Depuis les années 2000, et sans mollir, les rez-de-chaussée entièrement vitrés se multiplient dans nos opérations neuves : façades plates, transparentes et continues
L’effet aquarium, vous connaissez ?
.
On les conçoit comme modernes, ouvertes, vivantes
.
La littérature, elle, dit autre chose :
- Transparent, oui.
- Hospitalier, non.
1. Jan Gehl : la vie urbaine naît au rez-de-chaussée
Dans Life Between Buildings1
, l’architecte danois nous rappelle que la vie urbaine se joue à l’échelle du regard, là où le piéton rencontre le bâtiment.
Dans Close Encounters with Buildings2
, il observe : People experience cities at eye level, and at close range.
Il montre ainsi que les rez-de-chaussée vivants reposent sur des variations, replis, ombres, transitions : ce qu’il appelle des soft edges
.
Uniform, flat façades reduce the possibilities for contact
2. Zordan et al. : la transparence seule n’active rien
Dans The Association Between Ground Floor Features and Active Street-Level Living3
, Zordan, Talamini et Villani analysent la relation entre :
- transparence,
- perméabilité,
- profondeur,
- détails
Léon Krier : fractalité, distance et détail
, - présence piétonne.
Ils concluent que la transparence n’a d’effet positif que si elle s’accompagne d’articulation et de seuils.
Une façade très vitrée mais sans allège ni profondeur présente une corrélation faible voire négative avec les arrêts et les interactions piétonnes.
3. Parce que personne n’aime être exposé
Dans The Social Life of Small Urban Spaces4
, William H. Whyte observait déjà, en 1980 :
- que nous aimons nous installer dans des espaces légèrement protégés,
- que nous évitons les lieux où nous nous sentons exposés,
- que nous sommes toujours à la recherche d’un équilibre entre visibilité et refuge.
Une façade totalement transparente annule cet équilibre.
Dans Happy City5
, Charles Montgomery le formule lui aussi très clairement :
People stay where they feel both visible and protected
4. Alexander : la fenêtre comme lieu
Dans A Pattern Language6
, Christopher Alexander observe qu’une bonne fenêtre n’est pas un trou dans un mur mais un lieu : un espace où l’on peut s’installer, regarder dehors, voir sans être complètement exposé.
Ce lieu-fenêtre
exige profondeur, allège, segmentation, variations de lumière…
Autant d’éléments absents des façades plates et 100% vitrées.
5. L’effet aquarium est une erreur architecturale qui handicape nos commerces
La littérature converge :
- Gehl nous dit que les façades lisses réduisent le contact,
- Whyte que trop d’exposition décourage l’arrêt,
- Montgomery que l’hospitalité
Urbanisme organique : la générosité et l’hospitalité récursives
exige visibilité et protection, - Alexander que l’épaisseur est un amplificateur d’usage.
- et Zordan et al. que la transparence seule n’active rien.
Quand un restaurant échoue dans une opération neuve, ce n’est pas toujours le commerce qui a failli, c’est souvent la façade qui l’a condamné.
Notes :
- Gehl, J. (2011). Life between buildings. Washington, DC : Island Press.
- Gehl, J. (2018). Close encounters with buildings. Washington, DC : Island Press..
- Zordan, M., Talamini, G., & Villani, C. (2019). The association between ground floor features and public open space face-to-face interactions: Evidence from Nantou Village, Shenzhen. International Journal of Environmental Research and Public Health, 16(24), 4934. https://doi.org/10.3390/ijerph16244934
- Whyte, W. H. (1980). The social life of small urban spaces. New York, NY : Project for Public Spaces, Inc.
- Montgomery, C. (2013). Happy city: Transforming our lives through urban design. New York, NY : Farrar, Straus and Giroux.
- Alexander, C. (1977). A pattern language: Towns, buildings, construction. New York, NY : Oxford University Press.











