La science des petits gestes

Décryptages
Publié le 07/04/25
Mis à jour le 08/04/25
2min de lecture
La science des petits gestes
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Vue aérienne du Grand Bazar d’Istanbul, Turquie

  • 1. Toute une ville sous un seul toit
  • 2. La fine granularité ne  produit  pas le grandiose de façon immédiate
  • 3. Ce que nous appelons  grandeur  pourrait donc changer de sens

L’incrémental peut-il produire du monumental ?

1. Toute une ville sous un seul toit

Il est naturel d’associer à la fine granularité La fine granularité : clé de l’antifragilité ? La fine granularité : clé de l’antifragilité ? (des parcelles petites, relativement autonomes les unes vis-à-vis des autres dans leur capacité d’adaptation et d’évolution) l’idée de l’échelle  humaine  : celle de la maison, du foyer ou de l’entreprise familiale.

Elle évoque l’ajustement, la proximité, le sur-mesure, mais rarement la monumentalité.

Et pourtant, lorsque notre regard croise la grande façade occidentale de Notre Dame de Paris, une vue aérienne de Manhattan, ou encore ce plan organique du Grand Bazar d’Istanbul, nous percevons une forme de grandeur d’autant plus puissante qu’elle est presque sans  geste .

Fondé en 1455 sous le règne de Mehmet II, agrandi pendant des siècles, sans plan directeur, le Grand Bazar a évolué comme un organisme vivant : reconstruit après des incendies, consolidé après des séismes, il s’est étendu par ajouts successifs, échoppe par échoppe, jusqu’à former  une ville dans la ville Et si la clé de l’adaptabilité d’une ville était… le village ? Et si la clé de l’adaptabilité d’une ville était… le village ?  .

Avec ses 4’000 boutiques, ses 60 rues intérieures, ses multiples strates historiques, il constitue l’un des plus grands ensembles commerciaux au monde. Et pourtant, il n’est le fruit ni d’un plan d’ensemble, ni d’un geste unique.

Il est né — et continue d’évoluer — par agrégation de cellules élémentaires : échoppes, allées, patios, des modules répétables et adaptables dont l’accumulation ordonnée nous rappelle cette vérité un temps oubliée par l’urbanisme moderne : la monumentalité organique, celle de la voie, de l’avenue ou de la simple allée du marché, ne repose pas tant sur la grandeur isolée de chaque objet urbain que sur la force et l’intensité de leurs relations.

2. La fine granularité ne  produit  pas le grandiose de façon immédiate

Elle en rend possible l’émergence. Elle autorise la croissance, l’appropriation, la transformation — avec cette souplesse remarquable qui tient dans le fait qu’elle n’exige pas la synchronisation des initiatives, ni la préexistence d’un plan finalisé. Elle substitue à la vision totalisante un système d’auto-organisation, dont les résultats échappent souvent à la prédiction, mais rarement à la beauté Quand la beauté d’une ville vient autant du dessin que du grain Quand la beauté d’une ville vient autant du dessin que du grain .

3. Ce que nous appelons  grandeur  pourrait donc changer de sens

Laissons les concours de hauteur, les gestes et gabarits démesurés, les symétries qui ne sont parfaites que lorsqu’elles sont vues du ciel.

Et travaillons la densité Le consensus sur l’urbanisme dense est à reconstruire Le consensus sur l’urbanisme dense est à reconstruire d’usages, la complexité vécue, la profondeur historique, la puissance d’évocation.

Le grandiose non pas comme projet, mais comme émergence.

Et si l’avenir de la grandeur de nos villes ne résidait pas dans le gigantisme des formes, mais dans la fertilité du grain ?

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