Servitude de plantation : peut-on contraindre l’acquéreur d’un terrain issus de division à conserver un arbre ?
Les arbres améliorent notre cadre de vie : des servitudes peuvent-elle être utile pour assurer leur conservation ?
Plan de l'article
Je suis propriétaire d’une parcelle située à l’arrière de celle de mon voisin. Ma propriété, dépourvue d’accès à la voie, bénéficie d’une servitude de passage sur la parcelle à l’avant de la mienne, qui elle a un accès direct à la voie publique. Je souhaiterais diviser mon terrain afin de créer un lot à bâtir. Après en avoir discuté avec mon voisin, ce dernier ne semble pas favorable à laisser passer un nouveau propriétaire sur sa parcelle. Qui est alors dans son droit ? Est-ce que la servitude de passage dont je bénéficie pourra également bénéficier au propriétaire du terrain issu de la division ? Qu’en est-il du passage des réseaux pour les futures constructions ?
L’article 700 du Code civil prévoit, dans la mesure où les conditions d’exercice de la servitude ne sont pas aggravées, qu’en cas de division d’un fonds dominant, la servitude continue de bénéficier à chacun des terrains résultants de la division.
📕 Article 700 du Code civil :
“Si l’héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée.
Ainsi, par exemple, s’il s’agit d’un droit de passage, tous les copropriétaires seront obligés de l’exercer par le même endroit.”
L’aggravation de la servitude est retenue lorsque les conditions d’exercice de la servitude ne sont pas respectées. Par exemple, et comme le précise le deuxième alinéa de l’article 700 du Code civil, la modification de l’assiette de la servitude de passage constitue une aggravation.
En revanche, l’augmentation du nombre de bénéficiaires de la servitude n’est pas considéré comme une aggravation de celle-ci à partir du moment où les bénéficiaires n’en font pas un usage exagéré. En somme, si le titre de la servitude ne limite pas le droit de passage qu’il consent, la jurisprudence considère qu’un usage libre pourra être fait de la servitude.
De cette manière, la notion d’aggravation dépend de ce que prévoit l’acte de création de la servitude (dans le cas des servitudes conventionnelles).
Une servitude conventionnelle résulte d’un acte officialisé par un notaire. Alors qu’une servitude légale résulte de l’application de la loi : le passage permettant l’accès à la voie publique est ainsi dû pour les propriétés enclavées
Afin de vérifier la nature de la servitude, il est recommandé de demander la délivrance d’un état hypothécaire. Si la servitude est conventionnelle, l’état hypothécaire la mentionnera.
Toutefois, si la création de la servitude est antérieure à l’instauration de la publicité foncière, il faudra alors rechercher l’information dans les titres antérieures de mutation des fonds servant et dominant afin de vérifier si la servitude a été créé conventionnellement. Ces titres sont conservés par les études notariales qui se sont chargées du passages des actes.
Si aucune trace de la servitude de passage n’a été relevée dans ces documents, l’on considère que la servitude est légale et résulte de l’état d’enclave.
👉 Exemple de formulation : “ce droit de passage pourra s’exercer à pieds, avec ou sans animaux, avec ou sans véhicules, à moteur ou non, sans aucune limitation, et pour tous les besoins actuels et futurs d’habitation et d’exploitation, quels qu’ils soient, dudit fonds”.
L’utilisation normale du bien se fait quelque soit la destination de ce dernier, tel que le prévoit l’article 682 du Code civil. Ainsi, les opérations de construction ou de lotissement sont considérées comme une utilisation normale.
📕 Article 682 du Code civil
“Dans le cas même où le propriétaire du fonds assujetti est chargé par le titre de faire à ses frais les ouvrages nécessaires pour l’usage ou la conservation de la servitude, il peut toujours s’affranchir de la charge, en abandonnant le fonds assujetti au propriétaire du fonds auquel la servitude est due. »“Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner.”
Toutefois, l’indemnité devra être proportionnée au dommage occasionné. Ce qui signifie, que plus la division comprend de lots, ou implique un flux important de personnes, plus l’indemnité de dédommagement devra être importante.
En cas de servitude légale, la jurisprudence considère que le fonds servant doit s’adapter à l’évolution du bien, que ce soit dans le cadre d’un changement de destination ou en cas d’augmentation du nombre de logements desservis. Parfois, le juge peut être amené à demander un aménagement du passage afin qu’il corresponde à l’utilisation normale du fonds au regard des nouveaux besoins (Cass. civ. 3e, 4 octobre 2000, n° 98-12.284).
Dans le cas d’une servitude légale, les réseaux de distribution, d’assainissement ou de communication doivent pouvoir raccorder le fonds dominant, quelque soit son évolution (changement de destination, augmentation des lots).
Dans le cas d’une servitude conventionnelle, là encore cela dépend de ce que précise le titre. En cas de litige, il appartient au juge de trancher si le passage vaut également pour les tréfonds.
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