Le NIMBY, une question de peurs, qui affecte moins les jeunes que les babyboomers
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Plan de l'article
Alors que la densification douce fait son entrée dans la politique du logement du gouvernement de Gabriel Attal, je vous propose d’aborder les grandes questions qui ont été posées, ces dernières années, au sujet de la densification douce et de la densification pavillonnaire, ainsi que les premiers éléments de réponse qui proviennent :
Les résultats de ces travaux ont notamment été exposés lors du colloque Organic Cities, organisé les 18 et 19 janvier 2024 par Villes Vivantes, l’OFCE et Sciences Po.
La première question qui vient à l’esprit de chacun est le plus souvent la suivante : la densification douce peut-elle aussi bien fonctionner dans les territoires détendus (avec des prix immobiliers et fonciers bas voire très bas) que dans les territoires tendus ?
On observe en effet des particuliers qui font construire dans leur jardin de façon « spontanée » dans nombre de territoires « tendus » qui n’en n’ont pas interdit la possibilité : la valeur importante des terrains à bâtir, conséquence de leur rareté, constitue une motivation évidente qui pousse les propriétaires, mais aussi des professionnels (agents immobiliers, marchands de bien), à mettre cette option sur la table au moment d’une vente.
Mais en secteur détendu comme dans les Vosges Centrales, où la valeur d’un terrain à bâtir issu d’une division parcellaire dépasse rarement les 20 ou 30.000€, les propriétaires sont-ils, eux aussi, prêts à partager leur propriété ?
L’expérimentation conduite depuis 2017 par Villes Vivantes et le SCOT des Vosges Centrales, toujours en cours, permet de répondre par l’affirmative : 1 066 projets de logement ont été co-conçus avec des ménages de ce territoire rural pour l’essentiel, dont 237 ont, à ce jour, poursuivi jusqu’à obtenir l’autorisation d’urbanisme idoine, en BIMBY (constructions sur un terrain déjà bâti) ou en BUNTI (reconfigurations du bâti existant, et sortie de vacance) : pour une large part, les travaux sont achevés ou en cours et les autres continuent de faire l’objet d’un accompagnement.
Comme l’illustre cet article de Vosges Matin, le motif du confort, dont la notion est propre à chacun, dépasse largement la question financière, si bien que la motivation des particuliers à reconfigurer et partager leur parcelle existe bel et bien en secteur détendu comme en secteur tendu !
Si la faible valeur du foncier n’est pas un frein aux projets, le principal obstacle est-il dès lors de nature réglementaire ? Faut-il changer les PLU(i) pour favoriser et généraliser la densification douce ?
Notre expérience nous montre :
En Ile-de-France et dans le Sud Est en particulier, qui sont des régions dans lesquelles la pression foncière est historique, on trouve depuis des décennies des règles relativement sophistiquées qui visent à augmenter, directement ou indirectement, la taille de terrain nécessaire pour qu’une construction soit possible.
A l’origine, nombre de communes assumaient pleinement des tailles minimales de terrain importantes : c’était une façon de garantir à leur population un rang social.
Pour limiter l’étalement urbain, et favoriser la densification des espaces bâtis, la loi ALUR de 2014 a supprimé les règles du COS et du minimum parcellaire. Mais les communes des secteurs tendus ont eu tôt fait de les remplacer par des règles équivalentes, mobilisant les coefficient d’emprise au sol et de pleine terre, le stationnement, les règles de hauteur, de retrait par rapport aux voies et limites voisines, et même des règles plus sophistiquées que je prendrai le temps de détailler demain !
Retenons qu’en secteur tendu, on dispose en 2024 de moins de possibilités de densifier (et donc de réaliser le ZAN) qu’il y a 10 ans.
Je vous propose d’examiner les types de « freins réglementaires » à la densification douce :
A/ Le 1er type de frein est celui des règles intentionnellement écrites pour interdire les constructions nouvelles dans les jardins :
B/ Le 2e type de frein résulte du cumul de plusieurs règles qui aboutit à l’impossibilité de construire ou d’agrandir : en particulier les retraits obligatoires par rapport aux voies, aux limites latérales et de fond de parcelle, qui peuvent prendre des valeurs très importantes, auxquels s’ajoutent les coefficient d’emprise au sol, de pleine terre et les règles de stationnement.
C/ Le 3e type de frein est celui des règles qui n’aboutissent pas à l’impossibilité de bâtir mais orientent les projets dans des configurations qui ne sont pas les plus heureuses du point de vue du voisinage, des vis-à-vis, de l’ensoleillement, ce qui peut conduire les ménages à renoncer (interdictions de construire en limite essentiellement).
D/ Le 4e type de frein est celui des règles dont l’interprétation est « qualitative » et qui donnent lieu parfois à des décisions jugées comme discrétionnaires par les pétitionnaires. Ce sont aussi des points d’appui pour la « négociation » du projet, telle qu’elle peut se pratiquer.
E/ Dans un 5e cas, les règles offrent des possibilités, mais celles-ci sont niées en amont de l’instruction par les élus et services qui affirment, pour intimider les porteurs de projet, que des projets d’extension ou de construction seront « de toute façon refusés ».
F/ Le 6e type de frein, ce sont des règles orales qui sont « inventées » pour des raisons politiques ou pratiques, comme celle du « minimum de terrain » encore en usage dans le Sud Ouest (à l’oral) malgré sa suppression par la loi ALUR de 2014.
Pour mettre en place une densification douce qualitative, mais aussi significative d’un point de vue quantitatif, ajuster les règlements d’urbanisme, ou pouvoir y déroger partiellement, est nécessaire mais pas suffisant.
Gabriel Attal, dans son intervention du 14 février 2024 sur le logement, a ainsi annoncé que le gouvernement envisage de « donner des autorisations aux maires sans avoir à modifier leur plan local d’urbanisme ».
On sait, en effet, que modifier ou réviser un Plan Local d’Urbanisme est un processus particulièrement long et complexe, et que les documents en vigueur sont le fruit d’un travail, et d’une négociation technique et politique de longue haleine.
Et le 1er Ministre de poursuivre : « chaque mètre carré compte et on va considérablement simplifier les procédures pour que ceux qui le souhaitent puissent construire un logement supplémentaire sur leur terrain ».
Autoriser les pétitionnaires à déroger à certaines des règles des PLU(i), dans le cas d’un projet de création d’un logement supplémentaire sur un terrain déjà bâti, est sans doute une voie à explorer, en particulier :
Faut-il mettre en place une telle dérogation à l’échelle nationale dans des territoires répondant à certains critères, ou permettre aux élus locaux volontaires de les mettre en place par une procédure simplifiée ? C’est un sujet qui mérite réflexion.
Mais au-delà de l’assouplissement réglementaire, notre expérience et nos travaux de R&D nous montrent que l’accompagnement technique de la densification douce est un ingrédient essentiel pour en faire un outil à la fois significatif d’un point de vue quantitatif et satisfaisant d’un point de vue qualitatif.
En secteur détendu, comme dans les secteur tendu pour les projets complexes – et ils le sont tous dès que le terrain est petit – si le PLUi autorise les projets, c’est ensuite l’incapacité des porteurs de projet à se projeter, à concevoir et modéliser les options qui leur permettraient de mieux configurer leur lieu de vie, qui constitue le verrou suivant.
Les économistes Bernard Coloos et Bernard Vorms arrivent aux mêmes conclusions.
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