vécues comme imposées et violentes, particulièrement lorsque ces immeubles sont construits à la place de maisons individuelles préalablement détruites.

Or il se trouve que la France est le pays qui est, justement, en train de mettre au point et d’expérimenter une alternative à cette densification verticale, plus adaptée aux secteurs résidentiels peu denses comme celui de la Côte Pavée : la densification douce, qui associe les modèles opérationnels du BIMBY (i.e. ajout d’une nouvelle maison dans un jardin qui en contient déjà une) et du BUNTI (i.e. création de nouveaux logements par reconfiguration, extension, surélévation et/ou subdivision de bâtiments existants).

Dans ce modèle d’autopromotion accompagnée et guidée par des équipes d’urbanistes spécialistes de la densification douce, ce sont les habitants eux-mêmes qui sont les porteurs des projets de construction et qui mettent ainsi en œuvre, pas à pas, une évolution sur mesure du tissu urbain.

C’est ce type d’opération que Villes Vivantes a par exemple réussi à Périgueux, au Pays de Vitré ou encore à Épinal. Le tissu à fine granularité foncière de la Côte Pavée — un tissu résidentiel composé de petits terrains avec maisons — pourrait se prêter parfaitement à la multiplication de ce type de petites opérations finement intégrées dans leur environnement.

En l’occurrence, des habitants du quartier se mobilisent déjà pour racheter des maisons afin de les préserver : c’est un bon point de départ. Avec un service d’accompagnement plus poussé et généralisé, nombre d’habitants du quartier pourraient réfléchir aux options qui se présentent à eux : racheter des biens voisins pour les conserver en l’état pour certains, ajouter un étage, une extension, ou une deuxième maison dans le jardin pour d’autres. Nul doute qu’avec un règlement d’urbanisme adéquat, c’est-à-dire offrant de réelles possibilités de densification douce tout en créant un cadre permettant de préserver les intimités et la qualité de vie du quartier, une opération de densification douce de la Côte Pavée donnerait des résultats significatifs du point de vue de l’accueil de nouveaux habitants et du renforcement de cette agglomération nodale.

Il va de soi que nous sommes à la disposition des élus et acteurs toulousains pour étudier la mise en œuvre d’une telle option qui s’appuie sur les projets des habitants eux-mêmes.