« Nous ne raisonnons que sur des modèles »
Nous dit Paul Valéry.
Il y a tout juste 9 ans et 9 mois, je soutenais une thèse de doctorat en architecture (accessible et téléchargeable ici) sur un sujet – en apparence – très différent de celui qui m’occupe à plein temps depuis que j’ai créé Villes Vivantes, il y un peu plus de 10 ans : le sujet de la modélisation, dans les disciplines de l’architecture et de l’urbanisme.
Comme elle est un peu longue, mais que le sujet de la modélisation redevient d’actualité, tant en matière de transition écologique qu’en matière de crise du logement, où nous sommes partout à la recherche de “solutions”, je vous propose d’introduire certaines idées que j’y développe, à travers cette série d’articles, pour comprendre pourquoi “trouver des solutions à nos problèmes” dans les disciplines de l’aménagement du territoire et du cadre de vie, est plus complexe qu’il n’y parait.
Des modèles à concevoir plutôt que des modèles à appliquer
Mon hypothèse de travail est la suivante :
- entre le monde des solutions génériques, uniques, universelles (peindre tous les toits de Paris en blanc par exemple) qui est aussi celui des normes (toujours imparfaites, parfois contre-productives),
- et celui des approches purement contextuelles (“chaque situation est un cas unique”),
- se situe un monde intermédiaire : un monde dans lequel nous, architectes et urbanistes, avons eu du mal à nous situer ces dernières décennies quand d’autres disciplines (je pense aux disciplines de l’ingénieur) s’y sont pleinement développé.
Ce monde, c’est celui du savoir, du savoir-faire, de la transmission d’un état de l’art, de techniques, d’un métier fiable et solide : c’est celui de la R&D, de la formalisation d’une discipline enseignable, de modèles “partageables”, “testables”.
Ces modèles sont des descriptions plus ou moins sophistiquées qui peuvent nous aider à comprendre, prédire, simuler, décrypter. Ils ont par principe toujours un domaine de validité, de pertinence, délimité. Ils sont, par définition, toujours partiels et simplificateurs, mais utiles.
L’architecture et l’urbanisme sont a priori des disciplines :
- plus multi-dimensionnelles et plus multi-échelles que les autres : cela rend l’exercice de modélisation plus délicat, complexe, systémique. Mais pas impossible pour autant. C’est tout l’objet des développements contenus dans la thèse !
- dans lesquels l’art de la conception est clé : cela rend l’exercice de modélisation spécifique, dans la mesure où les modèles sur lesquels nous pouvons travailler, en architecture et en urbanisme, ne seront pas “à appliquer” mais “à concevoir” : ils devront informer, supporter, outiller des processus de conception, et non pas simplement servir de guides ou de méthodes qu’il suffirait d’appliquer pour obtenir les résultats escomptés. Là encore : pas évident, mais pas impossible, si l’on s’y prend de façon adaptée.