Parmi les floraisons qui marquent l’arrivée du printemps dans les jardins, celle des glycines compte parmi les plus iconiques. Avec leurs lianes tortueuses à l’écorce lisse recouvertes de grappes de fleurs parfumées couleur améthyste, qui dégringolent en cascades un mois durant, la glycine est assurément une des plantes les plus spectaculaires que l’on connaisse dans nos jardins.
Celle que l’on rencontre le plus communément dans est la glycine de Chine (Wisteria sinensis1), elle fut introduite en Europe en 1816, arrivée en Angleterre. Initialement décrite en Europe sous le nom de Glycine sinensis par John Sims, c’est le botaniste Augustin Pyramus de Candolle2 qui procèdera à son transfert taxonomique vers le genre Wisteria en 1825, la renommant Wisteria sinensis3.
Son effet de rideaux de fleurs
au printemps, son charme exotique et sa capacité à donner à des structures architecturales l’apparence du naturel a très vite suscité un vif intérêt. Dès le début du XIXème siècle, les jardiniers européens — particulièrement en Angleterre, en France et en Italie — l’ont adoptée pour embellir les jardins en la cultivant sur des pergolas, treillis et façades.
Claude Monet l’utilisera plus tard pour son esthétique romantique dans son domaine de Giverny. Il immortalise son charme dans deux panneaux qui accompagnent ses compositions de Nymphéas que l’on peut admirer au musée national de l’Orangerie, ou encore son Etude de Glycines4, pièce maîtresse du musée d’Art et d’Histoire de la ville de Dreux.

Liane vigoureuse, la glycine de Chine est volubile, c’est à dire que ses tiges grimpent sur les supports à sa portée en s’enroulant de manière hélicoïdale et sinistrorse (dans le sens inverse des aiguilles d’une montre5).
Dans un sol fertile et bien drainé, avec une exposition ensoleillée et des apports d’eau réguliers, elle peut croître de 1 à 3 mètres par an… Une vigueur qui peut devenir envahissante et demande de la rigueur en maintenance pour éviter qu’elle n’étouffe d’autres plantes ou n’endommage les supports qu’elle colonise. Il faut lui prévoir un support solide et, en façade, la tenir éloignée des gouttières. Contenir son ardeur n’est pas compliqué : une taille de structure par an en fin d’hiver — en rabattant les pousses de l’année sur les branches charpentières que l’on souhaite conserver — suffit à limiter son expansion et à favoriser une floraison généreuse.
En matière de biodiversité urbaine, la glycine est appréciée des insectes (papillons, abeilles et guêpes) pour son nectar et conduite en façade, sa ramure avec son feuillage épais sont un refuge et un point d’alimentation pour les oiseaux
L’immeuble et l’oiseau : les autres usages de nos bâtiments
insectivores dont elle peut accueillir des nichés6.
Pour découvrir tous les usages et modes de maintenance possible de la glycine, le quartier de Monchat à Lyon est idéal. Situé dans le 3eme arrondissement, ce quartier de 200 hectares compte plus de 900 maisons. Il fut développé au XIXème siècle, sous l’impulsion de Jean-Louis Richard-Vitton qui lotit son vaste domaine pour créer un village résidentiel
Réinventer et généraliser le village
à l’abri des inondations du Rhône. En pleine période du japonisme et de l’art nouveau — dont la glycine fut un symbole -, ses habitants ont planté devant leurs maisons cette belle exotique comme signe d’accueil et d’identité.
Aujourd’hui, avec près de 400 glycines, Montchat est célèbre pour son festival annuel des Glycines qui a lieu en avril (du 3 au 27 avril pour l’année 2025) et qui offre une occasion unique de découvrir in-situ la variété des usages possible de la glycine au jardin et la variété d’espèces à cultiver (glycine de Chine ou du Japon, aux floraisons mauve, blanche ou rose).
Si d’aventure vous passez à Lyon un printemps, faites un détour par le quartier de Monchat : il offre un exemple inspirant, au-delà de ses glycines, et nous rappelle ce que les jardiniers, avec leur ingéniosité et leur patience, peuvent apporter
Transformer un petit jardin urbain de 200m² en havre de biodiversité : l’histoire d’une reconquête écologique
, parcelle par parcelle, comme contribution au cadre de vie, à la biodiversité et à la beauté que chacun peu apprécier librement depuis l’espace public.





Notes :
- Le genre Wisteria compte cinq espèces, nativement distribuées en Amérique du Nord, en Chine, au Japon et en Corée :
Wisteria sinensis (Sims) DC. — Glycine de Chine
Wisteria floribunda (Willd.) DC. — Glycine du Japon
Wisteria frutescens (L.) Poir. — Glycine américaine
Wisteria brachybotrys Siebold & Zucc. — Glycine à grappes courtes (Japon)
Wisteria japonica Siebold & Zucc. — Glycine japonaise - A propos du personnage, voir :
Augustin-Pyramus de Candolle,
botaniste en herbe - COMPTON, James. The genus Wisteria Nuttall : Leguminosae (Fabaceae). Curtis’s Botanical Magazine, 2015, vol. 32, no 3-4, p. 183-192. https://doi.org/10.1111/curt.12110
- Etude de Glycines, Claude Monet
N°Inventaire : 964.1.1 ; 286 - Chez d’autres espèces, cet enroulement peut être dextrorse (dans le sens des aiguilles d’une montre), comme chez Wisteria floribunda, la glycine du Japon.
- Chiquet, Caroline & Dover, J. & Mitchell, Paul. (2012). Birds and the urban environment: The value of green walls. Urban Ecosystems. 16. 10.1007/s11252-012-0277-9.