Le lierre : protecteur ou destructeur des murs ?

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5 min de lecture  |  Publié le 02/10/24

@sedkialimam | Unsplash.com

Le lierre ne dégrade que les murs déjà dégradés et tend, au contraire, à protéger ceux qui sont en bon état.

Le lierre commun, Hedera helix en latin, est une plante que nous connaissons tous.

Symbole d’immortalité avec son feuillage persistant épais et luisant que les saisons n’affectent pas et sa vigueur peu commune parmi les quelques lianes que compte l’hémisphère Nord (il peut grimper jusqu’à plus de 20 mètres de hauteur). C’est aussi un habitué de nos jardins que l’on rencontre en couvre-sol, taillé en topiaire ou grimpant dans les arbres ou encore une plante d’intérieure très résistante et versatile.

Bref, le lierre fait partie de notre quotidien au point qu’on ne lui porte plus beaucoup d’attention… sauf notamment lorsqu’il prend la liberté de partir à la conquête de bâtiment où on ne l’attendait pas. Il est ainsi courant de le voir couvrir des bâtiments en ruines, à tel point que l’on peut se demander légitimement s’il ne serait pas en cause : ses racines pénètreraient dans les interstices puis désolidariseraient les pierres et abîmeraient les enduits.

C’est en partie exact mais c’est aussi une généralisation hâtive. Les travaux1 de Historic England en collaboration avec l’université d’Oxford, conduits entre 2006 et 2015 à travers, notamment, des études empiriques ont permis d’objectiver les idées reçues et apporte un éclairage précieux — et parfois contre-intuitif — sur l’impact du lierre sur les murs sur lesquels il se développe.

La question de la dégradation est au cœur des préoccupations des travaux d’Historic England (anciennement English Heritage), dont le rôle est de protéger les monuments historiques anglais et de conseiller les collectivités locales en matière de gestion du patrimoine. Les dix années d’observation et d’analyse sur un vaste panel de sites et sur des murs d’essais aboutissent aux conclusions suivantes.

Le lierre ne dégrade que les murs déjà détériorés

Les jeunes tiges de lierre s’attachent aux murs et grimpent par l’intermédiaire de radicelles aériennes. La fixation est remarquablement forte — par des moyens physiques et chimiques — mais reste entièrement superficielle : les radicelles aériennes ne pénètrent pas dans les matériaux auxquels elles sont attachées et n’en extraient ni l’humidité ni les nutriments et il en va de même pour le lierre poussant sur les troncs d’arbres.

Le potentiel de dommages causés par le lierre aux murs est lié à leur état. Le lierre ne peut pas percer activement les murs, mais il peut causer des problèmes lorsqu’il pousse dans des défauts existants comme des trous ou des fissures. Les dégâts les plus importants se produisent généralement lorsque le lierre s’enracine dans les murs — phénomène peu courant mais qui peut être stimulé lorsque les pousses entrent en contact avec l’obscurité, l’humidité et les matériaux altérés (protosol) dans des murs déjà détériorés.

La pratique courante consistant à tuer le lierre en le coupant à sa base peut également stimuler l’enracinement et cette pratique n’est plus recommandée lorsque la plante pousse déjà dans des cavités existantes.

Au contraire, il tend à protéger les murs en bon état

Dans le cas de murs qui ne présentent pas de dégradations, le lierre s’avère très efficace pour réduire les extrêmes de température et d’humidité ainsi que la fréquence et l’ampleur des variations qui peuvent autrement contribuer à la détérioration des maçonneries. Le lierre réduit également la fréquence, la gravité et la durée des épisodes de gel qui endommagent les matériaux vulnérables.

Par ailleurs, le feuillage du lierre est un piège efficace pour les particules fines en suspension dans l’air. Il réduit la quantité de pollution atteignant la surface des murs qui contribue à la salissure et à la dégradation chimique. L’influence du lierre sur les salissures biologiques (les algues vertes, par exemple) est probablement moindre mais le couvert de lierre peut limiter le verdissement des murs par effets d’ombrage.

Enfin, l’influence du lierre sur la teneur en humidité des murs est complexe et il n’existe pas de réponse simple à la question de savoir si sa présence l’augmente ou la diminue. De ce point de vue, son impact est variable selon les matériaux de construction, l’emplacement du bâtiment, sa hauteur et l’orientation des murs. Toutefois les mesures prises sur le long terme sur les murs d’essais ont démontré que l’humidité de leurs surfaces se situait dans les plages de variations causées habituellement par les conditions météorologiques saisonnières, aboutissant à la conclusion que l’impact du lierre sur l’humidité de surfaces des murs est négligeable.

En résumé, le lierre peut bel et bien causer des dommages aux murs mais seulement lorsque ces derniers sont déjà significativement détériorés. Il ne représente donc aucun danger pour les bâtiments récents ou bien entretenus et contribue même à les protéger de la pollution et des outrages du temps. Ces résultats s’ajoutent au fait que les plantes grimpantes comme le lierre ou la vigne vierge permettent de verdir nos villes facilement et d’offrir des ressources pour la biodiversité en ne consommant que très peu d’espace et d’eau et possèdent, en outre, la faculté d’améliorer notre confort thermique. C’est donc une nouvelle raison de faire appel aux plantes grimpantes pour végétaliser nos murs, notamment en milieu urbain dense.


Notes :

  1. Martin Coombes, Heather Viles & Alan Cathersides, Ivy on Walls, Historic England, Research Report Series no. 30–2017, avril 2018.

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