Les grands ensembles ont été conçus par l’État et des architectes de renom pour durer… Et nous continuons de les démolir à grands frais.
En Ile-de-France, les lotissements illégaux
des années 1920
Le fabuleux destin des lotissements informels d’Ile-de-France
, développés de façon informelle, sans urbanistes, constituent un cadre de vie aujourd’hui recherché et ultra protégé.
Comment expliquer ce triple paradoxe ?
1. Celui de l’urbanisme ultraformel
Après 1945, la France fait face à une crise du logement aiguë : insalubrité, surpopulation, exode rural et croissance démographique. L’État réagit en lançant le plan des grands ensembles dans les années 1950.
L’objectif : construire massivement en standardisant, en rationalisant
.
Des architectes de renom sont mobilisés, dont des Grands Prix de Rome : Eugène Beaudouin (Cité de la Muette, Drancy), Émile Aillaud (Tours Nuages, Nanterre), Gérard Grandval (Choux de Créteil).
Mais dès les années 1970, le modèle vacille.
Quelques temps plus tard : les démolitions et restructurations massives que nous connaissons commencent.
2. Celui de l’urbanisme informel
Années 1920 : face à une autre crise du logement, des terrains agricoles en périphérie sont divisés et vendus à bas prix, sans voirie ni réseaux, tout autour de Paris, qui logeront 400’000 habitants à la fin des années 1920, et 700’000 personnes à la fin de l’entre-deux-guerres.
Ces quartiers échappent à la loi Cornudet (1919), censée encadrer l’urbanisation.
Contrairement aux grands ensembles, ils ne sont ni pensés par des experts ni optimisés. Ils sont bâtis et évoluent en fonction des besoins.
Régularisés dès 1934, puis viabilisés après-guerre, ce sont aujourd’hui des quartiers résidentiels prisés que l’on cherche à protéger.
Au point que l’on y interdit désormais quasiment toute évolution, toute densification !
3. Celui du rapport des urbanistes et des architectes à ce qui échappe à notre capacité de planification et de rationalisation : notre rapport au vivant
Un siècle plus tard, les mal lotis sont non seulement une réussite mais ils présentent, surtout, un formidable potentiel pour la suite. En 100 ans ils ont acquis progressivement une densité qui demeure tout à fait légère : entre 15 et 20 logements à l’hectare, dans l’exemple ci-dessous, à Montfermeil.
Au même rythme, cette densité peut doubler dans les 100 années qui viennent en demeurant tout à fait villageoise (entre 30 et 40 logements à l’hectare), si nous engageons des opérations de densification douce
Antifragilité : saviez-vous que la densification douce peut être fragile ou antifragile ?
à un rythme de 1%/an.
Si nous estimons que les besoins à satisfaire en Ile-de-France sont urgents, nous pouvons aller plus vite et doubler cette densité en 50 ou 40 ans (2,5%/an).
A l’échelle de l’Ile-de-France, si nous ne figeons pas
La mise sous cloche du tissu pavillonnaire n’est pas soutenable
, par des règlements de PLU, ces possibilités d’évolution, et si nous engageons l’ingénierie nécessaire pour accompagner la densification douce, c’est un potentiel de 35’000 nouveaux logements/an.
Soit la moitié des besoins estimés à 70’000/an.