Les règles d’urbanisme de ma commune sont-elles impactées par les servitudes de droit privé ?

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8 min de lecture  |  Publié le 08/03/24

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Je viens d’acheter un terrain grevé de servitudes pour y faire bâtir une maison. Avant de démarrer mon projet, comment savoir si les servitudes attachées à mon terrain vont avoir un impact sur l’instruction des règles d’urbanisme relatives à mon projet ?

Quels sont les documents réglementaires qu’il faut prendre en compte ? Comment les règles relatives aux servitudes s’articulent-elles avec les autres réglementations en matière d’urbanisme ? Certaines prévalent-elles sur d’autres ? A quelle juridiction dois-je me référer en cas de litige ?

Découvrez quelles sont les différentes règlementations qui peuvent s’appliquer à votre projet de construction et leur relation avec les règles de droit privé pour avancer sereinement dans l’élaboration de votre projet.

1. Quelles sont les règles d’urbanisme applicables dans ma commune ?

La plupart des projets immobiliers nécessitent une autorisation d’urbanisme pour être réalisés. L’objectif des autorisations d’urbanisme est de sanctionner le respect de légalité urbanistique (Art. L421-6 du Code de l’urbanisme).

Les autorisations d’urbanisme doivent respecter différentes législations prévues par le Code de l’urbanisme, les documents locaux d’urbanisme mais aussi d’autres règles, de portée urbanistique, présentes dans d’autres Codes, tel que le Code rural par exemple.

Il faudra alors veiller au respect de la législation visant la préservation du patrimoine, comme la protection des monuments historiques et de leurs abords, des Plan de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine (PVAP) et Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV).

Mais également des règlementations environnementales telles que les Plans de Prévention des Risques Naturels (PPRN) prévus par le Code de l’environnement (art. L562-1 et suivants).

2. Droit privé et urbanisme

Une autorisation d’urbanisme est délivrée sous réserve du droit des tiers (Art. A424-8 du Code de l’urbanisme). Cela signifie que le seul fait d’avoir obtenu un permis de construire ne suffit pas à être en règle avec toutes les législations, mais seulement avec celles mentionnées à l’article L421-6 du Code de l’urbanisme.
Il s’agit là du principe d’indépendance des législations.

C’est à dire, qu’au-delà des aspects cités à l’art. L421-6 du Code de l’urbanisme ( « l’utilisation des sols, de l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement et l’aménagement des abords »), il revient au pétitionnaire lui-même de d’assurer que son projet est conforme avec le Code civil, les servitudes de droit privé éventuelles et les autres législations (Code rural, Code du patrimoine, Code de l’environnement, …).

En effet, théoriquement le service instructeur est tenu d’ignorer les règles de droit privé dans le cadre de l’instruction d’une autorisation d’urbanisme.

Par ailleurs, la constitution d’une servitude de droit privé ne dispense pas de l’obtention d’une autorisation d’urbanisme si cette dernière est requise pour les travaux envisagés.

En savoir plus : 📰 Voir et être vu : tout comprendre aux servitudes de vue et de jour

2.1. Quelle hiérarchie entre PLU et servitude de droit privé ?

Le projet ne pourra faire valoir une constructibilité plus permissive que celle prévue par les documents d’urbanisme applicables.

Attention, il est possible de mettre en place une servitude de droit privé plus tolérante que le PLU en vigueur. Mais celle-ci ne s’appliquera que dans la limite des règles du PLU.

En cas d’évolution des règles PLU vers des règles plus permissives, la servitude perdurera et pourra ainsi être mise en œuvre.

Il ne faut donc pas faire abstraction du droit privé lors de la conception d’un projet : lorsque qu’il existe une ou plusieurs servitudes de droit privé plus restrictives que les règles d’urbanisme, ces servitudes prévalent.

Les servitudes de droit privé ne sont pas toujours visibles dans les titres de propriété ou dans les relevés d’état hypothécaire des fonds concernés. En effet, certaines servitudes sont dites légales, c’est à dire qu’elles sont directement prévues par le Code civil.

Le projet doit être également conforme au Code civil. Par exemple, en matière de vues, de jour et d’ouvertures, le Code civil prévoit des distances minimales à respecter entre les fenêtres et la limite de propriété.

En savoir plus : 📰 Comment créer une servitude de droit privé ?

3. En cas de litige, quels tribunaux saisir ?

3.1. Saisine du tribunal administratif

Un recours portant sur une décision administrative relative à une autorisation d’urbanisme (comme un refus ou une acceptation de permis de construire) doit être faite devant les tribunaux administratifs.

3.2. Saisine du tribunal judiciaire

En cas de violation d’une servitude de droit privé, les tribunaux civils sont compétents. La requête d’une personne lésée par la méconnaissance de dispositions de droit privé ne peut être reçue devant le juge administratif. Elle devra être entendue par le tribunal judiciaire.

3.3. Cas particulier

Toutefois, la Cour de cassation a arrêté que le juge judiciaire empiéterait sur la compétence du juge administratif s’il ordonnait la démolition de logements sociaux présentant le caractère d’ouvrage public, même si cette démolition fait suite à la méconnaissance d’une servitude de droit privé, en l’occurrence d’une servitude non aedificandi (Cour de cassation, 16 mars 2023, N°21-22.693).