Vers un Yes In My BackYard à la française ?

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4 min de lecture.  |  Publié le 18/09/2023 sur | Mis à jour le 21/09/23

No more NIMBYs: Inside the revolutionary battle to bring down home prices

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Eliza Relman et Kelsey Neubauer | businessinsider.com

Faut-il construire plus, dans les lieux stratégiques et bien desservis, pour faire baisser le coût du logement pour les ménages, notamment pour les étudiants et les actifs ?

C’est la thèse défendue par le mouvement YIMBY (pour Yes, In My BackYard)… mais pas seulement.

Développement de la pauvreté aux États-Unis : un stock de logements insuffisant dans les zones dynamiques ?

Début septembre 2023, Esther Duflo, économiste franco-américaine, professeure au MIT et au Collège de France, était interviewée par la chaîne Thinkerview. Celle qui est une experte reconnue sur le sujet de la lutte contre la pauvreté, et qui a reçu le « prix Nobel d’économie » en 2019, est interrogée au cours des premières minutes de l’interview sur le développement de la pauvreté aux USA, où elle enseigne et réside.

Une des principales causes évoquées par Esther Duflo est le prix exorbitant des logements dans les états et villes qui ont créé et qui continuent de créer des emplois, un prix beaucoup trop élevé qu’elle explique par une notion toute simple : un stock de logements largement insuffisant par rapport à la demande, dans ces lieux dans lesquels de nombreux américains ont besoin de résider pour travailler, et donc pour vivre.

Non pas un stock en valeur absolue à l’échelle du pays, mais un stock localisé, avec une géographie, celle de l’emploi.

Pour quelle raison ce stock est-il maintenu trop faible pour répondre à la demande ?

En raison des forces politiques du NIMBY (Not In My BackYard), qui interdisent de construire, de densifier, là où les entreprises et les actifs auraient besoin que soient construits de nouveaux logements.

Prix Nobel d
Thinkerview | 31/08/2023

Vers l’émergence d’un YIMBY à la française ?

On a vu poindre à nouveau, en cette rentrée de septembre 2023, dans les premières expressions publiques du nouveau ministre du logement en France, Patrice Vergriete, maire de Dunkerque, ce sujet du lien essentiel entre emploi et logement, qui sera l’une des clés de voûte de la politique de réindustrialisation.

C’est l’une des idées majeures défendues par le mouvement YIMBY, un mouvement citoyen (et bipartisan) qui progresse outre-Atlantique face aux forces politiques et historiques du NIMBY.

Un article très étayé du média américain Business Insider retrace l’émergence de ce mouvement qui appelle à la transformation de la législation afin de construire plus de logements dans les zones dynamiques. L’une des particularités du YIMBY est de rassembler aussi bien des Démocrates concernés par les enjeux climatiques et sociaux que des Républicains qui souhaitent diminuer les entraves réglementaires au rééquilibrage entre offre et demande de logements dans les secteurs tendus.

Mais même si le mouvement prend de l’ampleur, ses partisans anticipent la lenteur des transformations :

« Nous mettons fin à près d’un siècle de mauvaise politique, de politiques spécifiquement conçues pour limiter l’offre de logements, créer de la ségrégation dans nos villes, et favoriser l’étalement et il faut du temps pour défaire tout cela. »

« Aussi enthousiastes qu’ils soient par la montée de soutiens à tous les niveaux en faveur de l’abondance de logements, les militants du Yes In My Back Yard préviennent que la modification des lois, et la mise en œuvre des réformes, sont lentes. »

À l’heure du ZAN, la question de l’acceptabilité sociale de la densification (douce et forte) est amenée à devenir l’une des clés du service rendu par les villes, et l’aménagement du territoire, à l’économie du pays, et à ses habitants.

Voici d’autres extraits qui peuvent donner à réfléchir sur le contexte français :

« Aujourd’hui, près de 75% des terrains situés en zones résidentielles aux États-Unis sont réservés à l’habitat unifamilial, c’est-à-dire à des maisons individuelles conçues pour une seule famille. »

« Après avoir été mis en minorité pendant des années lors des réunions locales, les YIMBY ont commencé à utiliser les mêmes tactiques d’organisation locale que les NIMBY. »

« À une époque de polarisation politique extrême, la politique du logement rompt avec cette tendance. L’abondance de logements bénéficie d’un large soutien, avec des nuances certes, sur l’ensemble du spectre politique. »

« La construction de logements plus denses, en particulier à proximité des transports en commun, pourrait contribuer à lutter contre la crise climatique en créant des villes plus accessibles à pied et moins dépendantes de la voiture. »