Le monde a besoin de meilleurs urbanistes

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3 min de lecture  |  Publié le 19/03/2024 sur | Mis à jour le 24/04/24

Villes Vivantes, l’urbanisme comme service à la personne

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Julien Meyrignac | caissedesdepots.fr

L’urbanisme représente 46% des dépenses des ménages français

Colossal : 46% des dépenses des ménages Français sont aujourd’hui affectées au logement et au transport, c’est-à-dire finalement, à l’urbanisme.

Voici pourquoi je pense qu’il est urgent de renverser la perspective de cette discipline en l’envisageant :

  1. non plus simplement comme une pratique technique et administrative,
  2. mais véritablement, et globalement, comme un “service à la personne”,
  3. dont l’efficacité et la pertinence doivent être drastiquement améliorées par un investissement massif en R&D.

C’est le point de vue que j’ai tenté d’exposer, de façon assez abrupte et sans doute avec beaucoup de maladresses, dans le dernier numéro de la Revue Urbanisme intitulé “Le monde a besoin des urbanistes”. L’article ayant été proposé en accès libre sur le site de la Caisse des Dépôts, je me permets de le partager ici également. Je remercie chaleureusement son rédacteur en chef, Julien Meyrignac, de m’avoir tendu le micro, avec la liberté de ton qui est la sienne, mais n’aurait-il pas fallu, cher Julien, opter pour le titre suivant :

“Le monde a besoin de meilleurs urbanistes” ?

Le logement : un abonnement invisible à un ensemble de services conçu par les urbanistes ?

46% des dépenses en 2021 pour le logement et le transport, contre seulement 31% il y a 60 ans, c’est 15 points de plus : une augmentation de 50% du poids des dépenses liées, essentiellement, à l’usage physique et quotidien du territoire dans lequel nous vivons.

Dans un article précédent, je faisais remarquer qu’au sein du poste “logement”, il convenait de bien distinguer la valeur du logement lui-même de celle de son emplacement, qui est la cause d’une part importante de l’évolution du poids du logement dans le budget des ménages, bien plus que les abonnements Netflix et autres écrans plats…

Tout se passe comme si, aujourd’hui, le choix de l’emplacement de son logement était l’équivalent d’une sorte d’abonnement à l’ensemble des opportunités du monde réel rassemblées, avec plus ou moins de bonheur par le travail des urbanistes, dans ce que nous appelons un bassin de vie, une ville, une métropole, un littoral… un cadre de vie.

Habiter dans le coeur d’une grande ville signifie acheter, ou louer :

  1. une surface habitable,
  2. un abonnement, un accès libre, aisé et rapide (à pied, en vélo, en TC, en voiture) à des dizaines de milliers d’emplois potentiels, à une myriade d’opportunités sociales, culturelles, de services, d’équipements, de rencontres, dont beaucoup ont besoin, chaque jour.

La transposition du concept d’abonnement au cadre de vie physique permet de rendre concret ce qui se cache derrière la notion, plus vague, d’attractivité : le service réel rendu, aux personnes, par l’organisation de l’espace et l’aménagement du territoire.

Les Français ne s’entassent pas dans des logements exigus situés dans des métropoles saturées à cause des prouesses du marketing territorial : ils consentent à payer, trop cher sans doute parce que notre urbanisme est trop peu efficace, et au détriment d’autres dépenses comme l’alimentation, un abonnement physique à ce dont ils ont besoin, en plus des m2 habitables.