De hangar à habitat : l’art de la transformation architecturale au service du logement
L’agence LE BRIS-ROL architectes a métamorphosé un hangar industriel de 280 m² en une maison familiale lumineuse, fonctionnelle et inspirante
Crédit : Arnaud Boucheny
Arnaud Boucheny, écologue, nous partage l’expérience de la transformation du petit jardin urbain dont il prend soin depuis un peu plus de deux ans dans la Drôme. Récit de l’application pragmatique d’une approche du jardinage qui ménage écologie, esthétique et qualité d’usage au quotidien.
Pouvez-vous nous dire comment vous êtes devenu propriétaire de ce jardin et nous décrire ce à quoi il ressemblait lorsque vous l’avez découvert ?
Tout a démarré en 2022, quand je suis revenu en France après avoir vécu à l’étranger. Ce n’est pas mon premier jardin : j’ai eu l’occasion d’en avoir de plus grands — jusqu’à 5’000 m2 ! — et par déformation professionnelle
j’ai toujours eu pour habitude d’en laisser une grande part à la nature. Pour nous installer avec nos enfants dans la Drôme, nous avons orienté notre recherche de logement vers les secteurs plus urbains. C’est comme cela que nous avons trouvé ce lieu : une ancienne maison familiale des années 1950 sur deux niveaux, construite sur un terrain de 700 m2 qui avait été divisée en deux appartements disposant chacun d’un petit jardin de 200 m2. Nous avons acquis un appartement organisé sur deux niveaux avec une pièce de vie en rez-de-jardin. Quand on est arrivés, ce jardin était divisé en trois zones : une terrasse en bois avec une piscine hors-sol, une zone de 50 m2 recouverte de gravier blanc au contact de la maison et une étendue de terrain qu’on tondait régulièrement sans rien en faire. C’était un peu triste, j’avais envie de changer ça… j’ai commencé par désimperméabiliser en retirant les 50 m2 de gravier blanc.
A l’origine, sur les 200 m2, hormis la zone de terrasse avec la piscine et une aire de gravier balnc de 50 m2, on voyait que tout le reste du terrain avait étésubi: sa seule raison d’être était d’être tondu régulièrement pour le maintenirpropre, sans qu’il n’accueille aucune fonctions en terme de jardin et d’usage… et encore moins de biodiversité.
Pourquoi avoir désimperméabilisé le sol comme première action pour engager la transformation du jardin ?
La zone minérale, exposée plein sud, était invivable en été. On se brûlait les pieds en marchant dessus, et la pièce de vie en rez-de-jardin devenait une étuve. La réverbération du soleil sur le gravier renvoyait tout le rayonnement solaire sur la façade, déjà surexposée. J’ai décidé de tout enlever. À l’automne 2022, on a évacué 18 tonnes de matériaux à la brouette. En dessous, on a découvert une ancienne fosse septique, mais elle n’était plus utilisée depuis des décennies et ne posait pas de problème. On a remis de la terre végétale en place et on a construit une pergola sur laquelle je fais grimper : un houblon (Humulus lupulus) récupéré dans la campagne environnante et une glycine de Chine (Wisteria sinensis) pour la beauté de sa floraison. Ces plantes ont l’avantage d’être caduques (elles perdent leur feuilles en période hivernale), donc leurs feuillages créent une ombre bienvenue pour nous protéger des rayons ardents du soleil d’été, mais laissent entrer la chaleur lors de la saison froide.
Dès l’été 2023 — qui a quand même été chaud dans ma région : une canicule et des records de température battus avec plus de 40°C — la différence était flagrante : la pièce qui était la plus chaude l’été est devenue la plus agréable.
C’était incroyable de voir à quel point la végétation pouvait rafraîchir l’espace de la maison.
Comment avez-vous fait pour redonner de la place à la nature et à la biodiversité dans ce petit jardin ?
Pour recréer de la diversité sur 200 m2, il fallait être malin et surtout prendre appuis sur nos besoins et nos usages. J’ai planté une haie basse pour créer de l’intimité avec les voisins, en mélangeant des espèces locales et horticoles. Je n’ai pas forcément ciblé uniquement des espèces autochtones : l’idée c’est surtout de créer différentes strates — herbacée, arbustive, arborée —, car, en matière d’accueil de biodiversité, la structure a beaucoup d’importance.
Pour le couvert arboré, j’ai planté un mûrier platane (Morus kagayame), très utile pour créer une canopée apportant de l’ombre avec ses grandes feuilles. J’ai également planté un figuier (Ficus carica) et semé des arbres locaux comme un chêne pubescent (Quercus pubescens) dont je vais limiter la taille pour l’adapter au contexte environnant et un micocoulier (Celtis australis) qui, en grandissant, va faire un peu d’ombre sur le potager qui souffre de nos étés très chauds. J’ai aussi planté un bouleau jaune (Betula alleghaniensis), un arbre magnifique emblématique du Québec où j’ai passé quelques années.
Dans la partie herbacée, je laisse s’installer des espèces sauvages spontanées comme l’origan (Origanum vulgare), le pissenlit (Taraxacum officinale), la sauge de prés (Salvia pratensis). Les insectes adorent, et ça donne un côté naturel au jardin.
On a mis en place un petit potager et j’ai apporté pas mal de matières organiques partout dans le jardin pour stimuler la vie du sol. D’ailleurs je recycle toute la matière organique du jardin : aucun déchets verts
de mon jardin ne part à la poubelle ou à la déchetterie, tout retourne au sol… Je rapporte même parfois de la matière organique de l’extérieur pour enrichir encore davantage et favoriser la croissance des végétaux.
On a planté une haie avec des espèces locales et horticoles. Il y a de la glycine, du houblon, et un mûrier platane pour l’ombre. Dans le potager et les zones en herbe on laisse pousser des espèces sauvages comme le pissenlit ou la sauge des prés. Le mélange fonctionne !
Comment se traduit l’impact de ces aménagements et de ce mode de gestion du jardin en termes de biodiversité ?
Je ne suis pas encore rendu à faire la liste des espèces que je vois, mais c’est simple: on est parti de rien et en deux ans la biodiversité a explosé. Maintenant, j’ai une vingtaine d’espèces d’hyménoptères (abeilles, guêpes) et des papillons qui commencent à venir. C’est assez chouette de voir à quel point la vie revient quand on adapte sa façon de jardiner pour laisser un peu de place à la nature.
Par contre, la canopée avec le couvert arboré met du temps à prendre place et la taille du terrain demande de bien conduire la croissance des arbres pour les adapter à l’espace disponible, d’autant qu’il faut tenir compte de la réglementation qui impose des distances minimales entre des arbres et les limites du terrain. On verra ce que ça donne dans quelques années.
En deux ans, on est parti de zéro à une vingtaine d’espèces d’hyménoptères. Les papillons commencent à venir.
Après ces deux années à prendre soin de ce jardin, quels sont les principes prioritaires que vous retenez en matière d’amélioration de l’écologie dans un jardin urbain ?
Pour moi clairement la priorité, c’est de végétaliser. Ensuite, c’est la gestion : ne pas chercher à tondre le moindre brin d’herbe, accepter qu’il y ait un peu de bois ou de feuilles mortes… autant de petites choses qui créent des habitats pour la faune.
Cette question de la gestion et de l’esthétique, ce n’est pas le point le plus facile : pour beaucoup, c’est un changement culturel. Beaucoup de gens veulent juste que ce soit propre
. Moi, je préfère voir des trèfles et des pissenlits que du gazon synthétique. C’est une question de choix, mais aussi de sensibilisation. Il faut trouver un équilibre au jardin pour que ce qui sert à la nature soit aussi perçu comme beau et utile. C’est en montrant qu’un équilibre est possible entre l’usage de son jardin et le plaisir esthétique qu’il procure et son intérêt écologique que l’on pourra convaincre. La vision qui est parfois présentée du jardin favorable à la biodiversité, en effet, ça peut rapidement arriver à un fouillis végétalisé qui va certes, exciter
l’intérêt de l’écologue ou du naturaliste, mais qui, pour le grand public donne une impression de grand n’importe quoi. Il faut trouver un équilibre qui puisse satisfaire la nature et le jardinier.
Un autre aspect clé pour améliorer l’intérêt écologique d’un jardin et sa biodiversité, c’est l’apport de matière organique au sol. J’enrichis régulièrement le potager et les zones plantées avec des déchets verts, du compost et des résidus de tonte. Par exemple, j’utilise ponctuellement un peu de déchets de taille des cyprès de lawson (Chamaecyparis lawsoniana) qui bordent l’espace de stationnement en copropriété pour acidifier un peu le sol de mes framboisiers et fraisiers. Ces résidus acidifient naturellement le sol, ce qui est idéal pour ces plantes qui adorent les terrains légèrement acides. J’ajoute aussi du compost maison, fait à partir de déchets de cuisine et de jardin, pour nourrir le sol et améliorer sa structure. Cette matière organique favorise la vie microbienne du sol, essentielle pour une bonne croissance des plantes.
Le compost en tant que tel, bien humidifié, représente une source de nourriture énorme pour de nombreux décomposeurs, dont toute une diversité de moucherons
qui font le régal des moineaux domestiques, martinets noirs et chauve-souris régulièrement surpris à chasser au dessus du bac…
Pour moi, la priorité, c’est de végétaliser. Ensuite, c’est la gestion. C’est un changement culturel, beaucoup de gens veulent juste que ce soit propre.
Echangez-vous avec vos voisins sur les questions d’écologie au jardin, comment voyez-vous l’évolution de cette question et la façon dont il serait possible à l’avenir de passer à l’échelle un jardinage urbain qui fasse plus de place à la nature ?
C’est délicat. J’en parle de façon indirecte avec mes voisins, mais pour eux, ce n’est pas un enjeu. Ils ont un gazon synthétique, et l’idée de laisser un arbre mort dans leur jardin, ça ne leur parle pas.
Il y a aussi, je pense, une question générationnelle. Les jeunes générations sont plus sensibles et prêtes à changer de pratique pour favoriser la nature en ville que les générations précédentes qui parfois ne prennent pas vraiment le sujet au sérieux et préfèrent le côté pratique de laisser des solutions qui font propre
— comme les robots tondeuses qui peuvent tondre en continu sans que le jardinier n’ait à fournir le moindre effort —.
Montrer que c’est possible de créer un petit jardin qui a une valeur en termes d’écologie et de préservation de la biodiversité sans sacrifier à l’usage qu’on attend d’un jardin résidentiel est déjà une chose. Ce petit jardin est devenu un vrai havre de biodiversité, et ça montre qu’avec un peu de volonté, on peut faire beaucoup, même dans un espace restreint. Notre retour terrain, c’est que les attentes en termes d’usage du jardin, comme le barbecue, le fait d’avoir l’équivalent de réelles pièces à vivre mais extérieures, n’est pas forcément incompatible avec le fait de faire une place à la nature, y compris sur un tout petit terrain de 200 m2.
Je pense qu’il y a des sujets sur lesquels ça peut bouger relativement vite, notamment les questions de confort, d’ombre et d’adaptation au climat. Ça peut être une bonne porte d’entrée pour aborder la question de l’écologie et de la biodiversité. En fait, des éléments de nature peuvent apporter du confort, dehors, mais aussi dans la maison avec l’ombrage. Ce bénéfice du confort est une porte d’entrée pour aborder la question de la biodiversité et de l’écologie au jardin : végétaliser un mur en béton, c’est beau, ça rafraîchit et apporte du confort en été, et puis c’est bon pour la nature.
On n’est pas obligé de mettre uniquement des espèces locales, si déjà on végétalise en variant les strates de végétation, cela ouvre déjà beaucoup de possibilités pour que la nature retrouve sa place.
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