Nous avons tous vécu cette sensation, à la fois étrange et agréable… Marcher dans une rue quelconque et, soudain, ralentir devant une entrée…
Nous sommes retenus par un lieu qui semble nous murmurer quelque chose.
Cet appel, chacun semble porter en soi la faculté de l’entendre. Et certains artistes savent s’en saisir, l’exprimer, nous le transmettre.
Bachelard l’a mise en poésie.
Et voici que Thierry Lechanteur, domptant l’IA comme peu savent le faire, parvient à nous le dépeindre.
Ses productions sont chaleureuses, presqu’aguicheuses… Un comble, lorsque nous constatons les difficultés que nous rencontrons à recréer ces qualités dans nos opérations d’urbanisme…
Voici le problème : nous savons reconnaître cet appel, ces qualités. Nous savons les représenter. Mais nous ne savons plus les construire.
Regardons d’un peu plus près.
1. Le seuil : là où commence l’hospitalité
Depuis cinquante ans, Jan Gehl1 nous rappelle que la vie urbaine naît à la lisière de nos bâtiments : dans ces quelques centimètres
Emboitements et ornements : la fractalité du bâti, jusqu’à l’infiniment petit
où l’espace public épouse l’espace privé.
Quelques pots, deux marches, un débord, un halo de lumière, une chaise qui attend quelqu’un.
Gaston Bachelard2 nous a dépeint comment les espaces les plus modestes (une niche, une alcôve, un recoin) sont les meilleurs vecteurs de la rêverie de la maison
.
Christopher Alexander3 considérait, quant à lui, qu’une porte n’est réussie que lorsqu’elle devient un endroit où l’on peut s’attarder
« WINDOW PLACE »
.
Tout ceci se voir clairement dans cette image.
2. L’ornementation ordinaire : ou comment se sentir presque chez soi chez les autres
Nos opérations neuves sont dominées par des façades épurées.
Cette peinture nous parle de l’exact contraire.
Une plante qui s’incline.
Un mur marqué par le temps.
Des livres qui débordent, comme s’ils cherchaient à ce qu’on les prenne.
Jane Jacobs4 parlait de ces signes faibles
qui signalent qu’un lieu est habité, chéri.
Whyte5 observait que les gens s’arrêtent là où ils perçoivent les indices d’une présence, d’une chaleur, d’une attention.
Des signes faibles, parfois un simple décor, mais d’une force incroyable
L’expérience enveloppante de la fractalité du bâti
: ils disent que quelqu’un vit là, que l’on peut s’arrêter sans risquer de gêner, que l’on peut entrer sans risquer de se tromper, et que l’on peut prendre le temps d’observer sans passer pour un malotru.
Pour Whyte, ces lieux, ces seuils, ces décors, sont des invitations tacites
.
3. Réapprendre
Dans 90% de nos rez-de-chaussée neufs (et en particulier dans nos aquariums
) nous ne parvenons pas à créer cet appel, ces invitations.
Cet effet aquarium qui handicape nos linéaires commerciaux : ce que dit la recherche
Nous savons les reconnaître, et comprendre ces qualités qui nous attirent.
Mais notre monde réel n’est pas une peinture.
Il est social.
C’est pourquoi nous allons devoir réapprendre, non pas simplement à construire cet appel, mais à le rendre possible.
Notes :
- Gehl, J. (2011). Life between buildings. Washington, DC : Island Press.
- Bachelard, G. (1957). La Poétique de l’espace. Paris : Presses Universitaires de France.
- Alexander, C. (1977). A pattern language: Towns, buildings, construction. New York, NY : Oxford University Press.
- Jacobs, J. (1961). The Death and Life of Great American Cities. New York, NY : Random House.
- Whyte, W. H. (1980). The social life of small urban spaces. New York, NY : Project for Public Spaces, Inc.













