Comment choisir qui supporte le passage dans le cadre d’une division parcellaire ?

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8 min de lecture.  |  Publié le 27/07/24

La servitude de passage est un outil de droit privé abondamment utilisé dans le cadre des divisions pavillonnaires, notamment lorsque la division donne lieu à une construction en second front.

Se pose alors le choix du fonds dominant et du fonds servant : laquelle des deux parcelles conservera le passage (fonds servant) et laquelle bénéficiera seulement d’un droit d’usage par le biais de la servitude (fonds dominant) ?

1. Les usages

Les usages sont l’un des éléments à prendre en considération afin de choisir qui sera le fonds servant. En effet, il semble logique que le propriétaire qui utilise le plus le passage en soit propriétaire, notamment pour des raisons de praticité d’entretien.

Cependant, ce n’est ce que dit le Code civil, qui prévoit que la charge d’entretien du passage incombe au propriétaire du fonds dominant, en considérant que ce dernier utilise ce passage sans en être le propriétaire. En cas de communauté d’usage, les charges peuvent être réparties entre les fonds.

Dans tous les cas, la convention de servitude peut prévoir une réparation différente des charges.

Ainsi, bien que les usages soient l’un des éléments susceptibles de conditionner le choix, ceux-ci ne sont pas déterminants : une flexibilité permet d’envisager sereinement toutes les possibilités.

2. Les règles qui conditionnent l’emprise au sol autorisée

Lorsque la division parcellaire donne lieu à la création d’un lot à bâtir, et parce que la valeur de ce dernier sera fonction des droits à construire qu’il octroie, le critère clé dans le répartition des fonds servant et dominant est son impact sur l’emprise au sol qui sera autorisée par les règles du document d’urbanisme (règle d’emprise au sol, coefficient de pleine terre ou de biotope, …).

Tenant compte de ces éléments, selon le contexte, on pourra privilégier de laisser la contenance cadastrale la plus grande au terrain destiné à accueillir la construction nouvelle. En effet, dans le cas où la règle d’emprise au sol étant calculée au prorata de la surface du terrain, plus celle-ci est grande, plus l’assiette permise pour la construction l’est aussi. Et donc, plus la valeur du terrain augmente.

Exemple 1 : L’accès du terrain divisé en fond de parcelle (D) est permis par une servitude de passage l’emprise au sol de la nouvelle construction est calculé sur le terrain en pleine propriété, à l’exclusion de la partie permettant l’accès.(S)
Exemple 2 : L’accès à la voie est attribuée en pleine propriété au terrain divisé en fond de parcelle (S), c’est une division dite “en drapeau”. Une servitude de passage le calcul de l’emprise au sol de la nouvelle construction se fait en incluant la surface dédiée à l’accès qui est en pleine propriété. (D)

3. Impact sur le coût de raccordement aux réseaux

Un autre élément à prendre en considération lors de la répartition du fonds servant et dominant est la création des réseaux destinés à alimenter le lot à construire.

Dans le cas où la parcelle destinée à accueillir la nouvelle construction est éloignée du domaine public, le gestionnaire du réseau (le plus souvent Enedis) peut préconiser une extension du réseau public d’électricité sur le domaine privé afin de permettre le raccordement.

  • Cette extension ne peut se faire sans que le propriétaire du terrain où passera l’extension n’ait signé une convention de servitude avec Enedis ou avec le syndicat départemental d’électrification (articles R323-1 et suivants du Code de l’énergie). Attention, cette servitude se distingue d’une simple servitude conventionnelle de tréfonds qui aurait pu être jointe à la servitude de passage. Il s’agit d’une servitude d’utilité publique, obligatoirement conclue entre le gestionnaire du réseau et le propriétaire du terrain d’assiette (dans notre cas, le propriétaire du fonds servant d’une servitude de passage).
  • L’extension du réseau sur le domaine privé peut générer un surcoût, par rapport à un simple raccordement. En règle générale, la contribution d’extension sur le domaine privé est à la charge du demandeur. Les coûts afférents à l’extension peuvent, selon les cas, être en partie supportés par le syndicat départemental d’électrification. Il convient de se rapprocher du syndicat local pour obtenir plus de précisions à ce sujet.

Ainsi, si le lot à construire est situé en second rang, lui attribuer le passage en pleine propriété lui permettra d’être situé au droit du domaine public et ainsi de faciliter son raccordement, notamment en évitant une extension du réseau public.

3.1. Prévenir les litiges

Les litiges sont nombreux au sujet du raccordement électrique d’une parcelle destinée à accueillir une maison individuelle.

Ces litiges reposent sur le fait que la norme NF C 14-100 imposerait, pour des questions de sécurité (l’usage des services de secours est de rechercher le coffret en limite de propriété) et d’harmonisation du territoire national, que le coupe circuit principal individuel (CCPI) et la dérivation individuelle se trouvent sur la parcelle à desservir sans empiéter sur la parcelle d’un tiers.
Ce critère rendrait obligatoire l’extension du réseau public afin de positionner le coffret en limite de propriété (dès lors que le câble de branchement en zone privative fait plus de 30m, ce qui est souvent le cas lorsqu’une parcelle enclavée en second rang est raccordée).

Cette norme n’est plus obligatoire (l’article 1 de l’arrêté du 22 octobre 1969 qui l’instituait a été abrogée par l’Arrêté du 3 aout 2016). Il ne semble pas qu’une autre norme alternative à celle-ci existe (voir CA Paris, 15 février 2024 n°22/04490). Toutefois, il semblerait qu’Enedis continue de l’appliquer.

Par ailleurs, la Cour d’appel de Paris a considéré, dans la décision du 15 février 2024, que le texte de la norme NF C 14-100 était clair sur le fait que l’accessibilité du coupe circuit principal individuel (CCPI) depuis la voie publique est impérative. Cependant, la Cour constate que le texte ne mentionne pas explicitement que le coffret doit être situé sur la propriété raccordée sans empiéter sur la parcelle d’un tiers.

Ainsi, il semble qu’il y ait un conflit d’interprétation sur certaines points (5.1.2 et 8.1) de la norme NF C 14-100 : l’obligation de la position du coupe circuit principal individuel (CCPI) sur la parcelle raccordée n’est pas avérée, en revanche il est clair que ce coffret doit impérativement être accessible depuis la voie publique.

4. Conséquences de la servitude : création de vues et père de famille

Les divisions foncières peuvent générer des servitudes par destination du père de famille. Il convient d’analyser la situation avant de diviser afin d’avoir conscience des servitudes susceptibles de découler du projet de division.

Les servitudes par destination du père de famille peuvent porter sur des plantations, des surplombs, des écoulements naturels matérialisés par un ouvrage apparent, des vues, etc.

Il sera possible, pour certaines d’entre elles qui ne seraient pas désirées, de mentionner explicitement dans l’acte de division rédigé par le notaire que les propriétaires s’y opposent.

La servitude de passage vaut servitude de vue : là encore l’emplacement du passage peut donner droit à la création de vues selon les configurations (réfléchir à la configuration).

D’où l’importance de définir le contenu de la servitude de passage pour bien anticiper les usages.

5. Préférences du propriétaire

Il faut garder à l’esprit que, quelle que soit la situation, les préférences particulières du propriétaire initial peuvent entrer en ligne de compte, et ce malgré les critères de choix précédemment explicités.

Notamment, s’il est propriétaire occupant de la maison restante et s’il a réalisé des aménagements valorisant sa propriété sur la partie du terrain qui permettra le passage, il se peut qu’il désire garder la propriété du chemin grévé de servitude.

Dans ce cas, il conviendra de rédiger la convention de servitude afin qu’elle s’adapte aux aménagements et aux usages effectifs des fonds.

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