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Alain Bertaud, ancien urbaniste en chef à la Banque mondiale pendant près de 20 ans, a conseillé de nombreux pays en développement sur la planification urbaine, l’aménagement du territoire et les politiques de transport, en mettant l’accent sur l’intégration des principes économiques dans les stratégies urbaines.
Lors d’une conférence inaugurale sur le futur des villes africaines donnée à l’ Africa Urban Lab en décembre 2024, Alain Bertaud a pris l’exemple d’un petit immeuble situé à Hanoï, au Vietnam, dont chaque étage répond aux différents besoins, professionnels et personnelles de sa propriétaire, entrepreneuse et créatrice de mode.
Il démontre à travers cet exemple comment il est très difficile, pour un urbaniste, de connaître les besoins organiques des ménages qui vivent dans les villes qu’ils planifient, et attire notre attention sur l’effet des règlements d’urbanisme : certaines normes de construction assurent la sécurité des personnes, par exemple, quand d’autres autorisent ou empêchent le développement de certaines options spatiales.
Ces deux types de règles ne sont pas de même nature.
Bien sûr, le cas pris en exemple par Bertaud se situe aux extrêmes
: il est plus didactique qu’exemplaire (même si le cas n’est pas rare du tout à Hanoï et que, le long des axes passant en particulier, ces immeubles très fins et élancés donnent une silouhète tout à fait particulière à la ville). Il illustre très bien les arbitrages que peuvent opérer les ménages pour répondre à leurs propres besoins, lorsque ils ont des degrés de liberté disponibles : les habitants opèrent des choix sous contrainte et aucune solution n’est idéale. C’est de cette façon seulement que l’on peut comprendre pourquoi ces petits immeubles vietnamiens en viennent à être érigés.
Si ces degrés de liberté disponibles n’ont pas nécessairement à être infinis – comme le recommande Alain Bertaud – il n’en demeure pas moins que :
1/ nous pratiquons souvent l’extrême inverse en France, par exemple ici à Bordeaux, où les personnes sont contraintes de déménager dans le périurbain car elles ne peuvent pas surélever leur rdc qui fait pourtant face au tram…
2/ même lorsque nous souhaitons donner des possibilités d’adaptation, dans nos règlements d’urbanisme, celles-ci sont souvent très insuffisantes lorsque l’on prend en compte toutes les contraintes qui pèsent sur les opérations, les contraintes économiques en particiulier.
Cette incapacité du planificateur à connaître les besoins et les contraintes réelles des acteurs de terrain, dont les habitants eux-mêmes, est une dimension fondamentale à prendre en compte dans le travail de planification et de régulation, la question étant moins de savoir s’il faut plus ou moins de règles, de façon générale (et on comprends que l’une ou l’autre de ces deux positions soit tentante …) mais plutôt de déterminer celles qui doivent être très strictes, intangibles, et celles qui doivent être plus légères et ouvertes, afin de proposer des degrés de liberté plus importants voire abondants.
Voici l’un de mes bâtiments préférés à Hanoï, qui a bénéficié du fait qu’aucun urbaniste n’ait essayé d’imposer de règles strictes sur le nombre d’étages autorisés ou la hauteur maximum des bâtiments.
Ce bâtiment a suscité ma curiosité et j’y suis donc entré. C’est une femme qui possède une maison de couture. Les deux premiers étages sont consacrés à la présentation et à la vente de ses pièces. Au troisième, elle a un atelier où les couturiers fabriquent les modèles, le quatrième étage lui sert d’espace de stockage et elle vit avec sa famille dans les deux derniers étages.
Un ingénieur vous dira qu’un tel bâtiment est inefficace car insérer un ascenseur et un escalier au sein d’une si petite surface est absurde. Mais elle voulait tout avoir dans un même bâtiment.
L’autre solution aurait été de déménager du centre ou d’acquérir un autre bâtiment. Mais l’acquisition d’un tel bâtiment peut s’avérer difficile. Cela peut prendre du temps.
Cette femme a donc choisi l’option qui répondait le mieux à ses besoins en surélévant son magasin. Et aucun urbaniste ne sait de combien d’espace une femme qui dessine des robes a besoin.
Il faut donc respecter cela. Elle crée de la richesse pour la ville.
L’usage de l’espace et du foncier devrait, comme c’est le cas ici, être laissé au libre choix du consommateur.
La qualité des matériaux de construction devrait faire l’objet d’une réglementation et un inspecteur devrait être chargé de procéder à des vérifications. Tout comme cela devrait être pour les risques incendies ou pour le respect des normes pour l’ascenseur afin qu’il ne soit pas dangereux.
Je ne suis pas opposé à ce type de réglementation.
Mais ce type d’utilisation du sol correspond à l’optimisation du travail d’une personne dont nous, en tant que professionnels, n’avons aucune idée.
Nous ne pouvons pas lui dire qu’elle a tort, parce qu’elle connaît son métier mieux que nous.
Il s’agit donc d’une sorte de conception spontanée, mais aussi d’une véritable conception ascendante.
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