La rigueur scientifique n’est pas le seul moteur des découvertes dont nous aurons besoin

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3 min de lecture  |  Publié le 14/07/2023 sur | Mis à jour le 30/05/23

« Ingénieurs, camarades, la France attend de vous de la rigueur scientifique, et non du dogmatisme »

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Nicolas Ott & Alain Grandjean  | linkedin.com

Dans une tribune publiée le 6 juillet 2022, Nicolas Ott et Alain Grandjean exhortent leurs camarades ingénieurs à faire preuve de rigueur scientifique et non de dogmatisme. Ce faisant, ils ciblent les discours critiques à l’encontre d’une nouvelle génération qui questionne, non sans raison, l’utilité de la science et du progrès technique.

Une opposition d’ordre moral ?

Si l’on en croit les discours des jeunes diplômés, il y aurait d’un côté les “bons” qui accepteraient les “faits”, se préoccuperaient des limites physiques de la planète, et de l’autre les “mauvais” industriels et fabricants qui ne jureraient que par la croyance en la “technique” et la “croissance”

A l’inverse, si l’on suit les critiques de l’ancienne génération, il y aurait d’un côté les “bons” qui seraient dans la recherche de «solutions», et de l’autre les “mauvais” qui passeraient leur temps à contempler leurs “états d’âme”

Un débat de philosophie des sciences et d’épistémologie pratique

  1. Certains “croient” en “la science”, dans la rigueur de la pensée scientifique, avant son application technique ou technologique. Pour eux, le “salut” viendra d’une plus grande rigueur scientifique !

    Lorsque Nicolas Ott et Alain Grandjean, vous écrivez “Retrouver la rigueur de la pensée scientifique, sans oublier la profondeur de la philosophie et la beauté de l’art”, vous montrez bien comment, dans votre vision, l’art et la philosophie ne sont que des “compléments”, sans lien avec “la science”.
  2. D’autres “croient” dans l’action, l’invention, la fabrication, la recherche et développement, la prise de risque.

    Il est vrai que les inventions et les découvertes ne sont pas de simples “applications” ou “déductions” des théories scientifiques. Si elles ont comme ingrédients la rigueur scientifique, elles font aussi appel à d’autres qualités humaines : courage, persévérance, créativité, dogmatisme parfois, irrationalité, art et poésie.

    Mais il est vrai aussi que c’est une version réduite, simplificatrice et matérialiste voire scientiste (qui recherche l’apparence de la science, à l’instar de l’IA) de cette activité humaine – l’invention – qui a prédominé ces dernières années (la 5G en est un parfait symbole).
  3. Nous pourrions, je crois :

    🔸 débattre dans un cadre plus large, qui englobe le premier point de vue, qui a le mérite d’avoir les pieds sur terre, et le second, qui a le mérite de savoir nous motiver à tirer le meilleur du génie humain,

    🔸 mais aussi cesser de faire de la “science” (dans sa version théorique, ou dans sa version technologique) la seule boussole du salut (laissons cela à la morale ?).

Elargir la notion de technologie pour comprendre l’organisation de nos sociétés

Nous pourrions utiliser une version compréhensive du concept de “technologie” pour décrire la façon dont nos société humaines s’organisent et réalisent certaines choses. Et donc la façon dont elles peuvent se transformer.

En ce sens :

  • Le co-voiturage est une “technologie”.
  • Le train en est une autre.
  • Les deux sont des “inventions”.
  • Les deux créent et reposent sur des “usages”.
  • Les deux sont un “art”.
  • Les deux mobilisent la rigueur de la pensée scientifique.
  • Les deux créent une “culture”.
  • Les deux reposent sur des “croyances” et des “valeurs”.
  • L’une n’est pas plus “low” ou “high” tech que l’autre.
  • Elles sont simplement de nature différente.
  • Et elles ont des impacts qui peuvent être objectivés.