Le 19 décembre 2024, le Conseil communautaire du Grand Annecy a arrêté son projet de Plan local d’urbanisme intercommunal — Habitat, Mobilités, Biodiversité (PLUi HMB). Constatant les premiers impacts possibles de ce document, les Acteurs de la Construction Savoie Léman (ASCL), la FPI et le MEDEF ont sollicité Villes Vivantes pour en évaluer les conséquences. L’étude révèle d’importants écarts entre les ambitions affichées et la réalité du règlement.
À l’approche de l’enquête publique1 , les professionnels de la construction ont décidé de mettre à disposition de tous les résultats de cette expertise indépendante afin d’éclairer un texte complexe, pour en décoder les règles et en mesurer les conséquences réelles.
Un diagnostic démographique dépassé
Le projet de PLUi HMB s’appuie sur des scénarios construits à partir de tendances anciennes. Le diagnostic est réalisé à partir des chiffres INSEE 2012 2017, alors que les données 2015 2021 sont disponibles.
Cette situation conduit à sous-estimer le besoin, avec seulement 1’400 logements/an visés, alors qu’il en faudrait davantage pour accueillir l’objectif des 1’600 habitants/an fixé au PADD.
La taille moyenne des ménages continue de baisser : la conséquence, c’est que même si 1’400 logements neufs étaient construits chaque année, l’accueil sur le Grand Annecy ne serait que de 980 habitants supplémentaires, et non pas de 1’600/an comme fixé au PADD.
Des objectifs de modération de la production de logements neufs à contre sens
Le PADD fixe l’objectif de modérer
la production de logements pour atteindre 1’400 logements/an. Pourtant, ce niveau de production est déjà celui qui a été réalisé sur les dernières années (depuis 2020) : une dynamique de construction qui n’a pas été prise en compte dans le diagnostic. En modérant
la construction par de nouvelles règles plus contraignantes, le projet de PLUi va en réalité faire baisser le nombre de logements qui seront réalisés à des niveaux bien inférieurs à l’objectif affiché des 1’400 logements/an.
Cette situation est particulièrement marquée sur la commune nouvelle d’Annecy où l’on observe dans la période récente, entre 2021 et 2024, seulement 650 logements commencés/an, alors que projet de PLUI établit un objectif de 870 logements/an. Le projet de PLUi affiche donc, de façon contradictoire, un objectif d’augmentation de la production de logements par rapport à la production actuelle, ceci alors que ses règles vont, dans la pratique, réduire les droits à bâtir.
Un règlement qui va freiner l’extension urbaine mais aussi la densification
Le plan des hauteurs
projette de réduire la hauteur autorisée sur 45% des zones résidentielles Annecienne, tout particulièrement dans le centre-ville, où une baisse de 2 étages serait instaurée.
Ce projet s’inscrit en opposition avec ce qui constitué, ces dernières années, le premier levier de la production de logements sur le Grand Annecy : ainsi, 72% des logements en R+2+attique et plus, construits entre 2017 et 2023, auraient été refusés avec les nouvelles règles du projet de PLUi, alors que ce type de projet a représenté plus de la moitié de la production de logements sur cette période.
C’est la ville d’Annecy qui subit les réductions les plus importantes de capacités de production de logements, dans les secteurs centraux les mieux desservis par les transports en commun, et donc en contradiction manifeste avec les objectifs énoncés dans le DOO du SCOT et le PADD du projet de PLUi.
Cette réduction des possibilités de densifier n’est nullement compensée par d’autres leviers de production de logements : sur les 15 secteurs d’OAP, seules 4 génèrent des capacités de productions de logements supérieurs par rapport au PLU actuel, 7 abaissent les capacités de densifications existantes.
Au total, la capacité de production, en application du nouveau règlement, est donc estimée au maximum entre 735 et 975 logements/an, soit de -30 à -50 % de l’objectif.
La baisse de la densité autorisée dans les secteurs les mieux desservis est non seulement en contradiction avec le SCOT en vigueur et LE PADD2 du projet de PLUi, mais également avec la volonté annoncée de réduire la consommation d’espace et l’étalement urbain.
Sauver les sols en ville sous sa fenêtre
reporte la pression de l’urbanisation sur des terres naturelles et agricoles au-delà de l’agglomération. Cette approche tend à augmenter les temps de trajet et l’artificialisation des sols en en reportant l’effet au-delà du Grand Annecy.
Le principe du ZAN doit nous amener vers une densité optimisée et stratégique. Il est regrettable que son interprétation puisse servir et légitimer des politiques d’exclusion qui prennent la forme de règles anti-densification, et donc anti-accueil !
Nous ne pouvons pas opposer le droit et le besoin de se loger à la nécessité impérieuse d’accompagner la transition écologique.
Report sur les territoires voisins
La mise en œuvre du projet de PLUi, une fois les projections mises à jour de l’estimation de la capacité de production réelle du document, génèrerait une croissance démographique nulle pour le Grand Annecy.
L’attractivité pourtant réelle du territoire, ayant généré ces dernières années une croissance démographique de 1’970 habitants/an, serait alors reportée sur les territoires tels que la communauté de communes Rumilly terre de SAVOIE, celles de Fier et Usses et Pays de Cruseilles, mais aussi en Savoie, les communautés d’agglomération grand Lac et Chambéry.
D’ores-et-déjà, le Grand Annecy connaît un déficit migratoire de 550 habitants/an vers ses voisins, avec pour conséquence des temps de trajets rallongés, depuis des territoires moins bien équipés en transports en commun.
La limitation de la construction risque d’amplifier très fortement cet effet de report et d’augmenter, in fine, les flux de circulation sur le territoire.
Un objectif de mixité sociale insincère
Le projet de PLUI affiche des objectifs de production de logements sociaux renforcés, par écrits, mais qui, dans la pratique, ne pourront concrètement pas être réalisés. Il est donc insincère sur ce point crucial pour l’équilibre social du territoire.
La mixité sociale telle qu’elle est envisagée dans le PLUI — HMB repose en effet très majoritairement sur des secteurs de mixité sociale, par conséquent sur des futurs projets portés par des opérateurs privés, avec une part de logement sociaux imposée.
La volonté politique des 3 tiers
, couplée à la faible densité autorisée par les nouvelles règles du PLU, annulent de fait la capacité d’acquisition foncière de la promotion privée, qui ne pourra proposer aux propriétaires des fonciers visés que des valeurs inférieures à la valeur vénale des biens. Ces projets, étant ainsi rendus irréalisables, ne seront pas réalisés et les objectifs affichés de production de logements sociaux ne seront en conséquence pas réalisés non plus.
Données clés :
- Même si une production de 1’400 logements/an était atteinte (ce qui ne sera pas le cas), la croissance démographique ne serait plus que de 980 habitants/an, contre 1’600 visés.
- 1’400 logements/an prévus VS 735 à 975 logements/an possibles.
- Avec une production de logements telle qu’estimée, le territoire arrêterait d’accueillir des habitants, avec un effet de report potentiel massif sur les intercommunnalités voisines.
- 72 % des logements construits en densification verticale depuis 2017 n’auraient pas été autorisés avec les nouvelles règles.
- 45 % des secteurs résidentiels d’Annecy sont impactés par la réduction des hauteurs maximales.
Notes :
- 19 mai — 27 juin 2025
- Pour mémoire :
Orientation n° 2 du PADD du PLUI :renforcer l’armature urbaine pour améliorer l’organisation et le fonctionnement du Grand Annecy
. Pour la commune nouvelle d’Annecy :les orientations visent à conforter son rôle de cœur d e l’agglomération tant par ses équipements et aménités que par sa concentration d’emplois et de population
.
Objectif N°8 DOO du SCOT :les opérations de production de nouveaux logements situées dans un rayon de 10 minutes à pied d’une gare ou arrêt ferroviaire et de 5 minutes à pied d’un arrêt de transport en commun performant devront concourir à l’élévation de logements dans ces secteurs
.
Paradoxalement, la baisse des droits à bâtir est plus forte à proximité des lignes de transports à haut niveau de service (lignes de bus Rythmo n° 1, 2, 3, 4 et 5) que dans le reste du territoire.