Vous souhaitez convenir, entre voisins, d’un droit de passage pour desservir le fond de parcelle ? Vous trouvez votre pièce de vie trop sombre, et vous souhaitez construire ou négocier l’autorisation de créer une ouverture que le document d’urbanisme ne permettrait pas pour éclairer et aérer la pièce ? En définissant la charge imposée au fonds servant pour le profit du fonds bénéficiaire, dit fonds dominant, les servitudes de droit privé peuvent être d’une grande utilité. Elles permettent d’encadrer et de créer les conditions qui rendront possible un projet immobilier.
Comment mettre en place une servitude ? Celle-ci s’appliquera-t-elle à mes héritiers ? Comment pourrai-je y mettre fin ?
Il existe deux voies pour créer une servitude de droit privé : elle peut être acquise de plein droit ou par convention comme le définit l’article 639 du Code civil : une servitude « dérive ou de la situation naturelle des lieux, ou des obligations imposées par la loi, ou des conventions entre les propriétaires ».
1. Servitude par convention
Une servitude conventionnelle est créée de façon facultative : il s’agit d’un accord amiable, négocié entre les parties pour leur confort respectif. Dans ce cas, la servitude est acquise par titre.
L’acte qui établit une servitude par convention doit être reçu par un notaire. Ce dernier, en publiant l’acte au service de la publicité foncière, le rendra opposable aux tiers.
Attention, dans le cas où les signataires ne déposeraient pas l’accord chez le notaire, celui-ci ne sera valable que pour les propriétaires signataires et non pour les acquéreurs futurs. Un accord signé, mais qui n’a pas fait l’objet d’une publication au service de publicité foncière relève uniquement du droit des personnes et ne sera pas opposable aux tiers.
Lors de la vente d’un terrain à bâtir issu d’une division parcellaire, des servitudes conventionnelles peuvent être négociées entre les parties, puis rédigées et annexées par le notaire à l’acte de vente.
👉 Exemple :
Un propriétaire de maison individuelle souhaite vendre le fond de son jardin comme lot à bâtir. Il peut créer une servitude de passage, grevée à la parcelle mère – qui sera alors fonds servant -, au profit de la parcelle fille destinée à être vendue – qui sera fonds dominant – dans le but de la désenclaver. Dans ce cas, le propriétaire de la maison existante (fonds servant) conclu un accord par convention avec le propriétaire du lot à bâtir créé (fonds dominant), qui acquiert la servitude de passage par titre.
2. Servitude de plein droit
Contrairement aux servitudes par convention, une servitude de plein droit peut être acquise de plusieurs manières : elle peut être légale, naturelle, acquise par usage trentenaire ou encore par destination du père de famille.
2.1. Servitude par destination du père de famille
La servitude par destination du père de famille s’impose de par la configuration de la division.
Lors d’une donation, d’une vente ou d’une succession, un terrain peut être scindé en deux, et une servitude peut en naître et s’imposer de façon incontestable de par la configuration de la division.
Dans ce cas, la servitude est acquise par titre : « la destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes continues et apparentes » (Art. 692 du Code civil).
Attention, l’acquisition d’une servitude par destination du père de famille ne concerne que les servitudes continues et apparentes. Les servitudes concernées peuvent être la servitude de vue, de débord de toit, d’écoulement des eaux, de jour, de plantations …
👉 Exemple :
Un propriétaire de maison individuelle souhaite diviser son terrain en bande, au niveau de l’un des murs latéraux de sa maison, afin de construire sur la parcelle détachée une maison implantée sur les deux limites latérales pour un proche. Dans ce cas, la nouvelle maison et l’ancienne maison deviennent mitoyennes de par la configuration de la division. Le toit de la maison, dont l’une des pentes donne sur la parcelle fille, déborde et surplombe la maison neuve. Une servitude de débord de toit par destination du père de famille s’impose à la parcelle détachée, qui est alors fonds servant, au profit du fonds dominant qui acquiert la servitude par titre.
En effet, le débord de toit peut être continuel sans nécessiter d’intervention humaine et se matérialise par un ouvrage extérieur qui le rend visible.
2.2. Servitude par usage trentenaire
La servitude par usage trentenaire s’obtient de droit au bout de 30 ans d’usage. Dans ce cas, la servitude est acquise par prescription. On dit aussi qu’il s’agit de prescription acquisitive ou encore usucapion.
Attention, l’acquisition d’une servitude par usage trentenaire ne doit pas être contraire à l’ordre public (Art. 696 du Code civil) et ne concerne que les servitudes continues et apparentes (Art. 690 du Code civil).
En cas de litige, la difficulté est de faire preuve de l’existence de la servitude en question pendant au moins 30 ans.
👉 Exemple :
Un propriétaire plante une haie en bordure de propriété, dans la bande des 50cm dans laquelle les plantations sont proscrites par le code Civil (Art. 671). Le voisin direct, gêné par cette haie, peut demander à ce qu’elle soit arrachée (selon l’article 672 du code Civil). Cependant, si cette haie a été plantée il y a plus de trente ans, son propriétaire peut faire valoir une servitude de plantation par usage trentenaire qu’il acquiert alors par prescription. La parcelle voisine, fonds servant, est assujettie à la charge de cette servitude continue et apparente (Cass. civ. 3e du 3.4.12, n° 11-12928)
2.3. Servitude légale
La servitude légale s’obtient de droit. Le code Civil institue un certain nombre de droits fondamentaux qui constituent des servitudes établies par loi, qui s’imposent de fait à tous les fonds (Art. 649 à 685-1 du Code civil). Par exemple : le jour, la vue, le désenclavement …
2.4. Servitude naturelle
La servitude naturelle s’obtient de droit de par la configuration des lieux (Art. 640 à 648 du Code civil). C’est par exemple cas d’une servitude d’écoulement naturel des eaux de ruissellement sur un terrain (Art. 640 du code Civil), qui découlerait directement de la disposition de celui-ci vis-à-vis de la topographie dominante d’un terrain voisin.
3. Comment défaire une servitude ?
Toute servitude est en principe perpétuelle ; elle est accessoire à la propriété qu’elle grève et le suit en quelques main qu’il passe. Elle peut être modifiée par acte authentique.
Toutefois, il existe des moyens de mettre fin à une servitude de droit privé. Une servitude peut être supprimée par un accord amiable entre les parties ou par constat du juge. Elle peut également être prescrite lorsqu’elle devient impossible à utiliser, que les fonds se réunissent, qu’elle n’est pas utilisée pendant trente ans, que le fonds dominant y renonce ou encoure lorsque l’un des fonds disparait.
La servitude de passage en cas d’enclave est protégée et ne peut être supprimée, excepté si un autre accès à la voie publique est créé.
Par ailleurs, les parties peuvent prévoir que la servitude soit temporaire, par convention lors de son établissement.