Taxe d’Habitation sur les Logements Vacants (THLV) : une façon pour la commune de prendre contact avec les propriétaires et d’arrondir les fins de mois ?

Par VVPLACE
Décryptages
Publié le 28/05/25
Mis à jour le 30/05/25
8min de lecture
Taxe d’Habitation sur les Logements Vacants (THLV) : une façon pour la commune de prendre contact avec les propriétaires et d’arrondir les fins de mois ?
Denis Caraire

Villefranche-de-Rouergue, France

  • La vacance des logements, une préoccupation en secteurs tendus comme en secteurs détendus
  • La fiscalité, un levier contre la vacance ?
  • Des effets différents de ceux escomptés
  • Dans tous les cas, une rentrée financière
  • TLV ou THLV ?

Faire levier en faveur de la réoccupation : avec ou sans fiscalité, l’accompagnement sur mesure est indispensable, mais l’instauration d’une taxe est l’occasion d’interagir avec les propriétaires de logements vacants.

La vacance des logements, une préoccupation en secteurs tendus comme en secteurs détendus

Sur 32,3 millions de logements dans le parc privé français, 9,3%, soit plus de trois millions, étaient considérés comme vacants en 2022, dont environ 1,2 million depuis plus de deux ans1.

Dans les territoires en tension, où l’insuffisance d’offre de logements est durement ressentie, les logements vacants de longue durée apparaissent comme une ressource que les collectivités souhaitent mettre à profit pour accueillir des habitants et atténuer la crise du logement.

Dans des territoires moins dynamiques démographiquement, les logements vacants de longue durée dans les cœurs de ville et de bourgs mobilisent également l’attention dans le cadre des politiques de revitalisation.

La fiscalité, un levier contre la vacance ?

Dans les communes en tension, dont la liste est fournie par décret, une Taxe sur les Logements Vacants (TLV) créée en 2007 est appliquée d’office aux logements vacants depuis plus d’un an.

Les communes et EPCI qui n’appartiennent pas à cette liste ont la possibilité, par délibération d’instaurer volontairement une taxe d’habitation sur les logements vacants depuis plus de deux ans (THLV).

En ajoutant un poids fiscal sur les logements inoccupés, l’intention initiale est logiquement de favoriser leur réoccupation, en décidant leurs propriétaires à les louer, le cas échéant après travaux, ou à les céder à des bailleurs ou des accédants à la propriété qui pourront les utiliser.

Des effets différents de ceux escomptés

Pour autant, au niveau local, nous ne connaissons pas d’exemple où la THLV, utilisée seule, déclenche un mouvement significatif de réoccupation. Et au niveau national, la hausse globale du nombre logement assujettis à la TLV ou à la THLV (347’000 en 2014 à près de 810’000 en 2024), tout comme la progression du nombre de communes ayant instauré la THLV (6 417 en 2024) n’a déclenché aucune baisse visible de la vacance des logements. Au contraire, en 2023 et 2024, le nombre de logements vacants a fortement augmenté2.

Évolution du nombre de logements vacants (en milliers) et du montant de la recette fiscale (en M€) entre 2014 et 2023 – Source : Cour des comptes d’après les données de la DGFiP

Deux raisons majeures expliquent cette situation :

D’une part la nature profonde des difficultés qui conduisent à la vacance de longue durée des logements (poids des travaux, configuration ingrate, désaccord des indivis, processus de vente inadaptés, incapacité à concevoir des solutions), qui font que les propriétaires assujettis à la THLV n’identifient pas pour autant les moyens de céder ou de rénover et réoccuper leur bien ;

Les multiples possibilités d’exonération, notamment lorsque le bien est très dégradé.

Dans tous les cas, une rentrée financière

L’instauration de la THLV crée une rentrée financière pour les communes qui la mettent en place. Ces recettes dépendent de la taille de la commune et du nombre de logements vacants de longue durée éligibles.La collecte 2022 était de l’ordre de 39’000€ par commune en moyenne3.

Faire levier en faveur de la réoccupation : avec ou sans fiscalité, l’accompagnement sur mesure est indispensable, mais l’instauration d’une taxe est l’occasion d’interagir avec les propriétaires de logements vacants.

Comme nous avons pu le constater directement ou par échange avec des élus, au moment de son instauration, la THLV déclenche un mouvement de questionnement pour les propriétaires. Qu’ils viennent chercher des informations, contester leur classement cadastral ou faire une demande d’exonération, la mise en place de la fiscalité sur les logements vacants ouvre une porte pour un échange avec les propriétaires sur les raisons de la vacance, les perspectives qu’ils identifiant – ou non – pour leur bien, et les arbitrages à réaliser, individuellement ou au sein d’une indivision, d’une SCI…

Lorsque la commune est dotée d’une ingénierie BIMBY BUNTI, ou d’une ingénierie d’opération Anah (OPAH-RU, Pacte Territorial), l’instauration de la Taxe d’Habitation Logements Vacants fournit l’occasion d’une prise de contact avec les propriétaires assujettis, pour leur proposer un accompagnement technique et financier pour rompre la  spirale de la vacance .

Si la situation de vacance est liée à un processus de vente qui s’est enlisé, c’est l’occasion de remettre sur pied ce projet en travaillant avec les propriétaires sur les actions de vente, le montant du prix fixé au regard du marché, le potentiel du bien à mettre en avant auprès des acquéreurs, le type d’acquéreurs visés, ou encore des stratégies comme la vente en plusieurs lots ou le détachement d’un terrain.

Si la situation de vacance longue durée est liée à des difficultés de configuration du bien (manque d’éclairement, absence d’espace extérieur privatif, distribution en décalage avec les aspiration des locataires ou des acquéreurs, difficulté à entrer dans le cadre des règles d’urbanisme ou de protection du patrimoine…) l’ingénierie BIMBY BUNTI permet d’envisager des options de reconfiguration aptes à favoriser une vente ou un projet de travaux.

Si la situation de vacance est liée au poids des travaux nécessaires au regard de l’état du bien, l’ingénierie d’accompagnement permet de tracer des pistes (priorisation, phasage dans le temps, prêts et subventions, analyse du marché immobilier et montage d’opération, réajustement du prix de vente).

Si la situation de vacance est liée à un désaccord entre indivis ou à une succession non résolue, l’ingénierie d’accompagnement permet une médiation reposant sur la proposition de plusieurs options de projet, mais aussi, le cas échéant, l’orientation de la commune vers une procédure de bien vacant sans maître ou d’état d’abandon manifeste aboutissant à une maîtrise foncière publique.

L’instauration d’une fiscalité des logements vacants n’est pas une condition sine qua non pour déclencher la réoccupation de logements vacants de longue durée, en revanche, elle facilite la prise de contact avec les propriétaires en créant, notamment les premières années un questionnement de ces derniers.

TLV ou THLV ?

On doit distinguer la  taxe logements vacants  applicable d’office dans certaines communes; et la  taxe d’habitation logements vacants , dont la mise en œuvre dépend de la volonté des communes concernées, lorsqu’elles ne sont pas soumises à la  taxe logements vacants .

La taxe logements vacants

Il existe à l’échelle nationale une Taxe sur les Logements Vacants (TLV)4, applicable dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50’000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant. La liste des communes concernées par la TLV est fixée par décret5.

Fixée à partir de la valeur locative de l’habitation, le taux de la TLV varie en fonction de la durée de vacance du logement. Depuis janvier 2023 les taux sont de :

  • 17 % la première année où le logement devient imposable ;
  • 34 % à compter de la deuxième année.

La TLV est due par toute personne physique ou morale de droit public ou de droit privé qui dispose d’au moins un logement imposable. Si un propriétaire dispose de plusieurs logements vacants, il doit payer la taxe pour chacun d’entre eux.

Depuis 2022, le produit de la TLV revient à l’État. Il était initialement versé à l’Agence nationale de l’habitat.

La taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV)

Une commune ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) peut décider d’instaurer une taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV), s’ils ne sont pas concernés par la TLV.

La THLV est alors due par les propriétaires des communes concernées qui possèdent un logement vacant à usage d’habitation depuis plus de deux ans consécutifs au 1er janvier de l’année d’imposition.

Pour la TLV comme pour la THLV, existe de nombreux cas d’exonération :

  • les résidences secondaires meublées soumises à la taxe d’habitation ;
  • les logements détenus par les organismes d’habitations à loyer modéré (HLM) ainsi que les logements qui constituent des dépendances du domaine public ;
  • les logements dont la durée d’occupation est supérieure à 90 jours consécutifs au cours de l’année de référence, n’étant pas considérés comme vacants ;
  • les logements dont la vacance est imputable à une cause étrangère à la volonté du contribuable. Par exemple les logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas preneur ou acquéreur ou encore les logements devant faire l’objet de travaux dans le cadre d’opérations d’urbanisme, de réhabilitation ou de démolition ;
  • Les logements ne pouvant être rendus habitables qu’au prix de travaux importants6.

Au regard de tous ces cas d’exonération, et en particulier du dernier ci-dessus, la mise en place d’une THLV n’entraîne pas de façon directe et immédiate une rénovation et une réoccupation du parc vacant de longue durée.

Comme l’indique la Cour des Comptes dans des observations définitives parues en mai 20252, la vacance structurelle de plus de deux ans des logements a de multiples causes, liées aux caractéristiques du logement, ainsi qu’aux choix et situations des propriétaires. Elle en déduit donc que  l’outil fiscal seul ne saurait répondre à des enjeux de lutte contre la vacance différenciés selon les territoires 

En revanche, en mobilisant les propriétaires concernés soit pour contester la vacance du logement, soit pour faire valoir un motif de dégrèvement, l’instauration de la THLV permet à une collectivité de diffuser de façon ciblée des informations sur les dispositifs d’aide à la rénovation et à la réoccupation, nationaux et locaux, tout en percevant un produit fiscal.

Cela implique d’associer à la mise en place de la fiscalité des modalités d’accompagnement sur mesure adéquates, par exemple un accompagnement BUNTI.

Pour les propriétaires qui se contentent de s’acquitter de la THLV, l’absence de réaction est un élément d’information qui peut contribuer à la détermination par la collectivité de modalités d’action ultérieures plus coercitives.


Notes :

  1. Source LOVAC
  2. Accéder à la Publication de la Cour des Comptes du 22/05/2025 sur La lutte contre les logements vacants dans le parc privé – observations définitives de la Cour des Comptes
  3. Source Direction générale des Collectivités Locales (montant de la collecte 2022) et Association des Maires de France (nombre de communes bénéficiant de la THLV en 2022)
  4. Tout savoir sur les taxes sur les logements vacants (TLV et THLV)
  5. Liste des communes assujetties à la TLV
  6.  En premier lieu, ne sauraient être assujettis à cette taxe des logements qui ne pourraient être rendus habitables qu’au prix de travaux importants et dont la charge incomberait nécessairement à leur détenteur. 
    Décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 du Conseil constitutionnel 5.4.2.2.59. Taxe sur les logements vacants